Réforme de la Constitution : quelles modifications ?
La réforme de la Constitution, voulue par le président et votée en Congrès le 21 juillet 2008 suite aux travaux de la Commission Balladur, a modifié une bonne moitié des articles du texte fondateur de la République Française.
Quelles sont ces modifications et quelle est leur portée ?
I. Ce qui change :
1. L’article 1 proclame maintenant que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Il s’agit d’une extension de la disposition qui a entraîné la parité dans les listes électorales. Sa traduction dépendra de ce que la Loi prévoira. La parité est le type même de la discrimination légale, qui impose une discrimination pour lutter contre elle. Verra-t’on cette discrimination dans les carrières professionnelles combattue par une nouvelle parité ? Le cadre constitutionnel peut conduire à tout… même au meilleur. Mais on objectera que la loi prévoit déjà l’égalité salariale entre hommes et femmes pour des postes équivalents en 2010, ce qui est loin d’être le cas mi-2008. On peut s’attendre à des mesures de parité dans les conseils dirigeants des entreprises, mais au-delà de çà ? La discrimination qui frappe les femmes est diffuse et souvent liée au statut de mère de famille. A quand des mesures visant à favoriser l’accès des hommes aux fonctions parentales ?
2. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Typiquement le genre de phrase qui a peu de sens. La liberté d’expression est déjà forte en France, puisqu’uniquement limitée par des délits graves. Reste que la répartition du temps de parole dans les médias (la règle des 3 tiers : gouvernement, majorité, opposition) est à revoir quand le président s’exprime partout et tout le temps et que les petits partis n’ont pas accès aux médias (voir les dernières campagnes où les 2 partis principaux ont eu des heures d’antenne seuls face aux journalistes quand les petits partis venaient par groupe de 4 sur les plateaux). Si la Loi peut permettre d’améliorer cela sur la base de cette phrase, il y aurait du progrès.
3. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Très décevant. L’une des difficultés de la représentation politique réside dans la monopolisation des sièges par quelques-uns, qui cumulent et se présentent parfois à vie. En profitant du fonctionnement par partis de la vie politique française, ce sont des barons qui siègent partout et longtemps. Les exemples ne manquent pas. La solution consisterait à restreindre voire à rendre impossible tout cumul et à empêcher les réélections. La proposition retenue empêche un élu de faire plus de 2 mandats consécutifs. Pas plus de 2 mandats en tout, non. Deux consécutifs. On aura donc des carrières entrecoupées, 2 fois députés, puis conseiller général, puis 2 fois députés, puis maire, etc. Tout en conservant plusieurs sièges en même temps… Vraiment décevant.
4. Référendum d’initiative « citoyenne »
Un trompe-l’œil incroyable. Il a été glosé sur ce référendum d’initiative populaire ou citoyenne, depuis la campagne présidentielle et la proposition de la candidate PS. C’est la droite qui le propose, sous une forme pourtant excessivement trompeuse.
Pourquoi trompeuse ?
Parce que l’initiative du référendum ne revient pas aux citoyens, mais aux parlementaires :
Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
Il faut donc que 180 députés et/ou sénateurs se saisissent d’une proposition portée par environ 4,5 millions de citoyens pour que cette disposition puisse être utilisée !
De plus, les modalités de cette disposition sont laissées à une loi organique. Qui propose ? Sous quelle forme ? Combien de temps a-t’on pour réunir les signataires ? Qui contrôle la liste des signataires ? Tant de questions qui sont laissées à l’appréciation du législateur.
Cette disposition semblait attendue dans l’opinion. Il est à craindre qu’elle ne soit que très rarement mise en œuvre, du fait du nombre de signataires requis.
5. Contrôle des nominations dévolues au président :
Une disposition est introduite pour contrôler les nominations du président, qui s’exerçaient jusqu’à présent sans contrôle. Ce contrôle prend la forme d’un avis public des Commissions permanentes de l’Assemblée et du Sénat sur ce sujet. Louable intention, qui comporte une limite : il faudra une majorité des 3/5 des deux Commissions pour empêcher la nomination. Quand on sait que les Commissions sont réunies proportionnellement à la couleur politique des Assemblées, il semble difficile de trouver une majorité dans les assemblées qui irait contre une nomination venant d’un président de son bord, qui plus est quand celui-ci est aussi le chef du parti majoritaire ! Le contrôle prévu semble donc assez théorique. Il suppose cependant de créer une Commission permanente supplémentaire par assemblée, ce qui donnera des postes supplémentaires aux élus. On notera également que cette disposition nécessite une loi organique.
