Lettre à M. Warsmann à propos de l'amendement 61 à la loi de modernisation des institutions
Copie au Président de l'Assemblée : M. Accoyer
Copie aux Présidents des groupes parlementaires : MM. Copé, Ayrault, Sandrier et Sauvadet
Monsieur Warsmann,
Je découvre un peu tard que vous avez proposé un amendement visant à inscrire dans la Constitution que : « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. »
Cet amendement, adopté par l'Assemblée, me paraît très surprenant. En particulier par l'exposé des motifs que vous en faites.
En effet, vous argumentez ainsi :
"Trop souvent, les textes de loi adoptés par le Parlement ont une portée rétroactive. Ceci ne facilite ni la sécurité juridique ni la stabilité de notre droit. Il convient donc ici de reprendre la proposition formulée par le « comité Balladur » en érigeant en principe constitutionnel la non-rétroactivité de la loi."
J'aimerais donc que vous éclairiez le citoyen que je suis :
1) Pouvez vous me donner une liste de textes de lois qui démontrerait que les textes adoptés par le Parlement ont trop souvent un caractère rétroactif ?
Pourtant attentif à suivre l'élaboration des lois dans nos assemblées, je n'ai pas souvenir que le Parlement s'amuse à produire à la chaîne des textes à portée rétroactive.
Mais peut-être faut-il entendre ce "trop souvent" par le fait que cela arrive parfois, ce qui est déjà bien trop souvent par rapport à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme, intégré dans le Préambule de la Constitution, et qui indique, j'y reviendrai, que "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit" ?
2) Pouvez vous m'expliquer comment votre amendement peut répondre au souci que vous exprimez de sécurité juridique et de stabilité ?
En effet, en constitutionnalisant une exception à la non rétroactivité du Droit - de formulation assez vague d'ailleurs puisque vous ne prenez pas le soin de définir ce que pourrait être un motif déterminant d'intérêt général, qui pourra varier au gré des humeurs du moment de notre société - vous instaurez au contraire une insécurité juridique énorme, puisque tout acte de la vie réalisé à un moment donné pourrait être un jour jugé à l'aune d'une loi future !
Vous allez donc à mon sens à l'encontre du but que vous recherchez. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?
3) Votre dernière phrase de motivation explique que vous souhaitez "ériger en principe constitutionnel la non rétroactivité de la loi".
Je vous invite à relire l'article 8 de a Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit".
Je vous invite également à relire le Préambule de la Constitution : "Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme [...] tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789." Ce qui inscrit déjà dans la Constitution le principe de non rétroactivité de l'article 8 de cette Déclaration. Il ne serait pas inutile que cette disposition figure noir sur blanc dans la Constitution, mais il est curieux de prétendre vouloir ériger en principe constitutionnel une notion qui l'est déjà...
Enfin, en ajoutant une exception notable au principe de non rétroactivité, vous inscrivez en fait dans la Constitution une possibilité de rétroactivité, ce qui est exactement contraire à la première phrase de votre exposé des motifs.
Voilà pourquoi, M. Warzmann, je reste extrêmement surpris devant le texte de cet amendement, qui me semble inscrire dans la loi fondamentale exactement le contraire de ce que vous dites vouloir y inscrire. Avec la formulation proposée, le principe fondamental et sécurisant pour les citoyens de non rétroactivité de la loi pourra se voir remis en cause à chaque fois qu'une majorité trouvera un motif dont elle pensera qu'il est "déterminant d'intérêt général", en laissant le soin au Conseil Constitutionnel de juger de la pertinence de ce caractère.
Enfin, récemment, la Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a su trouver, dans l'Assemblée, une majorité pour voter un texte souhaitant s'appliquer à des personnes condamnées antérieurement à la promulgation de la loi. Cela signifie donc qu'avec un possibilité de rétroactivité constitutionnalisée, cette disposition aurait pu trouver un moyen d'application dans la mesure où la démonstration du caractère d'intérêt général aurait pu être faite. Nul doute que l'émotion suscitée dans le public par quelques récidives atroces, sur lesquelles s'est bâtie cette loi, aurait pu constituer une amorce de démonstration...
Il est donc à craindre, avec votre amendement, qu'à l'avenir, trop souvent, des textes de loi aient une portée rétroactive. Ce qui est tout de même un comble.
Dans l'attente des explications que vous ne manquerez pas de me donner, je vous prie d'agréer M. Warsmann, mes citoyennes salutations.
