8.12.06

Rétrolien : le législateur est responsable donc le juge est coupable

Je trouve ici un billet très bien construit concernant les récents propos de M. Sarkozy (encore lui !) concernant le président du tribunal pour enfants de Bobigny, décidément très critiqué par le ministre.

Dans l'émission « A vous de juger », Nicolas Sarkozy, s'adressant à M. Bruno THOUZELLIER, nouveau Président de l'Union Syndicale des Magistrats, a tenu les propos suivants :

« Je n'ai pas parlé de la démission de tous les magistrats. J'ai parlé du président du tribunal pour enfants de Bobigny dont la stratégie est bien connue depuis des années, elle consiste à refuser obstinément de punir et de sanctionner des mineurs multirécidivistes dans son département. Ainsi monsieur le président et ce n'est pas polémique, ce sont des faits que je donne. Ainsi monsieur le président, en 27 nuits d'émeutes en Seine-Saint-Denis, il y a eu une décision d'emprisonnement. Alors à ce moment-là, je comprends très bien que ce monsieur, que je respecte par ailleurs, ait une stratégie pénale qui consiste à faire confiance et à refuser de punir, mais dans ce cas-là qu'on ne le laisse pas à la tête du premier tribunal pour mineurs, dans un département si difficile. Et en disant et j'en termine, je n'ai pas le sentiment monsieur le président, je vous demande de me croire, de manquer de respect à vos collègues. Je n'ai pas le sentiment d'intenter à l'indépendance de la justice (...) »

Relever les erreurs (volontaires) du discours du candidat UMP autoproclamé concernant le tribunal de Bobigny est utile, mais ne saurait faire oublier leur objectif électoraliste.

Le message est simple : la justice, selon l'actuel ministre de l'intérieur, doit être impitoyable avec les mineurs délinquant. Et pour cela, il faut virer les juges laxistes et éventuellement modifier (une fois de plus !) l'ordonnance de 45.

Toute réflexion est inutile face à un discours aussi simpliste. Je vous encourage cependant à poursuivre dans cette activité de démystification.

Que les juges du siège soient là pour faire appliquer la loi décidée par le législatif, donc la loi modifiable (et modifiée déjà plusieurs fois !) par le ministre de l'intérieur lui-même par projet de loi est sans doute trop complexe pour le candidat UMP...

Car en filigranes, il s'agit bien de dire : "en tant que ministre de l'intérieur je n'ai pas les moyens de ma politique, donnez moi le pouvoir exécutif et vous verrez ce que vous verrez !". C'est pitoyable, car cela démontre une fois de plus la méconnaissance des institutions du candidat UMP.

Pour mémoire :
Article 64 de la Constitution :

Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Une loi organique porte statut des magistrats.

Les magistrats du siège sont inamovibles.

Il suffit de rapprocher ce texte de ce que le ministre candidat affirme pour comprendre qu'il n'est tout simplement pas fait pour cette fonction !

Enfin, signalons le détournement suivant qui me trouble profondément :
" Je n'ai pas parlé de la démission de tous les MINISTRES. J'ai parlé du MINISTRE DE L'INTERIEUR dont la stratégie est bien connue depuis des années, elle consiste à refuser obstinément D'ADMETTRE QUE L'ORDONNANCE DE 1945 S'APPLIQUE pour les mineurs multirécidivistes. Ainsi monsieur le président et ce n'est pas polémique, ce sont des faits que je donne. Ainsi monsieur le président, en 27 nuits d'émeutes en Seine-Saint-Denis, SE SONT TOUTES DEROULEES MALGRE LA MULITPLICATION DES TEXTES SECURITAIRES. Alors à ce moment-là, je comprends très bien que ce monsieur, que je respecte par ailleurs, ait une stratégie qui consiste à punir, mais dans ce cas-là qu¹on ne le laisse pas à la tête du MINISTERE DE L'INTERIEUR, dans un département MINISTERIEL si difficile. Et en disant et j'en termine, je n'ai pas le sentiment monsieur le président, je vous demande de me croire, de manquer de respect à vos collègues. Je n'ai pas le sentiment d'intenter à L'HONNEUR DE L'EXECUTIF.