6. Contrôle des pouvoirs exceptionnels
Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
Une bonne mesure, permettant d’encadrer le pouvoir exceptionnel du président. Cependant, rien ne vient indiquer comment il est mis fin aux pouvoirs exceptionnels, même dans le cas où le Conseil Constitutionnel viendrait à constater que ceux-ci ne sont plus nécessaires… Il manque donc d’aller au bout de l’idée de contre-pouvoir en donnant au Parlement le droit de mettre fins à ces pouvoirs exceptionnels.
7. Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel.
Pas de grand changement avec la mention de « à titre individuel ». Tout simplement parce qu’une grâce collective reste une somme de grâces individuelles… Mais la pratique actuelle consiste à ne plus user de la grâce présidentielle hors de cas particuliers. Ce que cette formulation essaye de traduire, maladroitement.
8. Le président prend la parole devant les Assemblées.
Enfin ! Mis dehors depuis des décennies, le président va pouvoir entrer dans les Assemblées et y délivrer oralement son message. Pour dire quoi ? Ce qu’il voudra ! Quand, comment ? Cela n’est pas précisé. Par contre, les assemblées se réunissent, même quand elle sont hors session, pour aller écouter le message. Sans vote. Sans débat.
Une vraie tribune pour le président, qu’on imagine déjà applaudi, plébiscité, par sa majorité et hué depuis les bancs de l’opposition.
Quel intérêt ?
9. Assemblée et Sénat
Le nombre maximal de députés est fixé à 577. Le nombre maximal de sénateurs est fixé à 348. Un cadeau pour les français de l’étranger, ils auront maintenant des députés.
10. Ministres parlementaires et circonscriptions
Gros cadeau aux ministres : ils retrouveront leur siège s’ils quittent leur ministère. De quoi éviter de briser des carrières… Intérêt pour le citoyen ?
Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Une mesure intéressante, qui permettra de mettre en relief les combines liées aux redécoupages électoraux. Amusant quand on sait que le redécoupage en leur défaveur des circonscriptions des élus UMP ne votant pas POUR cette réforme constitutionnelle menaçait ces élus… Toutefois, il ne s’agira que d’un avis, émis par une Commission dont on ne connaîtra que plus tard la composition et le mode de désignation, qui pourra d’ailleurs être changé par la Loi avant chaque redécoupage… On fait mieux en matière de contrôle !
11. Equilibre des comptes
Première mention dans la Constitution d’un objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. Pas une mauvaise chose, même si on se doute que cette disposition pourra être utilisée dans le sens de la réduction des déficits publics en interdisant tout déficit, ce qui peut constituer une erreur économique, surtout en matière d’investissement.
12. Vote de résolutions
Un nouvel article pour permettre aux Assemblées de voter des résolutions, encadré immédiatement par l’irrecevabilité par le Gouvernement dans le cas où il se sent visé. Comment est déclarée l’irrecevabilité ? Mystère. Qui contrôle la demande d’irrecevabilité ? Cela n’est pas dit. C’est anecdotique mais révélateur : pas de pouvoir sans contre-pouvoir. Dans cette disposition, il y a pouvoir de refuser, sans contre-pouvoir d’appel.
13. Déclaration de guerre :
Information du Parlement par le gouvernement en cas d’intervention des forces armées à l’extérieur. Bonne mesure, malgré le délai de carence de 3 jours et le fait que si le Parlement n’est pas en session, il ne peut se prononcer, alors qu’on le réunit d’office pour écouter le président… Cela donne l’échelle des valeurs des rédacteurs et des votants de ce texte : le discours du président est plus important que la prolongation d’une intervention armée.
14. Les ordonnances ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
Qu’est-ce cela signifie ? Aucune idée !
15. Précision de la méthode de présentation des projets de loi à l’article 39.
Bonne chose. Les Assemblées ont un moyen de pression sur l’ordre du jour imposé par le gouvernement. Mais encore une loi organique.
16. Article 42 : Lecture sur le texte adopté en Commission et non sur le texte initial.
Une façon de faire avancer les choses en préparant le texte en amont. Plutôt que de disserter sur les amendements des Commissions, ceux-ci seront d’emblée intégrés aux textes. Le Gouvernement devra alors argumenter si son texte a changé dans un sens qui ne lui convient pas. Difficulté à prévoir : le travail en Commission se fait avec une majorité du côté du Gouvernement, et de façon privée. Alors que la discussion en séance est publique. Il faudra aller chercher les rapports des Commissions pour savoir ce qui s’est passé en Commission et comment le texte a changé.
