21.6.07

Sarkozy continue de se prendre pour le chef du Gouvernement

L'interview d'hier soir sur TF1 fut semble t'il un modèle du genre : une vraie déclaration de politique générale avant l'heure, et surtout en lieu et place de celui qui est censée la présenter, à savoir cet homoncule de premier ministre.

Homoncule ? Oui, c'est bien le terme. Le président Sarkozy s'asseyant sur la Constitution, il faut bien que le premier ministre soit complice de cet état de fait. Sinon, il démisionnerait et laisserait à un autre le soin d'être complice de l' "hyperprésident", comme il semble falloir l'appeler maintenant.

Donc, le président, après avoir nommé les ministres à la place de son premier ministre, et projetant d'entrer à l'Assemblée comme un premier ministre, continue de s'asseoir sur la Constitution. S'asseyant dessus, il n'est donc pas tenu d'en être le garant.

A propos du droit de grève, le préambule de la Constitutio de 1946, toujours rappelé dans l'actuelle Constitution insiqque que : "7. Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent."

Actuellement, la loi ne le réglemente pas et laisse le soin aux partenaires sociaux de régler les détails.

Mais cela sera bientôt fini, car le président-premier ministre-législateur l'a décidé. Ses propositions :
  1. les entreprises de transports seront obligées d'avoir un plan de transport minimum les jours de grève ;
  2. un salarié gréviste devra le déclarer deux jours avant ;
  3. les salariés non grévistes qui travaillent sur une autre ligne pourront aller travailler sur une ligne en grève "si on a besoin d'eux" ;
  4. les jours ne grève ne seront pas payés ;
  5. au bout de huit jours de grève, il y aurait un scrutin à bulletin secret pour déterminer si une majorité des salariés est en faveur de ce conflit ou pas.
Le point 1. est déjà réglé dans la plupart des cas.
Le point 2. consiste à faire passer le préavis de grève de 24h à 48h.
Le point 3. s'ingère dans l'organisation des entreprises, dont beaucoup sont privées.
Le point 4. s'immisce dans la négociation entre syndicats et entreprises.
Le point 5. est loufoque, j'y reviens tout de suite.

Pourquoi ces mesures ? Pour "respecter les travailleurs pris en otages", dixit le président.

Car la grève des transports, c'est une prise d'otages. TF1 nous le rappelle à chaque fois à grand renfort de micro-trottoirs. La grève dans les transports, c'est le souk, la pagaille, les gens qui ne peuvent pas prendre les transports. C'est inadmissible.

Bon. Arrêtons nous un instant devant cet abîme, ce vide sidéral.

Des gens mécontents de leurs conditions de travail décident, comme c'est leur droit constitutionnel, de faire grève. Faire grève signifie arrêter le travail. Dans le cas des entreprises de transports de passagers, cela signifie donc qu'il n'y a plus de transports.

Essayer d'imposer à ces entreprises, et donc à leurs salariés, de faire grève sans inconvénient sur les voyageurs signifie donc remettre en cause leur droit de grève.

Essayons de prendre un peu de recul.

Les éboueurs font grève : les déchets s'amoncellent. Faut-il que les éboueurs viennent pendant leur grève faire leur travail et ramasser les ordures ?

Les salariés d'une entreprise quelconque font grève : la production n'est plus assurée. Faut-il qu'ils viennent sur leur grève faire tourner les machines et poursuivre la production ?

Non. C'est le principe même de la grève. Je ne suis pas content et la négociation ne donne rien : j'arrête de travailler jusqu'à ce qu'on discute.

Si le travail continue par d'autres moyens : réquisitions, appel à l'intérim, etc, à quoi sert-il d'avoir le droit de grève ? Le moyen de pression devient inopérant.

C'est bien cela qui est en germe dans ce projet de loi : supprimer les inconvénients des grèves pour supprimer les grèves.

C'est pour cela que la loi imposera de ne pas payer les heures de grève : pression sur le porte-monnaie et démotivation certaine chez les mal-payés et les précaires, qui justement sont ceux qui ont recours à la grève...

Enfin, la cerise sur le gâteau, c'est le vote proposé. Faire voter les salariés pour savoir si les grévistes sont majoritaires. C'est d'une telle bêtise que la plupart des syndicats en restent confondus. Les salariés qui ne font pas grève n'ont pas à décider qui doit faire grève ou pas. Le dorit de grève est individuel : ceux qui décident de faire grève la font. Les autres ne la font pas. Puis, parmi les grévistes, des votes ont lieu pour savoir si le mouvement continue ou pas. Les non-grévistes ne sont pas concernés par ce choix.

Cette mesure, si elle est bien ce qu'il semble qu'elle soit, à savoir un vote des salariés de l'entreprise pour savoir qui fait grève ou pas, est un non-sens. Mais un non-sens voulu pour mettre les grévistes en difficulté quand ils sont minoritaires dans l'entreprise, alors qu'il est tout à fait compréhensible que tel ou tel atelier ou service se mette en grève et pas un autre mieux traité. Par exemple, les opérateurs d'un atelier confiné où la température reste supérieure à 40°C peuvent se mettre en grève pour réclamer des pauses ou des boissons, quand les autre ateliers, climatisés, ne se mettront pas forcément en grève, sauf par solidarité avec les autres. Si la grève doit être décidée par tous, ceux qui suent dans mon exemple resteront certainement
dans leur four tandis que les autres continueront à vaquer à leurs occupations au frais...

Rappelons également que la loi réprime le fait d'empêcher quelqu'un d'entrer dans son entreprise. Les grévistes qui tentent de bloquer les portes voient rapidement arriver des huissiers et des plaintes sont très vites déposées. En effet, le droit de grève s'oppose à la liberté de travailler, elle aussi contitutionnelle. Chacun est libre d'aller travailler, même lorsque ses collègues usent de leur droit de grève. Faire appliquer cela suffirait probablement à améliorer les choses en matière de grève.

Enfin, il est navrant de constater que la loi sera de toutes façons promulguée : le président-législateur l'a déjà annoncé. C'est aussi cela le dialogue social dans la France d'après.

Enfin, n'oublions pas qu'une fois le mouvement engagé, c'est le droit de grève pour tous qui pourrait se voir modifié. Procès d'intentions, bien sûr. Mais pourquoi les transports seraient-ils un cas tellement spécial ? Les éboueurs aussi ! Et les profs ! Et toute la fonction publique ! Et le privé, pour finir... Alors, il sera temps de s'attaquer au Code du Travail, puisque les grèves seront moins à craindre...


Pas abordé ici, le droit au "lock-out" des entreprises, qui consiste à mettre les salariés à la porte pendant une grève, faisant fi de leur droit à ne pas faire grève...

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