6.5.08

Bilan d'un an de travail législatif dans la France d'après (1ère partie)

C'est l'heure du bilan. Mécaniquement, une année a passé, et on se retourne pour tirer un bilan de ce qui s'est passé.

Le 6 mai 2007, c'était la victoire de "la France d'après", du "tout est possible", du "travailler plus pour gagner plus".

Quelles ont été les conséquences tangibles dans la législation de l'élection de Sarkozy ? Petit tour d'horizon.

Tout a commencé très fort lors de la session extraordinaire de juillet 2007, suivie de la session de septembre 2007. Plusieurs textes importants pour mettre sur les rails la rupture et les promesses du candidat qui "dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit" : peines-planchers, bouclier fiscal, heures sups, réforme de l'université, service minimum, on allait voir ce qu'on allait voir ! Des textes ont donc été voté, à l'unanimité ou presque de l'UMP mobilisé, reprenant à son compte son ancienne appellation d'Union pour la Majorité Présidentielle. Tous droits dans leurs bottes derrière le président choisi lors de primaires UMP à 98%.

La justice

Réforme de la justice, donc, avec en premier rôle Rachida Dati, minorité visible à la mode.

Premier acte : la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Des fois qu'il y ait des citoyens qui ne soient ni majeurs, ni mineurs...

Cette loi débute le travail idéologique consistant à repousser sans cesse les limites de l'acceptable en matière de droit. Première éraflure : les peines planchers. Prévues dans le programme de Sarkozy, elles sont instaurées dans une idée d'automaticité et de prévention. Idée générale : si un délinquant sait qu'il risque une peine minimale, il se retiendra de commettre son crime.

Cette idée va à l'encontre de toute la théorie pénale depuis Beccaria, mais ce n'est pas un tel détail qui va arrêter le gouvernement. Il fut certes rappelé que seule la certitude de peine et la promptitude de la sanction sont de nature à prévenir la commission de l'infraction. Pas le quantum de peine, automatique ou non. En vain.

Seule l'automaticité fut supprimée, par crainte d'anticonstitutionnalité.

Bilan en demi-teinte : une usine à gaz pour que finalement les peines-planchers ne s'appliquent que si le juge le veut bien. En pratique, le texte prévoit que le juge motive sa décision d'infliger moins que le minimum... Cela suffit pourtant à Mme Dati pour crier victoire : les peines-planchers, c'est fait, le gouvernement tient les promesses du président et je vous défie de prouver le contraire.

Autre innovation de ce texte, la suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, qui pourront désormais subir une peine équivalente à celle d'un majeur. Mais les conditions de cette dérogation sont telles qu'en pratique, il est quasiment impossible de trouver un mineur dans ce cas, puisqu'il doit s'agir d'un multirécidiviste (dont on sait qu'il est devenu le monstre qui permet de faire peur au 20 h). Il faut donc qu'entre 16 et 18 ans, il commette non pas une, pas deux, mais 3 délits et qu'il soit jugé dans ce délai pour ce 3ème délit. Une disposition de pur affichage, donc.


Autre mesure prise rapidement : la création d'un poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ce poste consiste essentiellement à visiter les lieux de privation de liberté et à transmettre au ministre concerné des observations, des recommandations et un rapport annuel. Aucun pouvoir, donc, ou si peu. Il s'agit pourtant de se mettre en conformité avec la norme européenne. Mais au final, un an après, le poste reste à pourvoir...


Autre mesure phare, la rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il s'agit là du deuxième coup de canif dans les fondements du droit, poursuivant le travail idéologique de sape de principes qu'on pensait établis. Quel est l'enjeu ? Il s'agit de répondre aux images d'Epinal véhiculée par le président du fou qu'on ne juge pas et du monstre pédophile récidiviste qu'on laisse en liberté.

En France, jusqu'à cette loi, on considérait qu'on ne pouvait juger que des gens responsables de leurs actes, ce que n'est pas, par définition, un fou. La procédure prévoyait de prononcer un non-lieu en cas de conviction de la folie de l'accusé. D'où malaise des familles des victimes, qui auraient été flouées d'un procès. Grâce à cette nouvelle loi moderne, les familles des victimes auront donc l'immense joie de voir l'assassin de leur proche incapable de comprendre de quoi il est question assis devant un juge. Quel autre mot que tartufferie ? Quel réconfort cela apportera t'il aux victimes de voir leur agresseur dans un box, s'il est incapable d'expliquer son geste, voire même de comprendre les questions qu'on lui pose ? Aucune importance, la loi est passée, l'affichage médiatique est passé : le président tient ses promesses.

Quant à la rétention dite de sûreté, elle a fait couler beaucoup d'encre. Avec raison. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de revenir sur la non rétroactivité de la loi, tout en créant une possibilité d'enfermement à vie. Deux idées qui suffisent à faire passer leur tenant pour un incompétent ou un imbécile, selon qu'il sait ou non ce qu'il fait. Mais peu importe pour Mme Dati, cette rétention est indispensable pour empêcher les monstres de se balader en liberté. Et de brandir les exemples récents de tueurs pédophiles libérés et récidivant pour justifier l'injustifiable. Conclusion ? Une usine à gaz pour tenter de mettre à l'écart par bail d'un an reconductible les criminels prenant plus de 15 ans de tôle. Pourquoi 15 ? On ne sait pas. Pourquoi un an reconductible ? On ne sait pas. Pourquoi les mesures existantes ne sont pas appliquées ? Pourquoi le suivi médical ou psychatrique obligatoire en prison n'est il pas possible en pratique ? Pourquoi des pervers peuvent-ils sortir avec des obligations de soin qu'ils ne suivent pas ? Mais on s'en fout ! Ce qui compte, c'est encore une fois l'affichage : le président tient ses promesse et Mme Dati est son meilleur soldat.

[A suivre]


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