Par ailleurs, des délais sont explicités : 6 semaines entre le dépôt et la 1ére lecture, 4 semaines entre deux lectures, sauf procédure accélérée, nouveau nom de l’urgence déclarée.
17. Limitation à 8 du nombre de Commissions :
Il y en a 6 aujourd’hui. Ajoutons la Commission spéciale pour les nominations présidentielles et la Commission pour les affaires européennes et le compte y est !
18. Régularisation des cavaliers :
L’article 45 ajoute : tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. Cela permet de réglementer les cavaliers législatifs, trop souvent utilisés pour faire passer des lois fourre-tout. Il faudra maintenant qu’il existe un lien, fût-il ténu, avec la loi débattue. Bonne chose, mais reste à voir la mise en œuvre. Qui déclarera qu’un amendement est hors-sujet ?
19. Les lois organiques :
Une loi est organique si la Constitution lui confère ce statut. Dans la nouvelle mouture, de nombreuses lois organiques sont prévues. Cela signifie que la mise en œuvre de la Constitution est laissée à la liberté du législateur, qui peut donc changer les règles du jeu par la Loi sans passer par la case Congrès. Plus il y a de lois organiques, plus souple est la Constitution. Le nouveau texte comporte pas moins de 31 lois organiques ! Il est donc beaucoup plus souple.
20. Cour des comptes
La Cour des Comptes gagne un article à elle : le 47-2. Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Cà va mieux en le disant !
21. Ordre du jour des assemblées
Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.
Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.
Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires.
Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.
L’ordre du jour est précisé : la moitié pour le gouvernement, un quart pour l’assemblée, 1 jour par mois pour l’opposition, 1 jour par semaine pour les questions au gouvernement. On voit ici que le rôle de l’opposition est assez limité, malgré la volonté répétée de lui donner un meilleur statut. 1 jour par mois, à diviser en 2 ou 3, puisqu’il y a 2 ou 3 groupes parlementaires d’opposition. Quel cadeau !
Rappelons que le règlement de l’Assemblée Nationale prévoit qu’elle se réunit chaque semaine en séance publique le matin, l’après-midi et la soirée du mardi, ainsi que l’après-midi et la soirée du mercredi et du jeudi. La matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions. L’Assemblée se réunit l’après-midi de 15 heures à 20 heures et en soirée de 21 h 30 à 1 heure le lendemain. Lorsque l’Assemblée tient séance le matin, elle se réunit de 9 h 30 à 13 heures. Cela ne laisse que 2,5 jours par semaine, soit 10 jours par mois environ de séance. Moins 1 jour par mois à l’opposition et 1 jour par semaine aux questions, reste pas grand-chose pour débattre…
22. Groupes parlementaires
Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires.
Sans mention de ces droits spécifiques, cette phrase a peu de portée…
23. Nomination du CC
La Commission prévue à l’article 13 émet un avis sur les nominations au CC. Pas vraiment un garde-fou, toujours pour la bonne raison que les Commissions parlementaires sont composées proportionnellement à la composition des assemblées, donc toujours du côté du président (sauf cohabitation, improbable depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral visant à donner une majorité pour gouverner au président). Cosmétique, vous dites ?
24. Renvoi au CC
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une excellente chose. Il n’était pas normal que seuls les élus puissent en appeler au CC. L’exception d’inconstitutionnalité ainsi créée ouvre la porte à des recours sur le fond. Reste que comme d’habitude, c’est à une loi organique de préciser les modalités, qui pourront donc facilement évoluer au gré des usages…
25. Article 65 : des modifications concernant les magistrats, mais je n’y connais rien. Attendons un billet chez Eolas sur le sujet…
26. Saisine du Conseil Economique, Social et Environnemental par voie de pétition. Intéressant, mais encore une loi organique.
Le nombre de membres maximal est fixé à 233, ce qui reste énorme !
27. Création d’un défenseur des droits
Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
Encore un poste de haut-commissaire ! Dire qu’on souhaite en haut lieu lutter contre l’inflation de comités Théodule…
On ne sait pas encore comment il agira, ce détail étant laissé à… une loi organique (il y en a que deux qui suivent, j’ai les noms)
28. Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France, nous dit l’article 75-1.
Pourquoi ? Pourquoi pas ? Et alors ? Cette proclamation ne prévoyant aucune application, cela pourrait tout à fait figurer en préambule. Peu d’intérêt pratique, en tous cas. Un cadeau qui ne coûte pas cher en direction des régionalistes de tous horizons.
