13.11.06

De l'apparition des videos partagées dans la campagne politique

La mise en ligne de videos montrant Ségolène Royal tenant divers propos en contradiction avec sa ligne officielle ou avec e projet socialiste est l'occasion de faire le point sur ce nouveau phénomène : la mise en lignes de videos à caractère politique.

Déjà en vogue aux Etats-Unis d'Amérique, où de nombreuses videos ont circulé pendant la campagne des élections de mi-mandat, dont la plus connue reste sans doute celle de Michel J. Fox à propos des cellules souches, la mise en ligne de video dans un but militant est nouvelle en France.

Quel usage ?

Pourquoi mettre en ligne de telles videos ? L'usage peut être multiple : soutien à un candidat, montages d'images d'archives, pastiches, morceaux "off"... Ses usages semblent pour l'instant limités à critiquer les candidats, à les montrer sous un jour qui ne leur est pas favorable.

On connaissait les montages anti-sarko. Au-delà des usages finalement assez potaches, on voit avec la video de Royal parlant des profs aux 35 heures que l'objectif d'une telle mise en ligne peut aussi servir un autre intérêt, celui de porter à la connaissance du public des informations qu'il n'aura pas par les canaux habituels. Voilà donc les images anti-ségo.

Quel intérêt ?

On peut se demander quel intérêt il y a pour les citoyens à pouvoir découvrir ces images non officielles, non contrôlées par les protagonistes. Dans le cas emblématique de Royal, il ne s'agit pas de "off", il ne s'agit pas de caméras de télé, il s'agit d'une vidéo amateur, destinée à on ne sait quoi. Pourquoi en effet filmer ces discussions ? Pour les archives du PS ? La question reste actuellement sans réponse.

Un intérêt supposé serait de permettre aux gens d'atteindre une plus grande transparence dans les débats, en voyant la vraie image des politiques. Je ne partage pas ce point de vue. Dans tout échange informel, dans toute réunion, il y a des points de vue divers, des échanges plus ou moins vifs, des prises de position iconoclastes ou ironiques, des dérapages ou des avocats du diable. Tout cela pour permettre à la discussion d'avancer ou tout simplement pour atteindre un but personnel du locuteur : stratégie de positionnement dans la discussion (je suis de ce camp, ou je prétend l'être), trancher les débats (c'est comme çà et pas autrement en ce qui me concerne), ouvrir la discussion, choquer pour faire réagir, etc. Les outils langagiers sont nombreux et sont tour à tour utilisés dans toute discussion.

Filmer les débats n'est pas forcément utile, mais surtout, ne peut être mis à disposition de personnes n'ayant pas participé aux dits débats qu'avec d'énormes précautions de contextualisation.
Ce n'est pas parce qu'on a une image d'Untel disant ceci que Untel pense ceci ou qu'il ne défendra pas le contraire en toute bonne foi, dans la mesure ou l'image en question rentre dans un processus de discussion ou des outils de language tels que le second degré, l'ironie, la reformulation (qu'on songe aux racailles de Sarkozy, reprenant les termes d'une habitante !) ou autre est utilisée.

Quels dérives ?

Ne jamais oublier que derrière tout émetteur il y a un objectif, un but, une volonté.

La personne qui met en ligne une video le fait avec une intention, qu'il convient de décrypter. Dans le cas de Royal, il s'agit manifestement de la mettre en difficultés face aux enseignants, votant traditionnellement plutôt à gauche.
Dans le cas des videos anti-sarko le message est également clair.

Mais sur le fond, il faut s'interroger.
Il y a une différence entre réaliser un montage à charge à partir d'images officielles (propagande interne, images télés) et mettre en ligne un film amateur.

La mise en ligne d'images non contrôlées par les protagonistes est-elle vraiment utile ? Je pense que non, dans la mesure où ces images ne bénéficient d'aucun contexte pertinent. On ne sait pas, dans un document amateur, dans quelles conditions les images ont été tournées. On ne sait pas pourquoi les personnes filmées ont tenu les propos qu'on voit. Les règles habituelles du jeu médiatique sont abolies.

Il ne faut pas en profiter pour se passer de règles.

Pour qu'un tel document soit intéressant, il faut de nouvelles règles :
1) savoir qui filme :
Qui tient la caméra, qui est-il ? Cela permet de comprendre la couleur du regard. Un militant UMP et un militant PS dans une réunion du PS ne filmeront pas la même chose, ni ne monteront leur film de la même façon.
2) savoir pourquoi il filme :
Quelle est l'intention avouée du réalisateur ?
3) savoir dans quelles conditions il filme :
A l'insu des acteurs ? En ayant leur accord ? En ayant seulement signifié la présence d'une caméra ?
3) savoir qui met la video en ligne :
Est-ce ll'auteur ? Est-ce une autre personne ?
4) savoir pourquoi elle est mise en ligne.
Quel est l'objectif avoué de la mise en ligne ?

Sans ces éléments, la video n'a aucun impact autre que le ressenti et l'émotion face aux images. Aucune réflexion ne peut naître sans ces conditions, qui sont de la véritable transparence.

Je propose donc que les commentaires des videos mises en ligne (sur YouTube ou DailyMotion ou tout autre site) contiennent a minima ces éléments :
Date et lieu du tournage,
Conditions du tournage : images volées / avec accord des acteurs / présence signalée de la caméra / etc.
Auteur / Réalisateur (celui qui crée la séquence d'image à partir des rushs et qui orient le montage)
Distributeur (celui qui met en ligne)

Il s'agit donc bien de créer un véritable nouveau médium, individuel, grâce aux évolutions de la technique permises par les évolutions récentes (appareils photos, baladeurs videos...) qui doit, pour être exploitable, suivre des règles de présentation claires et partagées par tous.

Sans cela, il ne restera qu'une bouillie infâme d'images dénuées de sens.

2 Commentaire(s) :

Anonymous Anonyme a écrit...

A quoi bon? Quelle différence entre les vidéo postées hors contexte et les interviews tronquées par la presse pour des raisons politiques? L'internaute a autant de sagesse que le lecteur qui sait jusqu'à quel point croire ce qu'il lit dans son journal. Imaginer des règles, une charte, me semble peu adapté.
Et la video de Ségolène Royale n'a rien changé au résultat.

10:20 PM  
Blogger yrduab a écrit...

La différence, Charles', se situe dans le fait que l'émetteur d'une video n'est pas un journaliste, accrédité et identifié, mais Mr ou Mme Tout-le-monde, faisant usage de son appareil photo ou de son téléphone pour saisir au vol des bribes de conversation.

Dans le cadre d'un média habituel, on sait à quoi s'attendre. Dans le cas d'une video "amateur", les règles des médias sont balayées. On ne sait plus qui filme, ni pourquoi il le fait.

On a juste des images, décontextualisées, qui ne peuvent faire sens.

D'où ma demande de remise dans un contexte, pour guider le spectateur et lui donner des clefs de lecture des images proposées.

YR

11:10 PM  

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