30.5.07

La "pensée unique" est de retour

La pensée unique, tout le monde est d'accord pour la dénoncer, c'est un fait.

Le Président de la République chef du gouvernement le premier.

Dans son discours du Havre, il a ressorti cette expression sous la forme d'une longue anaphore, comme il en a l'habitude.

Usant d'un réthorique également habituelle, il a ainsi nommé son nouvel ennemi. La pensée unique, c'est bien sûr la pensée de ceux qui ne pensent pas comme Nicolas Sarkozy.

Démonstration :
La pensée unique veut interdire de parler de la monnaie. Je continuerai à parler de la monnaie

La pensée unique ne veut pas entendre parler de protection. Je revendique le droit d’être pour la protection.

La pensée unique s’oppose à l’exonération des charges et des impôts pour les heures supplémentaires. Cette exonération je l’ai promise et je la ferai.

La pensée unique s’oppose à la déduction du revenu imposable des intérêts des emprunts contractés pour l’achat de sa résidence principale. Cette déduction je l’ai promise et je la ferai.

La pensée unique récuse le bouclier fiscal à 50% y compris la CSG et la CRDS. Ce bouclier fiscal je l’ai promis et je l’instaurerai.

La pensé unique dit qu’il est impossible de supprimer la carte scolaire.Je veux démontrer que ce n’est pas la contrainte mais la liberté, l’autonomie et l’évaluation qui peuvent le mieux garantir la mixité et l’excellence de l’école. Je l’ai promis, je le ferai.

La pensée unique disait que les peines planchers ce n’était pas possible. Elle disait que la réforme de l’ordonnance sur les mineurs, ce n’était pas possible. Comme je m’y suis engagé, les peines planchers seront instaurées. L’ordonnance sur les mineurs sera changée.

La pensée unique dit que l’on ne peut pas supprimer un poste de fonctionnaire qui part à la retraite, ni supprimer tous les organismes inutiles. Je le ferai quand même.

La pensée unique ne croyait pas au traité simplifié. J’irai jusqu’au bout.

La pensée unique ne croyait pas à l’interdiction des parachutes dorés. Cette interdiction je l’ai promise et je la mettrai en œuvre.

La pensée unique ne voulait pas entendre parler de la possibilité pour chacun de léguer à ses enfants le fruit d’une vie de travail en franchise d’impôt. Elle sera mise en œuvre, que cela plaise ou non à la pensée unique.

La pensée unique disait que le service minimum dans les transports c’était impossible. Il y aura un service minimum dans les transports.

La pensée unique ne voulait pas de l’autonomie des universités. J’ai promis de donner à chaque université la possibilité, si elle le souhaite, d’adopter un statut d’autonomie.

La pensée unique affirmait que je reculerais devant la réforme des régimes spéciaux. Cette réforme je l’ai promise.
La "pensée unique", cette ennemie de gauche, est donc simplement la personnification sarkozienne de ceux qui ne pensent pas comme lui.

Nulle unicité dans cette pensée : l'extrême-gauche n'a pas la même pensée que le PS, qui lui-même n epense pas comme le MoDem qui est très loin de penser comme le FN. Mais tous ces adversaires de l'UMP aux élections générales seront heureux de savoir que ce sont eux les tenants de la pensée unique quand le seul qui pense de façon unique semble plutôt être le Président : parti unique, chef unique, pensée unique.

Je ne reviens pas sur cette technique admirable qui consiste à prêter aux autres des méfaits qu'il est alors facile de critiquer. Cela s'appelle un homme de paille. Et l'UMP, son chef en premier, en est extrêmement friand.

Présenter les autres comme ayant toutes les tares permet également de ne pas avoir à trop justifier son propre positionnement. Et pourtant, si les adversaires de l'UMP mettent en cause ses propositions, ce n'est pas par unicité de pensée.

C'est avant tout parce que ses mesures ne leur semblent pas du tout adaptées.

Mais plutôt que de répondre sur les critiques, il est beaucoup plus facile de mépriser ses adversaires.

Alors M. Sarkozy, répondez avant les prochaines élections à ces questions :

- La monnaie européenne est dans les mains de la BCE, conformément au traité de Nice. Comment la France compte t'elle infléchir la politique monétaire de la BCE sans remettre en cause les fondements de l'UE ? S'il s'agit de modifier ce point essentiel dans votre minitraité qui ferait le maximum, ne craignez vous pas que nos partenaires européens tiquent quelque peu ?

- Vous revendiquez le droit d’être pour la protection. Très bien. Mais que signifie ce mot ? Souhaitez vous érigez des barrières douanières contraires à l'UE et à l'OMC ? Dans quelle mesure la France dispose t'elle de marges de manoeuvres dans ces organisations pour instaurer un peu de protection ?