29. La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage, nous assène l’article 87.
Une bien belle déclaration d’intention. Qui aurait gagné à voir quelques applications pratiques déclinées… Mais là encore, cette disposition constitutionnelle pourrait figurer en préambule, vu sa portée normative ! Certains s’achètent une bonne conscience à peu de frais. Même si çà en jette dans une Constitution, reconnaissons-le. Malgré le relent colonialiste et discriminatoire. C’est vrai, quoi, on n’aidera pas ceux qui ne parlent pas comme nous ? Où est l’universalisme des Lumières, vanté par ailleurs dans la Constitution (cherchez bien) !
30. Article 88-5, dit anciennement « anti-Turquie ».
Cet article, inséré par Chirac pour rassurer les opposants à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, est modifié.
Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.
Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89.
On est loin de la première idée qui prétendait soumettre à référendum toute adhésion d’un pays d’une population dépassant 5% de la population européenne (donc la Turquie, et éventuellement l’Ukraine).
Avec cette nouvelle rédaction, il peut y avoir référendum, sauf si… les assemblées décident de permettre au Président de passer par le Congrès. Ce qui signifie que si le président ne veut pas de référendum, il devra obtenir l’aval des assemblées pour réunir le Congrès, alors qu’il aurait pu avoir le choix. Quel méli-mélo savant entre exécutif et législatif ! On voit là la gêne d’une bonne partie de la majorité envers l’entrée de la Turquie dans l’UE.
En passant, cette modification ne change rien à cette règle du jeu européen qui veut que chaque Etat ratifie l’entrée d’un nouvel adhérent. Et qu’il suffit d’un refus pour que ce pays reste dehors… La France a juste un souci de taille : ses dirigeants ne savent pas sur quel pied danser vis-à-vis de la Turquie. Electoralement parlant, bien sûr !
Enfin, on notera que la Constitution continue de prévoir le cas où le Traité de Lisbonne s’appliquerait, bien que le NON irlandais enterre théoriquement ce texte. Mais puisqu’on sait que les irlandais devront revoter, et qu’il n’y a pas d’alternative à Lisbonne…
II. Ce qui ne change pas, et c’est bien dommage :
Les grands oublis de ce texte : le statut de l’élu et les contre-pouvoir au Président.
Côté statut de l’élu, peu de choses, sauf le fait qu’un ministre pourra retrouver son siège s’il est choisi parmi les élus et que le renouvellement est limité à deux consécutifs. C’est maigre.
Pour le reste, rien sur le non-cumul, rien sur l’accès de l’ensemble des citoyens aux fonctions électives, rien sur le fait que les élus sont des citoyens avant tout…
Rien non plus ne vient remettre en cause le régime de partis. Rien non plus pour aller contre le bipartisme.
Mais surtout rien sur les contre-pouvoirs au Président. L’avis des Commissions sur les nominations reste un gadget, puisque sans portée pratique.
Mais pas de procédure d’empêchement à la française. Le président reste intouchable pendant son mandat. Il n’a de compte à rendre à personne. Et avec la limitation à deux mandats consécutifs, il n’y aura même plus de sanction possible par les citoyens au bout du deuxième mandat… A qui rendra compte le président sortant d’un deuxième mandat ? Comme aux Etats-Unis, son successeur prendra le retour de manivelle ? Le Premier Ministre deviendra t’il de fait le futur candidat de la majorité ? De toutes façons, la loi n’étant pas rétroactive, il faudra attendre encore 14 ans (et 2022, donc) pour éventuellement se voir confronté au cas rare d’un président en fin de 2ème mandat…
Rien non plus sur les collectivités territoriales. Aucune esquisse de redécoupage des régions, de suppression des départements ou des pays, ni même de mise en avant des communautés de communes.
Rien enfin pour insérer la France dans l’Europe. On parle des francophones, pas de l’Europe ou du reste du monde…
Alors oui, la moitié des articles a été touchée par cette vaste réforme. Mais pour quel résultat ? On ne le saura que quand les lois organiques nouvelles auront été votées. Elles permettront de préciser tout ce qui reste flou et de dresser la carte de ce que seront les institutions des 15 ou 20 prochaines années. Détail non négligeable : les règlements des assemblées devront être remaniés. Gageons qu’à cette occasion, les assemblées ne se contenteront pas de modifier les articles touchés par la révision constitutionnelle.
Car le règlement, c’est ce qui fait le pouvoir des assemblées. C’est le règlement qui fixe les règles du jeu, de ce qui est possible ou pas, de ce que le gouvernement, les commissions la majorité et l’opposition peuvent faire ou pas.
