28.3.06

Un point de vue juridique sur le CPE, et une question qui me reste

Eolas donne son point de vue d'avocat sur le texte de loi instituant le CPE.

Le résumé qu'il en fait est très intéressant du point du vue juridique.

Ainsi, je découvre en le lisant que le CPE peut comporter une période d'essai, distincte de la période dite "de consolidation". Je croyais naïvement que la période de "consolidation"était comparable à une période d'essai. C'est le fond de ma question à venir.
Le CPE peut avoir une période d'essai comme tout contrat : l'article L.122-3-2 du code du travail qui prévoit cette période ne fait pas partie des articles du code du travail exclu pour le CPE.
Eolas décrit le principe que sous-tend ce système :
Période d'essai, premier mois : aucune protection, du 2e mois au 3e mois : 15 jours de préavis ; du troisième au sixième mois : 15 jours de préavis, indemnité de 8% ; du sixième au vingt-quatrième mois : un mois de préavis, indemnité de 8% ; au delà du vingt-quatrième mois, procédure de licenciement, préavis de deux mois, indemnité de deux dixièmes de mois par année d'ancienneté
Il me reste pourtant une interrogation, à laquelle Eolas n'a pas répondu, ni d'ailleurs Paxatagore.

Le CPE prévoit en effet que l'employeur peut licencier sans donner de motif au salarié, pendant les deux premières années du contrat. Le salarié peut néanmoins contester son licenciement pendant un an (si ce délai lui a été notifié) et chercher à prouver un abus de droit.

Mais pendant une période d'essai, l'employeur n'a pas de motif grave à donner pour se séparer du salarié. La jurisprudence semble reconnaître qu'il suffit que "le courant ne passe pas" avec le salarié pour lui signifier la fin de son contrat, bien que le salarié soit apte et compétent pour son poste. Quand la période d'essai est passée, dans un contrat tel que le CDI, l'employeur n'a plus comme motif légitime de licenciement que la faute ou le licenciement économique, qu'il doit de plus motiver.

Ma question est donc : de quel motif légitime va pouvoir se targuer un employeur (si d'aventure le salarié ou le CPH lui en demande un) pour mettre fin de bonne foi à une "période de consolidation", s'il n'y a pas de faute de part du salarié ? Si cette période n'est pas une période d'essai, les seuls motifs seront les fautes ou la mise en danger économique de l'entreprise, et si c'est une période d'essai, il suffirait d'arguer que le salarié ne faisait pas preuve d'un bon état d'esprit, qu'il tenait tête à son patron, ou même qu'il donnait une mauvaise image de la société ?

Il faudra certainement attendre de voir apparaître les premiers conflits au Conseil des Prud'Hommes pour que le cas soit tranché par la jurisprudence.

Toutefois, j'ai le sentiment que la volonté du législateur (le gouvernement en l'occurence, à l'origine de l'amendement) était plutôt de considérer la période de "consolidation" comme une période d'essai. D'où les titres des journaux et les slogans qui ont pu paraître des raccourcis fort peu fondés juridiquement à Eolas... Mais les juges interprètent-ils la volonté du législateur pour se prononcer, ou ne tiennent-ils comptent que du texte qu'ils ont sous les yeux ?

Si un juriste pouvait me répondre ?

Mise à jour : à propos de la volonté du législateur

L'idée du gouvernement, très souvent rabâchée, était plutôt de rendre plus simple le licenciement, pour faciliter les embauches.

Ainsi, l'exposé des motifs de l'amendement n°3 du Gouvernement instituant le CPE indique :
Cet équilibre propre à la période de consolidation repose, d'une part, sur un souci de sécurité juridique renforcé de nature à inciter les employeurs à embaucher de jeunes salariés, d'autre part, sur des droits nouveaux pour le salarié.
Lors de son entrevue sur TF1, le 12 mars, le Premier Ministre indique :
Si ce contrat était conçu avec la souplesse des deux ans, c’est parce qu’il faut inciter les entreprises à créer de l’emploi, à créer de l’embauche, alors même qu’on le sait spontanément, cet emploi ne serait pas naturellement créé.
Le but est donc bien de faciliter l'embauche, en assouplissant les règles du droit du travail. Je comprends pour ma part que cette période de consolidation était plutôt dans l'esprit du législateur comparable à une période d'essai, avec la facilité de licencier qui lui est propre !

Il faut bien constater qu'il serait inintéressant pour un employeur de conclure un CPE s'il ne peut se défaire de son salarié plus facilement qu'avec un CDI, c'est à dire uniquement sur les mêmes motifs : faute ou problème économique...

YR