- L’exonération des charges et des impôts pour les heures supplémentaires est l'une de vos mesures phares. Pouvez-vous nous expliquer quel est l'intérêt de défiscaliser des heures supplémentaires qui ne sont actuellement pas utilisées au maximum de leurs possibilités (220 heures par an) ? Pouvez nous nous expliquer comment vous comptez financer la sécu, les retraires et l'assurance-chômage en lui faisant perdre des recettes ? Pouvez-vous nous expliquer comment un salarié va bientôt pouvoir, grâce à cette mesure, être volontaire pour des heures sups quand les refuser constitue une faute grave ?

- La déduction du revenu imposable des intérêts des emprunts contractés pour l’achat de sa résidence principale est une autre mesure phare de votre projet. Les précisions apportées au Havre indiquent que vous souhaitez instaurer la mesure la plus large, et donc la plus coûteuse pour l'Etat. Sur quel budget allez-vous imputer la baisse prévisible de plusieurs milliards d'euros de recettes fiscales consécutive à cette mesure ?

- Le bouclier fiscal à 50% y compris la CSG et la CRDS permet aux plus aisés de payer encore moins d'impôts, après les manoeuvres de ces 5 dernières années. Cela creuse également encore un peu les recettes de l'Etat.

- Vous voulez démontrer que ce n’est pas la contrainte mais la liberté, l’autonomie et l’évaluation qui peuvent le mieux garantir la mixité et l’excellence de l’école. Fort bien. Dites-nous juste sur quels critères les enfants seront choisis par les chefs d'Etablissement.

- Les peines planchers seront instaurées. Pouvez-vous nous expliquer comment cela s'articule avec la liberté donnée au juge d'individualiser la peine, vers la peine maximale tout comme vers la peine minimale, et en particulier en recourant aux peines alternatives ? L’ordonnance sur les mineurs sera changée. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faut traiter un mineur de 16 ans comme un majeur ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi un mineur de 16 ans serait assez grand pour aller en prison mais pas pour boire ou passer le permis de conduire ou voter ?

- Supprimer un poste de fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, et supprimer tous les organismes inutiles. Fort bien. Quand saurons nous quels fonctionnaires vous ne remplacerez pas et quels sont ces organismes inutiles ?

- Le traité simplifié sur l'Europe est l'un de vos chevaux de bataille. Pouvez-vous nous expliquer ce que devrait contenir ce traité, et pourquoi vous avez déj annoncé qu'il serait approuvé par voie parlementaire, alors que ce traité est prévu pour remplacer le TCE repoussé par référendum. Auriez-vous peur que les français soient toujours hostiles à un traité qui reprendrait les idées du TCE ?

- la possibilité pour chacun de léguer à ses enfants le fruit d’une vie de travail en franchise d’impôt est un autre de vos leit-motiv. Pouvez-vous nous expliquer quelle urgence il y a à supprimer l'impôt payé par les 10% de ménages les plus aisés ? Pourquoi ne rappelez-vous pas que les mesures existantes permettent déjà à 90% des successions d'être exonérées de droits ?

- Il y aura un service minimum dans les transports. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faudrait étendre ce service minimum, qui existe déjà dans les accords récents ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous faites de cette réforme un préalable à la réforme des régimes spéciaux des retraites ?

- Donner à chaque université la possibilité, si elle le souhaite, d’adopter un statut d’autonomie, est une idée. Mais est-ce trop demander que de préciser ce que vous cachez sous le terme "autonomi" ? Car depuis 1986 les universités disposent par la loi d'une grande autonomie dans leur organisation : programmes, cursus, filières... On ne peut pas dire que les universités ne disposent pas d'une certaine autonomie. Alors, que recouvre ce terme pour vous ?

Comme on le voit, loin d'être une pensée unique, le questionnement du programme de l'UMP porté par le Pésident de la République est plutôt intéressant pour mettre en lumière les fondements de la pensée de la droite : individualisme au travail, à l'école, à l'université, baisse du nombre de fonctionnaire, durcissement de la répression judiciaire, enrichissement des plus riches, diminution des recettes de l'Etat pour préparer les réformes rendues forcément nécessaires d'ici quelques années faute de financement (sécu, chômage, retraite), etc.

Qui détient la pensée unique ?

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2 Commentaire(s) :

Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour.
Je viens de découvrir votre blog.
Je trouve votre papier très bien écrit, il reprend à peu près toutes les questions que je voudrais moi aussi pouvoir poser à Monsieur Sarkozy.
Et la question que je me pose, moi, nouvel adhérent du PS, c'est :
"Mais nom de Dieu, pourquoi est-ce que je n'ai jamais entendu aucun des leaders du PS les poser ces "fucking questions"?

Bon courage pour continuer votre blog

2:19 PM  
Blogger yrduab a écrit...

Bienvenue sur ce modeste blog.
Merci pour vos encouragements.
Si vous avez un peu de temps et un si cela vous intéresse, il y a 2 ans d'archives qui vous attendent ;o)

9:59 PM  

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