Quelles sont ces modifications et quelle est leur portée ?
I. Ce qui change :
1. L’article 1 proclame maintenant que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Il s’agit d’une extension de la disposition qui a entraîné la parité dans les listes électorales. Sa traduction dépendra de ce que la Loi prévoira. La parité est le type même de la discrimination légale, qui impose une discrimination pour lutter contre elle. Verra-t’on cette discrimination dans les carrières professionnelles combattue par une nouvelle parité ? Le cadre constitutionnel peut conduire à tout… même au meilleur. Mais on objectera que la loi prévoit déjà l’égalité salariale entre hommes et femmes pour des postes équivalents en 2010, ce qui est loin d’être le cas mi-2008. On peut s’attendre à des mesures de parité dans les conseils dirigeants des entreprises, mais au-delà de çà ? La discrimination qui frappe les femmes est diffuse et souvent liée au statut de mère de famille. A quand des mesures visant à favoriser l’accès des hommes aux fonctions parentales ?
2. La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Typiquement le genre de phrase qui a peu de sens. La liberté d’expression est déjà forte en France, puisqu’uniquement limitée par des délits graves. Reste que la répartition du temps de parole dans les médias (la règle des 3 tiers : gouvernement, majorité, opposition) est à revoir quand le président s’exprime partout et tout le temps et que les petits partis n’ont pas accès aux médias (voir les dernières campagnes où les 2 partis principaux ont eu des heures d’antenne seuls face aux journalistes quand les petits partis venaient par groupe de 4 sur les plateaux). Si la Loi peut permettre d’améliorer cela sur la base de cette phrase, il y aurait du progrès.
3. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Très décevant. L’une des difficultés de la représentation politique réside dans la monopolisation des sièges par quelques-uns, qui cumulent et se présentent parfois à vie. En profitant du fonctionnement par partis de la vie politique française, ce sont des barons qui siègent partout et longtemps. Les exemples ne manquent pas. La solution consisterait à restreindre voire à rendre impossible tout cumul et à empêcher les réélections. La proposition retenue empêche un élu de faire plus de 2 mandats consécutifs. Pas plus de 2 mandats en tout, non. Deux consécutifs. On aura donc des carrières entrecoupées, 2 fois députés, puis conseiller général, puis 2 fois députés, puis maire, etc. Tout en conservant plusieurs sièges en même temps… Vraiment décevant.
4. Référendum d’initiative « citoyenne »
Un trompe-l’œil incroyable. Il a été glosé sur ce référendum d’initiative populaire ou citoyenne, depuis la campagne présidentielle et la proposition de la candidate PS. C’est la droite qui le propose, sous une forme pourtant excessivement trompeuse.
Pourquoi trompeuse ?
Parce que l’initiative du référendum ne revient pas aux citoyens, mais aux parlementaires :
Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
Il faut donc que 180 députés et/ou sénateurs se saisissent d’une proposition portée par environ 4,5 millions de citoyens pour que cette disposition puisse être utilisée !
De plus, les modalités de cette disposition sont laissées à une loi organique. Qui propose ? Sous quelle forme ? Combien de temps a-t’on pour réunir les signataires ? Qui contrôle la liste des signataires ? Tant de questions qui sont laissées à l’appréciation du législateur.
Cette disposition semblait attendue dans l’opinion. Il est à craindre qu’elle ne soit que très rarement mise en œuvre, du fait du nombre de signataires requis.
5. Contrôle des nominations dévolues au président :
Une disposition est introduite pour contrôler les nominations du président, qui s’exerçaient jusqu’à présent sans contrôle. Ce contrôle prend la forme d’un avis public des Commissions permanentes de l’Assemblée et du Sénat sur ce sujet. Louable intention, qui comporte une limite : il faudra une majorité des 3/5 des deux Commissions pour empêcher la nomination. Quand on sait que les Commissions sont réunies proportionnellement à la couleur politique des Assemblées, il semble difficile de trouver une majorité dans les assemblées qui irait contre une nomination venant d’un président de son bord, qui plus est quand celui-ci est aussi le chef du parti majoritaire ! Le contrôle prévu semble donc assez théorique. Il suppose cependant de créer une Commission permanente supplémentaire par assemblée, ce qui donnera des postes supplémentaires aux élus. On notera également que cette disposition nécessite une loi organique.