Y.R
Copie aux Présidents des groupes parlementaires : MM. Copé, Ayrault, Sandrier et Sauvadet
Monsieur Warsmann,
Je découvre un peu tard que vous avez proposé un amendement visant à inscrire dans la Constitution que : « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. »
Cet amendement, adopté par l'Assemblée, me paraît très surprenant. En particulier par l'exposé des motifs que vous en faites.
En effet, vous argumentez ainsi :
"Trop souvent, les textes de loi adoptés par le Parlement ont une portée rétroactive. Ceci ne facilite ni la sécurité juridique ni la stabilité de notre droit. Il convient donc ici de reprendre la proposition formulée par le « comité Balladur » en érigeant en principe constitutionnel la non-rétroactivité de la loi."
J'aimerais donc que vous éclairiez le citoyen que je suis :
1) Pouvez vous me donner une liste de textes de lois qui démontrerait que les textes adoptés par le Parlement ont trop souvent un caractère rétroactif ?
Pourtant attentif à suivre l'élaboration des lois dans nos assemblées, je n'ai pas souvenir que le Parlement s'amuse à produire à la chaîne des textes à portée rétroactive.
Mais peut-être faut-il entendre ce "trop souvent" par le fait que cela arrive parfois, ce qui est déjà bien trop souvent par rapport à l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme, intégré dans le Préambule de la Constitution, et qui indique, j'y reviendrai, que "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit" ?
2) Pouvez vous m'expliquer comment votre amendement peut répondre au souci que vous exprimez de sécurité juridique et de stabilité ?
En effet, en constitutionnalisant une exception à la non rétroactivité du Droit - de formulation assez vague d'ailleurs puisque vous ne prenez pas le soin de définir ce que pourrait être un motif déterminant d'intérêt général, qui pourra varier au gré des humeurs du moment de notre société - vous instaurez au contraire une insécurité juridique énorme, puisque tout acte de la vie réalisé à un moment donné pourrait être un jour jugé à l'aune d'une loi future !
Vous allez donc à mon sens à l'encontre du but que vous recherchez. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?
3) Votre dernière phrase de motivation explique que vous souhaitez "ériger en principe constitutionnel la non rétroactivité de la loi".
Je vous invite à relire l'article 8 de a Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit".
Je vous invite également à relire le Préambule de la Constitution : "Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme [...] tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789." Ce qui inscrit déjà dans la Constitution le principe de non rétroactivité de l'article 8 de cette Déclaration. Il ne serait pas inutile que cette disposition figure noir sur blanc dans la Constitution, mais il est curieux de prétendre vouloir ériger en principe constitutionnel une notion qui l'est déjà...
Enfin, en ajoutant une exception notable au principe de non rétroactivité, vous inscrivez en fait dans la Constitution une possibilité de rétroactivité, ce qui est exactement contraire à la première phrase de votre exposé des motifs.
Voilà pourquoi, M. Warzmann, je reste extrêmement surpris devant le texte de cet amendement, qui me semble inscrire dans la loi fondamentale exactement le contraire de ce que vous dites vouloir y inscrire. Avec la formulation proposée, le principe fondamental et sécurisant pour les citoyens de non rétroactivité de la loi pourra se voir remis en cause à chaque fois qu'une majorité trouvera un motif dont elle pensera qu'il est "déterminant d'intérêt général", en laissant le soin au Conseil Constitutionnel de juger de la pertinence de ce caractère.
Enfin, récemment, la Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a su trouver, dans l'Assemblée, une majorité pour voter un texte souhaitant s'appliquer à des personnes condamnées antérieurement à la promulgation de la loi. Cela signifie donc qu'avec un possibilité de rétroactivité constitutionnalisée, cette disposition aurait pu trouver un moyen d'application dans la mesure où la démonstration du caractère d'intérêt général aurait pu être faite. Nul doute que l'émotion suscitée dans le public par quelques récidives atroces, sur lesquelles s'est bâtie cette loi, aurait pu constituer une amorce de démonstration...
Il est donc à craindre, avec votre amendement, qu'à l'avenir, trop souvent, des textes de loi aient une portée rétroactive. Ce qui est tout de même un comble.
Dans l'attente des explications que vous ne manquerez pas de me donner, je vous prie d'agréer M. Warsmann, mes citoyennes salutations.
Y.R
Libellés : institutions
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