7.1.14

"Les voeux de Serge Dassault" ou "A quoi sert d'acheter un journal ?"

Il était une fois Serge Dassault.

Cet homme, quoique polytechnicien, ce qui montre au-delà de ses capacités propres son milieu d'origine plus qu'aisée, reste avant tout fils de son père et héritier de l'empire familial.

Avec cette fortune, le jeune Marcel, 88 ans aux prunes, s'est offert en 2004 non pas un journal, mais tout un groupe de presse. Pourquoi ? Mais oui, pourquoi donc un chef d'entreprise (comme papa, et son fiston comme lui), homme politique de surcroît (comme papa, et son fiston comme lui), investirait-il dans un groupe de presse ?

Pour soutenir un outil de contre-pouvoir, de pluralité des opinions et de défense de la démocratie ? Allons donc ! Le jeune Marcel ayant tenu quelques propos édifiants, soyons donc édifiés : les journaux doivent diffuser des « idées saines », car « nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche », et il juge « anormal » d'aider les chômeurs, « des gens qui ne veulent pas travailler ». C'est ce que nous dit en tous cas la page sourcée de wikipedia dédiée à ce monsieur.

Bref, avec cet arrière-plan, la lecture des vœux de Marcel Dassault dans le Figaro, propriété de Dassault Marcel, est plus que revigorante. Enfin un homme qui ose briser les tabous gauchos qui sont en tain de ruiner notre pays ! Enfin un phare de pensée libérale dans le brouillard socialiste ! Et quelle pensée !

Voyons plutôt :
il est indispensable que la France réduise, au plus vite, ses dépenses et ses impôts.
 Pas mal pour une mise en bouche.
Il existe une façon simple de réduire la dépense publique : c'est de revenir, sans finasser ni tourner autour du pot, à une durée légale du travail de 39 heures payées 35.
Plutôt fin : 39 heures payées 35. Si, si.
A noter que quand on est passé à 35 heures, on est plutôt resté à 35 heures payées 35, mais bon... Le rattrapage du SMIC cache mal le gel global des salaires depuis ce temps et les gains de productivité imposés lors de la "négociation" des accords de branche... Mais ne finassons pas !

Une référence de poids, ensuite :
Comme l'a dit Tony Blair: «La bonne politique n'est ni de droite ni de gauche, c'est celle qui marche.»
Surtout quand elle est de droite, pourrait-on ajouter...
La seule réforme fiscale qui vaille, la seule «remise à plat» qui permettra de ranimer la confiance, et donc la croissance, c'est la baisse des impôts pour tous.
Pour tous ? Ben tiens. Et pour Dassault Marcel aussi, donc ? 
Faisons donc le choix de la flexibilité en généralisant les CDD non limités ou le contrat de projet, avec embauche pour la durée du contrat.
Relevons les seuils sociaux applicables aux artisans et aux PME, qui bloquent les recrutements à 9 et 49 salariés, et les embauches seront immédiates!
Le nivellement par le bas ? Mais bon sang, pourquoi n'y a t'on pas plus pensé déjà ?

Et quels sont les modèles de Serge Dassault ?
Le Canada, et sa baisse de 20% du nombre de fonctionnaires (et sa politique d'immigration choisie ?).
L'Allemagne, et  son amélioration de compétitivité (les 1 euro job, les travailleurs pauvres, et le dumping intra européen ?)
L'Angleterre, dont on ne présente plus les immenses résultats en matière de lutte contre la misère.
Et, pour montrer une ouverture d'esprit qu'on ne lui soupçonnait pas,
La Russie, paradis poutinesque,
La Chine ! Paradis pour les rares milliardaires poussés sur le cadavre chaud du communisme à la mode Deng Xiao Ping.
Voilà donc ce que Marcel Dassault souhaite à la France : devenir un pays de riches comme lui. C'est-y pas gentil de sa part ?

Enfin, la conclusion de Serge est un nectar réservé aux élus, je ne résiste pas à en faire profiter ceux qui s'égarent ici :
Si nous voulons renouer avec la croissance, il nous faut urgemment en finir avec cette absurde fiscalité sur le patrimoine que notre pays est le seul à subir. Sous prétexte de «faire payer les riches», elle vide pour ainsi dire le pays par les deux bouts: de ses fortunes et de ses talents. D'un côté, les «riches», ou prétendus tels, ceux dont le crime est d'avoir réussi, de s'être constitué un patrimoine à l'issue d'une vie de travail et d'épargne, sont poussés dehors par une fiscalité spoliatrice. De l'autre côté, les jeunes, diplômés ou non, ceux qui veulent réussir et être récompensés demain de leurs efforts, sont incités à aller tenter leur chance ailleurs, là où le succès n'est pas un délit. En son temps, la révocation de l'édit de Nantes avait ainsi vidé la France de ses esprits les plus entreprenants. On sait ce qu'il lui en a coûté. Aujourd'hui, avec l'impôt sur le patrimoine, ce sont ceux qui portent l'avenir productif et technologique du pays qui s'en vont.
Quelqu'un pourrait-il expliquer à papy Dassault que la quasi totalité des successions est exonérée d'impôt ? Que seuls les immensément riches doivent payer des sommes énormes, qui ne sont encore que les miettes du trésor amassé et planqué par des fiscalistes astucieux ?

Et surtout, quelqu'un pourrait rappeler à Marcel qu'il doit presque tout à son pauvre père, qui n'a tout de même pas survécu à Buchenwald pour que son fils  oublie qu'il est né avec une poële à paella en or dans l'organe qu'il serait souhaitable qu'il s'abstienne d'ouvrir, pour dicter de tels insanités à sa secrétaire.Oui, c'est un point Godwin, et c'est le premier et le dernier de l'année sur ce blog.
 
Bref, bonne année !