2.7.08

EDVIGE : salope !

Le Décret no 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE » a été publié le 1er juillet au Journal Officiel.

Le texte en est savoureux pour tout citoyen attaché au premier terme de la devise nationale.

Est institué un fichier centralisé, baptisé EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale).

Sous ce doux nom se cache une vraie salope.

Jugez plutôt.

Qui est concerné ?

Les personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l’exercice de leurs responsabilités.

Les individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public.

On admire au passage la précision du texte, qui se garde bien de définir ce qui relève du trouble à l'ordre public...

Innovation majeure, si l'on peut dire : les personnes physiques âgées de treize ans et plus sont également susceptibles de voir des informations les concernant mises en fiche automatisée.

Mais quelles informations ?

– informations ayant trait à l’état civil et à la profession ;
– adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
– signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
– titres d’identité ;
– immatriculation des véhicules ;
– informations fiscales et patrimoniales ;
– déplacements et antécédents judiciaires ;
– motif de l’enregistrement des données ;
– données relatives à l’environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle.

Seul bémol : les données collectées au titre du 1 de l’article 1er du présent décret ne peuvent porter ni sur le comportement ni sur le déplacement des personnes.

On comprend mal comment on peut définir qui est susceptible de troubler l'ordre public si ce n'est par son comportement, mais cela ne pose pas de problème au Premier Ministre et à son Ministre de l'Intérieur.

Autres gardes-fous :

Celles de ces données autres que celles relatives aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à l’appartenance syndicale ne peuvent être enregistrées au titre de la finalité du 1 de l’article 1er que de manière exceptionnelle.

Nous voilà rassurés ! Manque seulement ce qui peut rentrer dans la catégorie "exceptionnel", mais cela non plus n'est que broutille.

Il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations.

Encore une grosse garantie. D'ailleurs assortie d'aucune sanction (normal dans un décret) ou d'un rappel à la loi en la matière. Comme quoi c'est une garantie en béton armé...

Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.

Ah ? Et donc cela a été envisagé ? Merci de l'information.

Les données concernant les mineurs de seize ans ne peuvent être enregistrées que dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public.

On ne l'avait pas déjà dut plus haut ? Si. Mais mieux vaut deux fois qu'une, puisque cela est tellement contraignant. Pas de définition non plus ici de ce que peut être un trouble à l'ordre public. Ce genre de détail reste à l'appréciation de celui qui enregistre les informations, destinées à des fiches de RG, donc personne, et surtout pas celui qui est fiché, ne risque de savoir qu'il a une fiche et donc s'apercevoir qu'il a été fiché sans qu'il ait jamais troublé l'ordre public. Mais la sûreté du territoire est en jeu, que diable !

Les données collectées pour les seuls besoins d’une enquête administrative peuvent être conservées pour une durée maximale de cinq ans à compter de leur enregistrement ou de la cessation des fonctions ou des missions au titre desquelles l’enquête a été menée.

Ils mettent la date de la collecte sur leurs fiches ? Ou c'est juste pour la beauté du style ? Parce que sans la date d'entrée dans le fichier, il sera difficile de ne les y laisser que 5 ans. On notera que par ailleurs, aucune durée n'est fixée pour les données entrées dans ces fichiers. Il est donc possible qu'un fichage effectué à 13 ans vous suive jusqu'à votre mort...

Qui a accès à ces données ?

sont autorisés à accéder aux informations :
– les fonctionnaires relevant de la sous-direction de l’information générale de la direction centrale de la sécurité publique, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur central de la sécurité publique ;
– les fonctionnaires affectés dans les services d’information générale des directions départementales de la sécurité publique ou, à Paris, de la préfecture de police, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur départemental ou, à Paris, par le préfet de police.
Peut également être destinataire des données mentionnées à l’article 2, dans la limite du besoin d’en connaître, tout autre agent d’un service de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, sur demande expresse, sous le timbre de l’autorité hiérarchique, qui précise l’identité du consultant, l’objet et les motifs de la consultation.

Globalement, tout agent de la sécurité publique ou de la sûreté du territoire ou tout flic qui en fait la demande. Cà fait du monde à pouvoir apprendre que vous baisez la voisine, hein ? Ou que vous fraudez le fisc ? Ou que vous avez peloté une mineure il y a 15 ans, quand vous étiez vous-même mineur...

Le traitement et les fichiers ne font l’objet d’aucune interconnexion, aucun rapprochement ni
aucune forme de mise en relation avec d’autres traitements ou fichiers.

Cà, alors çà, c'est une vraie salope ! EDVIGE ! SAAAALOOOOOPE !

Pourquoi tant de haine contre cette brave EDVIGE ?

Un peu de logique. A quoi peut bien servir une interconnexion avec un fichier qui comprend déjà TOUTES les données ? Je vous le demande ? Relisez la liste ci-dessus. Je vous la remet, pour la route :

– informations ayant trait à l’état civil et à la profession ;
– adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
– signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
– titres d’identité ;
– immatriculation des véhicules ;
– informations fiscales et patrimoniales ;
– déplacements et antécédents judiciaires ;
– motif de l’enregistrement des données ;
– données relatives à l’environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle.

Vous voyez quoi, comme info manquante qu'il faudrait recouper avec un autre fichier, là dedans ? Aucune ?

MICH... ! Heu non... EDVIGE ! SALOPE !

Conformément aux dispositions prévues à l’article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le droit d’accès aux données s’exerce auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Tiens ? On peut accéder aux données ? Mais comment, puisque les RG n'informent pas les personnes concernées, comment savoir qu'on a une fiche ?

De toutes façons : Le droit d’information prévu au I de l’article 32 et le droit d’opposition prévu à l’article 38 de la même loi ne s’appliquent pas au présent traitement.

Quel droit d'information ? Ben, celui du I de l'article 32. Il n'est pas rappelé ici ? Pourquoi faire ? Vous en connaissez, des citoyens qui lisent les décrets ?

Allez, je suis bon prince : La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant.

Donc, quand ce sont les RG, vous n'êtes pas informé. Normal, me direz vous, sinon, ce ne sont plus des agents secrets...

Quand au droit d'opposition :

Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement.

Elle a le droit de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur.

Mais pas quand il s'agit de la sûreté du territoire, nom de nom ! Vous vous croyez où ? Dans un pays qui parle de liberté dans sa devise et de droits de l'homme à toutes les tribunes ?

le directeur général de la police nationale rend compte chaque année à la Commission nationale de l’informatique et des libertés de ses activités de vérification, de mise à jour et d’effacement des informations enregistrées dans le traitement.

OUF ! Si le directeur-général-de-la-police-nationale rend compte à la CNIL, alors nous sommes sauvés ! Aucun abus à craindre, aucune donnée inutile, aucune erreur, aucune donnée conservée quand elle devrait disparaître, aucune consultation interdite, le directeur-général-de-la-police-nationale rend compte !

Le présent décret est applicable sur tout le territoire de la République.

Même dans les bureaux de la sûreté du territoire ? Non, c'est une blague...




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