26.10.07

Grenelle de l'environnement : le fait du Prince

Alors qu’un Comité planche depuis deux mois sur la modernisation des institutions le président Sarkozy nous présente une fois de plus une figure de prince, en s’accaparant les conclusions du Grenelle de l’Environnement.

Le Grenelle de l’environnement - concertation inédite possiblement fondatrice d’une mise en application de principes importants de l’écologie politique tels que la diminution de l’émission des gaz à effet de serre, la limitation de la consommation d’énergie, la prise en compte du prix du carbone, la remise en cause du modèle de transports tout-autoroute, le questionnement sur l’utilité des OGM, le développement des énergies renouvellables - est parvenu à des conclusions et peut être légitimement qualifiée de succès.

Il faut reconnaître à Nicolas Sarkozy la paternité de la tenue ce Grenelle, réclamé par les écologistes depuis longtemps. Il est donc compréhensible qu’il tire la couverture à lui quant au succès de sa tenue et des nombreuses propositions qui en découlent.

Cependant, le président va trop loin dans l’appropriation.

Dans son discours de clôture, habilement mis en scène avec la participation de « guest stars » de poids comme Al Gore, Nicolas Sarkozy retombe dans un de ses travers habituels, celui qui consiste à croire qu’il peut décider seul de tout et écrire les lois.

Des exemples ?

« Le Grenelle propose une rupture : je la fais mienne. »

On peut admirer l’implication du chef de l’Etat qui s’identifie complètement à la cause écologiste et aux conclusions du Grenelle, et sincèrement partager sa volonté et son engagement.

Mais le président va plus loin. Il veut des changements, il veut des résultats pratiques. Cela transparaît fortement dans son discours :

« Je veux rouvrir le débat de la responsabilité », « Je veux revenir sur le dossier des OGM », « je ne veux pas me mettre en contradiction avec l’Union européenne », « je m’engage à ce que la France transpose au Printemps 2008 la directive OGM », « je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires », « je veux engager un programme national des énergies renouvelables », « je veux faire de la France le leader des énergies renouvelables », « je rétablirai une participation de l’Etat pour la construction de voies de bus, de voies pour les vélos ou encore de tramways », « je m’engage à redresser nos ports pour que les marchandises entrent enfin par les ports et non plus par les routes », « je veux que ce programme commence par les 800 000 logements HLM les plus dégradés », « je m’engage à ce que toutes les cantines publiques proposent au moins une fois par semaine un repas issu de l’agriculture biologique », « je m’engage à ce que les cahiers des charges de la restauration collective imposent des produits labellisés ou issus d’exploitations certifiées », « je suis contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises. Il n’est pas question d’augmenter le taux de prélèvements obligatoires. Je suis contre tout prélèvement sur le pouvoir d’achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé. »

Mais une fois encore, le président oublie qu’il n’a pas à vouloir quoi que ce soit en matière législative. Il peut souhaiter, il peut demander, mais la volonté du chef de l’Etat, en France, n’a pas force de loi.

Le Président n’est pas le législateur

La loi est rédigée par le Gouvernement ou l’Assemblée et discutée et votée par le Parlement.

On peut comprendre que le Gouvernement présente des projets de loi conformes à la vision du chef de l’Etat, les Conseils des ministres étant là aussi pour faire passer des consignes présidentielles.

Mais le Parlement a son mot à dire. Et rien ne garantit en théorie qu’il sera forcément de l’avis du président de la République, même s’ils sont du même bord politique.

Les députés et les sénateurs sont nos représentants. Ils ont dans leur main notre mandat pour écrire et voter les lois ainsi que pour contrôler les institutions. Charge à eux de se saisir des conclusions du Grenelle et de les mettre en pratique dans la loi.

Le président répète souvent qu’il a la légitimité du suffrage universel pour lui. C’est vrai. Mais son mandat n’est pas d’écrire la loi.

Son mandat est décrit en détails dans la Constitution et son titre II :

  • il veille au respect de la Constitution. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.
  • il nomme le Premier Ministre et met fin à ses fonctions.
  • il préside le Conseil des Ministres.
  • il promulgue les lois
  • il soumet au référendum des projets de loi
  • il peut dissoudre l’Assemblée Nationale.
  • il signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des Ministres.
  • il nomme aux emplois civils et militaires de l’Etat.
  • il accrédite les ambassadeurs
  • il est le chef des armées.
  • il peut en cas de crise majeure prendre des pouvoirs exceptionnels.
  • il a le droit de faire grâce.

Ce rappel me semble nécessaire quand le président Sarkozy se laisse aller à dépasser le cadre de son mandat.

Le président veut, le président s’engage, mais il n’a pas notre mandat pour légiférer. Il peut souhaiter que le Parlement se saisisse du sujet et légifère. Il peut se prononcer à titre personnel sur ce qu’il ferait s’il était législateur, mais il ne peut en aucun cas engager sa responsabilité propre sur des lois.

Hors, dans ce cas encore, on ne peut que constater que le président Sarkozy semble penser que ses volontés deviendront des réalités légales.

Quand il dit « je m’engage à ce que la France transpose au Printemps 2008 la directive OGM », il sort de son rôle, la transposition des directives étant votées par le Parlement. Seul la maîtrise de l’agenda parlementaire par le gouvernement permet d’imposer au Parlement de discuter un tel texte.

Quand il dit « je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires » ou « je veux engager un programme national des énergies renouvelables », il déborde largement sur les compétences des ministères, du Parlement et des collectivités locales.

Quand il indique « je rétablirai une participation de l’Etat pour la construction de voies de bus, de voies pour les vélos ou encore de tramways » ou « je m’engage à redresser nos ports pour que les marchandises entrent enfin par les ports et non plus par les routes » ou « je veux que ce programme commence par les 800 000 logements HLM les plus dégradés » ou « je suis contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises. Il n’est pas question d’augmenter le taux de prélèvements obligatoires. Je suis contre tout prélèvement sur le pouvoir d’achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé », il semble oublier que c’est le Parlement qui vote le budget et que ce sont les collectivités locales qui lancent les projets de transports et les financent. La participation financière de l’Etat est toujours bienvenue, mais ce n’est pas le président qui décide quelle ville aura un tramway ni comment il sera financé...

Quand il dit « je m’engage à ce que toutes les cantines publiques proposent au moins une fois par semaine un repas issu de l’agriculture biologique » ou « je m’engage à ce que les cahiers des charges de la restauration collective imposent des produits labellisés ou issus d’exploitations certifiées », il va encore plus loin, se substituant aux maires des communes, seuls décideurs au final de ce qui doit être fait dans les cantines scolaires du premier degré...

Non, en France, les institutions font que les décisions à tout niveau ne sont pas le fait du Prince.

A la décharge du président, il faut lui accorder que depuis 5 mois, le Parlement lui a rarement donné tort. Les textes directement issus des « je veux » présidentiels ont tous été votés, presque sans modifications, et parfois avec zèle.

Il est temps que le Comité d’Edouard Balladur donne ses conclusions. En espérant que le président ne s’en saisira pas pour répéter « je veux »...

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