6. Contrôle des pouvoirs exceptionnels
Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
Une bonne mesure, permettant d’encadrer le pouvoir exceptionnel du président. Cependant, rien ne vient indiquer comment il est mis fin aux pouvoirs exceptionnels, même dans le cas où le Conseil Constitutionnel viendrait à constater que ceux-ci ne sont plus nécessaires… Il manque donc d’aller au bout de l’idée de contre-pouvoir en donnant au Parlement le droit de mettre fins à ces pouvoirs exceptionnels.
7. Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel.
Pas de grand changement avec la mention de « à titre individuel ». Tout simplement parce qu’une grâce collective reste une somme de grâces individuelles… Mais la pratique actuelle consiste à ne plus user de la grâce présidentielle hors de cas particuliers. Ce que cette formulation essaye de traduire, maladroitement.
8. Le président prend la parole devant les Assemblées.
Enfin ! Mis dehors depuis des décennies, le président va pouvoir entrer dans les Assemblées et y délivrer oralement son message. Pour dire quoi ? Ce qu’il voudra ! Quand, comment ? Cela n’est pas précisé. Par contre, les assemblées se réunissent, même quand elle sont hors session, pour aller écouter le message. Sans vote. Sans débat.
Une vraie tribune pour le président, qu’on imagine déjà applaudi, plébiscité, par sa majorité et hué depuis les bancs de l’opposition.
Quel intérêt ?
9. Assemblée et Sénat
Le nombre maximal de députés est fixé à 577. Le nombre maximal de sénateurs est fixé à 348. Un cadeau pour les français de l’étranger, ils auront maintenant des députés.
10. Ministres parlementaires et circonscriptions
Gros cadeau aux ministres : ils retrouveront leur siège s’ils quittent leur ministère. De quoi éviter de briser des carrières… Intérêt pour le citoyen ?
Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Une mesure intéressante, qui permettra de mettre en relief les combines liées aux redécoupages électoraux. Amusant quand on sait que le redécoupage en leur défaveur des circonscriptions des élus UMP ne votant pas POUR cette réforme constitutionnelle menaçait ces élus… Toutefois, il ne s’agira que d’un avis, émis par une Commission dont on ne connaîtra que plus tard la composition et le mode de désignation, qui pourra d’ailleurs être changé par la Loi avant chaque redécoupage… On fait mieux en matière de contrôle !
11. Equilibre des comptes
Première mention dans la Constitution d’un objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. Pas une mauvaise chose, même si on se doute que cette disposition pourra être utilisée dans le sens de la réduction des déficits publics en interdisant tout déficit, ce qui peut constituer une erreur économique, surtout en matière d’investissement.
12. Vote de résolutions
Un nouvel article pour permettre aux Assemblées de voter des résolutions, encadré immédiatement par l’irrecevabilité par le Gouvernement dans le cas où il se sent visé. Comment est déclarée l’irrecevabilité ? Mystère. Qui contrôle la demande d’irrecevabilité ? Cela n’est pas dit. C’est anecdotique mais révélateur : pas de pouvoir sans contre-pouvoir. Dans cette disposition, il y a pouvoir de refuser, sans contre-pouvoir d’appel.
13. Déclaration de guerre :
Information du Parlement par le gouvernement en cas d’intervention des forces armées à l’extérieur. Bonne mesure, malgré le délai de carence de 3 jours et le fait que si le Parlement n’est pas en session, il ne peut se prononcer, alors qu’on le réunit d’office pour écouter le président… Cela donne l’échelle des valeurs des rédacteurs et des votants de ce texte : le discours du président est plus important que la prolongation d’une intervention armée.
14. Les ordonnances ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
Qu’est-ce cela signifie ? Aucune idée !
15. Précision de la méthode de présentation des projets de loi à l’article 39.
Bonne chose. Les Assemblées ont un moyen de pression sur l’ordre du jour imposé par le gouvernement. Mais encore une loi organique.
16. Article 42 : Lecture sur le texte adopté en Commission et non sur le texte initial.
Une façon de faire avancer les choses en préparant le texte en amont. Plutôt que de disserter sur les amendements des Commissions, ceux-ci seront d’emblée intégrés aux textes. Le Gouvernement devra alors argumenter si son texte a changé dans un sens qui ne lui convient pas. Difficulté à prévoir : le travail en Commission se fait avec une majorité du côté du Gouvernement, et de façon privée. Alors que la discussion en séance est publique. Il faudra aller chercher les rapports des Commissions pour savoir ce qui s’est passé en Commission et comment le texte a changé.
Par ailleurs, des délais sont explicités : 6 semaines entre le dépôt et la 1ére lecture, 4 semaines entre deux lectures, sauf procédure accélérée, nouveau nom de l’urgence déclarée.
