12.6.07

Immigration : la droite en campagne oublie d'être libérale

L'UMP, bien que certaine de reconduire dimanche prochain une large majorité à l'Assemblée Nationale, semble bien décidée à ce que la victoire soit la plus totale possible.

En conséquence, les appels du pied répétés à l'électorat frontiste continuent, avec la présentation d'un projet de loi relatif à l'immigration (le 4ème en 4 ans), visant à durcir encore les conditions du regroupement familial.

Bien entendu, il ne s'agit encore qu'un effet d'annonce, puisque le texte lui-même ne sera rendu public que lors de son dépôt à l'Assemblée, mais on en connaît les grandes lignes, en parfaite conformité avec l'esprit de la campagne de la droite sur les terres frontistes.

Car pour l'UMP, l'immigration est un "problème". Cette idée vient directement du lexique extrêmiste, qui voit dans l'immigration "la source de tous les problèmes". La délinquance : l'immigration. Le chômage : l'immigration. Les comptes sociaux dans le rouge : l'immigration.

Vingt-cinq ans que ces arguments sont balayés par des études et des argumentations raisonnées, mais la droite n'en a que faire. Les électeurs de droite sont convaincus que l'immigré est la source de leur maux, haro donc sur l'immigré !

Que nous prépare ce nouveau texte ?

D'après Le Figaro,
ce texte a pour objet principal un durcissement des conditions d’accès au regroupement familial en obligeant «le membre de famille qui demande à rejoindre la France» à bénéficier «dans son pays de résidence d’une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République». Une attestation de suivi doit permettre d’obtenir un visa de long séjour en France et, éventuellement, d’entamer une procédure de regroupement familial. «Le projet précise que le suivi de la formation ne constitue pas une obligation pour obtenir un visa, commente un juriste, les rédacteurs ne veulent pas être accusés de passer outre le droit européen qui fait du droit de la vie en famille un principe inaliénable. Mais il paraît évident que les étrangers qui refuseront de s’y soumettre auront le plus grand mal à obtenir leur visa.»
Il s'agit donc bien de mettre des bâtons dans les roues des migrants souhaitant, comme c'est leur droit le plus strict, garanti par le droit européen, vivre avec leur famille.

En obligeant les proches à connaître le français, l'objectif est de rejeter les demandes en premier lieu des migrants originaires de pays non-francophones, ce qui introduit une nouvelle discrimination dans l'accès au visa et au droit au regroupement familial.

Sans compter que les migrants francophones ne sont pas pour autant tirés d'affaire, puisqu'il faudra que leur niveau soit jugé suffisant.

Avec cette loi, c'est la légalisation d'un outil simple de refus d'entrée qui est mis en place.

Pourtant, la réflexion devrait pousser la droite à faire extrêmement attention à ce qu'elle fait. Car la réciprocité d'une telle mesure serait extrêmement dommageable pour les français de l'étranger. En effet, on sait que des centaines de milliers de français vivent dans des pays anglophones. Quand on connaît le niveau d'anglais moyen des français, cela laisse soneur... N'est-ce pas parce que ces pays sont prêts à accueillir des gens qui ne maîtrisent pas forcément leur langue ?

D'autre part, il convient de différencier les migrants qui veulent vivre en famille, comme c'est leur droit, de ceux qui qui souhaitent devenir français.

Vivre dans un pays, même pendant des années, sans maîtriser la langue est un choix des personnes. Il est tout à fait possible, en quelques mois ou quelques années, de maîtriser des rudiments de langue. C'est donc probablement parce qu'elles n'en ressentent pas le besoin que ces personnes n'apprennent pas le français. C'est probablement aussi parce que le communautarisme existe sur notre sol.

Et là, on rentre dans une analyse. Ce qui n'est probablement pas utile pour pondre des lois d'affichage. Pourquoi diable les étrangers sur le sol français ne parlent-ils pas forcément le français ?

Premier axe : Parce qu'ils n'en ont pas besoin.

Les épouses des travailleurs étrangers parlent certainement leur langue natale avec leur époux et leur famille. Au nom de quoi devraient elles parler français à la maison, puisque ce n'est pas leur langue ? La liberté, valeur française portée sur la devise nationale, ne va donc pas jusqu'à la liberté de parler la langue qu'on veut dans son espace privé ?

Part ailleurs, notons que les enfants nés de parents étrangers et ne parlant pas le français sont scolariés à l'école française et donc francophone, et qu'ils deviennent rapidement des interprètes au sein de leur famille. Il n'est pas rare de rencontrer ainsi des pères ou mères de famille conversant dans leur langue avec un enfant qui traduit au guichetier de la poste la demande de mandat vers le pays d'origine. Est-ce un mal ?

Deuxième axe : parce qu'ils ne resteront pas en France.

En effet, le regroupement familial, qui est un droit européen, ne préjuge en rien de la durée de séjour de la famille sur le territoire français. Ne pas apprendre une langue qu'on ne parlera plus quelques années après n'est après pas tout pas si répréhensible.

Troisième axe : à cause du communautarisme.

Il n'est en effet pas normal que des personnes de même origine se retrouvent comme par hasard vivre au même endroit. Il est compréhensible qu'elles puissent souhaiter se retrouver pour parler ensemble leur langue et évoquer le pays, mais il smeble que la plupart des regroupements d'étrangers ne soient pas forcément volontaires.

La politique en matière de mixicité sociale et d'habitat à loyer modéré conduit immanquablement les étrangers, majoritairement peu qualifiés et plutôt pauvres, à vivre dans les banlieues des grandes villes. Des quartiers entiers sont ainsi laissés habités majoritairement par des étrangers, qui peuvent ainsi recréer des liens de communauté : les hommes se retrouvent entre eux dans les entreprises et dans les cafés, les femmes se retrouvent entre elles à garder les enfants ou sur les aires de jeu (quand il y en a)...

Conclusion : il faut faire de la politique, pas de l'esbrouffe

Si la maîtrise de la langue française pour les étrangers est évidemment une facilité, elle n'a pas à devenir ue obligation. Même dans le cas de longs séjours.

Par contre, il n'est pas inutile de demander à des personnes qui expriment la volonté de s'installer durablement sur le sol français ainsiq u'à ceux qui demandent la nationalité française de connaître des rudiments de la langue.

Qu'on applique donc cette obligation à ceux qui demandent un renouvellemlent de carte de séjour après un premier séjour de longue durée, puisqu'ils ont eu normalement déjà eu du temps pour apprendre les rudiments. Et demandons pourquoi pas aux demandeurs de la nationalité française de connaître également des rudiments de français.

Mais pour les autres, laissons leur la liberté d'aller et venir et d'apprendre ou non le français. Cette liberté devrait être à la base d'une politique d'un gouvernement qui se proclame libéral. Mais c'est sans doute parce que ce gouvernement est avant tout conservateur...

Enfin, la politique en matière d'immigratio ndoit également se doubler d'une politique de la ville, pour éviter les regroupements de population étrangère dans les mêmes quartiers, et permettre un brassage des populations (ce qu'on appelle aujourd'hui la mixité sociale). Les premières mesures de la droite en matière de carte scolaire par exemple laissent sceptique à ce propos.

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