6.6.06

Mme Royal affole les journalistes

La couverture médiatique de la parution du 2ème chapitre du livre en ligne de Mme Royal, sur son site désirs d'avenir, tourne à la caricature.

"Ségolène Royal s’attaque aux 35 heures", nous dit 24 heures.
"Ségolène Royal s’attaque aux 35 heures et au sous-emploi", nous répète Culture Femme.
"Ségolène façon Sarkozy", nous dit-on chez DHNet.

Mais qui a lu ce chapitre 2 pour le résumer à un point de la partie X ?

Voilà le plan de ce chapitre, qu'on peut consulter ici :
I .- Chômage, sous-emploi et précarité : les chiffres du désordre
II.- Déstabilisation des classes moyennes et blues des cadres
III.- La colère des Français et le descenseur social
IV.- Sous les mots d’aujourd’hui, les idées d’avant-hier
V.- Financiarisation de l’économie : de l’intérieur du système, certains tirent le signal d’alarme
VI.- Patrons-voyous : les moutons noirs
VII.- Licenciements boursiers : détruire les emplois pour doper les dividendes
VIII.- Mille-euristes et milliardaires : pauvreté salariée et parachutes dorés
IX.- Délocalisations : la mondialisation-alibi
X.- Santé-sécurité au travail : le retard français
La partie X traite effectivement des 35 heures, pour en dire ceci :
La réduction du temps de travail a été conçue davantage comme un outil de création d’emplois (350.000) que comme l’aboutissement d’une réflexion sur les conditions de travail. Leur contre-partie fut un spectaculaire assouplissement du droit du travail (à condition que des accords négociés l’encadrent) et une flexibilité accrue (annualisation, réduction des délais de prévenance, etc.).
Ou encore ceci :
C’est donc essentiellement au bas de l’échelle des qualifications et des statuts que la flexibilité a été accentuée : chez Michelin, les cadres ont bénéficié de jours de congé supplémentaires et les ouvriers sont venus travailler le samedi…
On le voit, il s'agit donc pour Mme Royal, non pas de "s'attaquer aux 35 heures" ou de faire du Sarkozy, mais seulement de tirer les leçons de la mise en place d'une politique, de faire un bilan et un état des lieux. Exactement ce qui devrait être fait après la mise en place de chaque nouvelle mesure !

Qu'on se comprenne bien : il ne s'agit pas pour moi de faire la promotion de la candidate à la candidature PS. Son ambition m'est indifférente.

Ce que je déplore, c'est qu'une fois encore, le traitement de l'information est parcellaire et cherche à créer le scoop, en montant en épingle une part anecdotique d'un programme politique pour mettre la pagaille dans la politique et vendre encore plus de papier...

De plus, sur le fond, l'état des lieux réalisé par Mme Royal est assez bien vu. Les cadres et les grandes entreprises ont su profiter de la réduction du temps de travail, laissée à la négociation par Mme Aubry. Les syndicats des grandes boîtes ont pu obtenir jusqu'à 23 jours de RTT, quand les petites boîtes sont seulement passées à 35 heures par semaine, en continuant à travailler le temps nécessaire à la réalisation des commandes en cours...

Les cadres, dans leur majorité ont pu négocier une annualisation de leur temps de travail en contrepartie de jours de récupération RTT, ce qui leur permet d'améliorer globalement leur qualité de vie, puisque l'annualisation était déjà leur lot avant les 35 heures !

Les opérateurs, par contre, ont dans l'ensemble négocié leurs RTT contre une flexibilité accrue et une annualisation du temps de travail qui n'était pas la règle pour eux auparavant. Ce qui a conduit, toujours à lal louche, à une dégradation de leur qualité de vie, du fait des horaires imposés, souvent variables, etc.

Il faut évidemment se garder de caricaturer. Impossible de décrire en quelques mots l'ensembles des dispositifs, parfois ingénieux, qui ont été mis en place pour passer à 1600 heures de travail annuel. Je renvoie cependant à cet article de Gérard Filoche, qui en parle bien et qui propose quelques aménagements "de gauche".

Mais il ne faut pas non plus oublier que les négociations des 35 heures s'est faite également au détriment des salaires, qui ont été bloqués pendant plusieurs années dans beaucoup d'entreprises, au prétexte du surcoût des 4 heures perdues par semaine. En oubliant que le passage aux 35 heures a permis, en obtenant une flexibilité accrue, de dégager des marges importantes de productivité...

Pour conclure ce billet, je constate qu'il est sans doute trop compliqué pour certains de prendre le recul nécessaire pour présenter ces quelques idées dans le même papier. Il est beaucoup plus simple de chercher un angle de présentation aguicheur sur des citations extrêmement courtes d'un candidat. Ce type de journalisme me désole, et me renforce dans l'idée que l'information est une chose trop précieuse pour la laisser à des marchands.