17. Limitation à 8 du nombre de Commissions :
Il y en a 6 aujourd’hui. Ajoutons la Commission spéciale pour les nominations présidentielles et la Commission pour les affaires européennes et le compte y est !
18. Régularisation des cavaliers :
L’article 45 ajoute : tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. Cela permet de réglementer les cavaliers législatifs, trop souvent utilisés pour faire passer des lois fourre-tout. Il faudra maintenant qu’il existe un lien, fût-il ténu, avec la loi débattue. Bonne chose, mais reste à voir la mise en œuvre. Qui déclarera qu’un amendement est hors-sujet ?
19. Les lois organiques :
Une loi est organique si la Constitution lui confère ce statut. Dans la nouvelle mouture, de nombreuses lois organiques sont prévues. Cela signifie que la mise en œuvre de la Constitution est laissée à la liberté du législateur, qui peut donc changer les règles du jeu par la Loi sans passer par la case Congrès. Plus il y a de lois organiques, plus souple est la Constitution. Le nouveau texte comporte pas moins de 31 lois organiques ! Il est donc beaucoup plus souple.
20. Cour des comptes
La Cour des Comptes gagne un article à elle : le 47-2. Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Cà va mieux en le disant !
21. Ordre du jour des assemblées
Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.
Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.
Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires.
Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.
L’ordre du jour est précisé : la moitié pour le gouvernement, un quart pour l’assemblée, 1 jour par mois pour l’opposition, 1 jour par semaine pour les questions au gouvernement. On voit ici que le rôle de l’opposition est assez limité, malgré la volonté répétée de lui donner un meilleur statut. 1 jour par mois, à diviser en 2 ou 3, puisqu’il y a 2 ou 3 groupes parlementaires d’opposition. Quel cadeau !
Rappelons que le règlement de l’Assemblée Nationale prévoit qu’elle se réunit chaque semaine en séance publique le matin, l’après-midi et la soirée du mardi, ainsi que l’après-midi et la soirée du mercredi et du jeudi. La matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions. L’Assemblée se réunit l’après-midi de 15 heures à 20 heures et en soirée de 21 h 30 à 1 heure le lendemain. Lorsque l’Assemblée tient séance le matin, elle se réunit de 9 h 30 à 13 heures. Cela ne laisse que 2,5 jours par semaine, soit 10 jours par mois environ de séance. Moins 1 jour par mois à l’opposition et 1 jour par semaine aux questions, reste pas grand-chose pour débattre…
22. Groupes parlementaires
Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires.
Sans mention de ces droits spécifiques, cette phrase a peu de portée…
23. Nomination du CC
La Commission prévue à l’article 13 émet un avis sur les nominations au CC. Pas vraiment un garde-fou, toujours pour la bonne raison que les Commissions parlementaires sont composées proportionnellement à la composition des assemblées, donc toujours du côté du président (sauf cohabitation, improbable depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral visant à donner une majorité pour gouverner au président). Cosmétique, vous dites ?
24. Renvoi au CC
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une excellente chose. Il n’était pas normal que seuls les élus puissent en appeler au CC. L’exception d’inconstitutionnalité ainsi créée ouvre la porte à des recours sur le fond. Reste que comme d’habitude, c’est à une loi organique de préciser les modalités, qui pourront donc facilement évoluer au gré des usages…
25. Article 65 : des modifications concernant les magistrats, mais je n’y connais rien. Attendons un billet chez Eolas sur le sujet…
26. Saisine du Conseil Economique, Social et Environnemental par voie de pétition. Intéressant, mais encore une loi organique.
Le nombre de membres maximal est fixé à 233, ce qui reste énorme !
27. Création d’un défenseur des droits
Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
Encore un poste de haut-commissaire ! Dire qu’on souhaite en haut lieu lutter contre l’inflation de comités Théodule…
On ne sait pas encore comment il agira, ce détail étant laissé à… une loi organique (il y en a que deux qui suivent, j’ai les noms)
28. Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France, nous dit l’article 75-1.
Pourquoi ? Pourquoi pas ? Et alors ? Cette proclamation ne prévoyant aucune application, cela pourrait tout à fait figurer en préambule. Peu d’intérêt pratique, en tous cas. Un cadeau qui ne coûte pas cher en direction des régionalistes de tous horizons.
29. La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage, nous assène l’article 87.
Une bien belle déclaration d’intention. Qui aurait gagné à voir quelques applications pratiques déclinées… Mais là encore, cette disposition constitutionnelle pourrait figurer en préambule, vu sa portée normative ! Certains s’achètent une bonne conscience à peu de frais. Même si çà en jette dans une Constitution, reconnaissons-le. Malgré le relent colonialiste et discriminatoire. C’est vrai, quoi, on n’aidera pas ceux qui ne parlent pas comme nous ? Où est l’universalisme des Lumières, vanté par ailleurs dans la Constitution (cherchez bien) !
30. Article 88-5, dit anciennement « anti-Turquie ».
Cet article, inséré par Chirac pour rassurer les opposants à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, est modifié.
Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.
Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89.
On est loin de la première idée qui prétendait soumettre à référendum toute adhésion d’un pays d’une population dépassant 5% de la population européenne (donc la Turquie, et éventuellement l’Ukraine).
Avec cette nouvelle rédaction, il peut y avoir référendum, sauf si… les assemblées décident de permettre au Président de passer par le Congrès. Ce qui signifie que si le président ne veut pas de référendum, il devra obtenir l’aval des assemblées pour réunir le Congrès, alors qu’il aurait pu avoir le choix. Quel méli-mélo savant entre exécutif et législatif ! On voit là la gêne d’une bonne partie de la majorité envers l’entrée de la Turquie dans l’UE.
En passant, cette modification ne change rien à cette règle du jeu européen qui veut que chaque Etat ratifie l’entrée d’un nouvel adhérent. Et qu’il suffit d’un refus pour que ce pays reste dehors… La France a juste un souci de taille : ses dirigeants ne savent pas sur quel pied danser vis-à-vis de la Turquie. Electoralement parlant, bien sûr !
Enfin, on notera que la Constitution continue de prévoir le cas où le Traité de Lisbonne s’appliquerait, bien que le NON irlandais enterre théoriquement ce texte. Mais puisqu’on sait que les irlandais devront revoter, et qu’il n’y a pas d’alternative à Lisbonne…
II. Ce qui ne change pas, et c’est bien dommage :
Les grands oublis de ce texte : le statut de l’élu et les contre-pouvoir au Président.
Côté statut de l’élu, peu de choses, sauf le fait qu’un ministre pourra retrouver son siège s’il est choisi parmi les élus et que le renouvellement est limité à deux consécutifs. C’est maigre.
Pour le reste, rien sur le non-cumul, rien sur l’accès de l’ensemble des citoyens aux fonctions électives, rien sur le fait que les élus sont des citoyens avant tout…
Rien non plus ne vient remettre en cause le régime de partis. Rien non plus pour aller contre le bipartisme.
Mais surtout rien sur les contre-pouvoirs au Président. L’avis des Commissions sur les nominations reste un gadget, puisque sans portée pratique.
Mais pas de procédure d’empêchement à la française. Le président reste intouchable pendant son mandat. Il n’a de compte à rendre à personne. Et avec la limitation à deux mandats consécutifs, il n’y aura même plus de sanction possible par les citoyens au bout du deuxième mandat… A qui rendra compte le président sortant d’un deuxième mandat ? Comme aux Etats-Unis, son successeur prendra le retour de manivelle ? Le Premier Ministre deviendra t’il de fait le futur candidat de la majorité ? De toutes façons, la loi n’étant pas rétroactive, il faudra attendre encore 14 ans (et 2022, donc) pour éventuellement se voir confronté au cas rare d’un président en fin de 2ème mandat…
Rien non plus sur les collectivités territoriales. Aucune esquisse de redécoupage des régions, de suppression des départements ou des pays, ni même de mise en avant des communautés de communes.
Rien enfin pour insérer la France dans l’Europe. On parle des francophones, pas de l’Europe ou du reste du monde…
Alors oui, la moitié des articles a été touchée par cette vaste réforme. Mais pour quel résultat ? On ne le saura que quand les lois organiques nouvelles auront été votées. Elles permettront de préciser tout ce qui reste flou et de dresser la carte de ce que seront les institutions des 15 ou 20 prochaines années. Détail non négligeable : les règlements des assemblées devront être remaniés. Gageons qu’à cette occasion, les assemblées ne se contenteront pas de modifier les articles touchés par la révision constitutionnelle.
Car le règlement, c’est ce qui fait le pouvoir des assemblées. C’est le règlement qui fixe les règles du jeu, de ce qui est possible ou pas, de ce que le gouvernement, les commissions la majorité et l’opposition peuvent faire ou pas.
Libellés : consitution, institutions
0 Commentaire(s) :
Enregistrer un commentaire
<< Accueil