(200ème billet : sujet sérieux) Le rapport du Comité Balladur
Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de
C’est peu de dire que ce texte consacre la volonté de Nicolas Sarkozy de renforcer la présidentialité du régime. M. Sarkozy s’est en effet exprimé sur le contenu des réformes qu’il souhaite voir conduire en matière d’institutions.
A la réunion des Comités de soutiens locaux à
« Je veux être un Président qui fera ce qu'il a dit qui montre la voie et qui gouverne, et en même temps un Président qui rassemble. »
« Je veux être un Président qui donne au Parlement des moyens de contrôle supplémentaires parce qu'en vérité, il ne peut y avoir de pouvoirs républicains sans un équilibre des pouvoirs. C'est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les nominations à certains postes à hautes responsabilités. Je souhaite que les candidats soient entendus par des commissions parlementaires, que leur nomination soit ratifiée par un vote. Je souhaite que ce vote soit à la majorité qualifiée pour que l'opposition ait son mot à dire.
« Je veux un Président qui gouverne.
Je veux un Parlement qui contrôle.
Je veux que ceux qui décident, que ceux qui gouvernent, que ceux qui dirigent soient responsables, qu'ils soient contrôlés, qu'ils rendent des comptes.
Je veux que la démocratie ne soit plus confisquée par quelques-uns, je veux que l'État ne soit pas accaparé par une caste ou par un clan ou par un parti.
Je veux que les nominations aux postes les plus importants soient approuvées par le Parlement avec une majorité qualifiée qui permette à l'opposition d'avoir son mot à dire. »
Est-il alors étonnant que les propositions de ce Comité reprennent ce qui fut déjà dit par le président alors candidat ?
Le rôle du gouvernement est immédiatement précisé dans la deuxième proposition, en le cantonnant au rôle de conducteur de la politique définie par le président.
La confirmation des modifications institutionnelles récentes
En effet, profitant de la diminution de la durée du mandat de Président de la république de 7 ans à 5 ans, le gouvernement de Lionel Jospin avait œuvré au renforcement symbolique de la fonction de Président en décidant de modifier le calendrier électoral pour que l’élection présidentielle arrive avant les élections générales, par la loi organique 2001-419 du 15 mai 2001.
Avec cette modification, les français n’avaient plus qu’à confirmer lors des élections générales le choix l’élection du Président de
Une volonté de verrouiller le pouvoir dans les mains de quelques-uns ?
Il est en effet proposé de substituer au système actuel de parrainage une pré-sélection des candidats par un collège de 100 000 élus (proposition n°15). La règle des parrainages par des élus a été mise en place dans le souci d’éviter les candidatures « folkloriques », c’est-à-dire dénuées de réalité politique. A chaque élection présidentielle, des candidats plus ou moins inattendus affirment leur volonté de se présenter au suffrage : on pense à Coluche en 1981 ou à José Bové en 2007 pour les plus sérieux, mais aussi à certaines candidates dénudées…
La barrière des 500 signatures est là pour faire le tri en demandant aux élus de donner leur quitus. Avec la proposition du Comité, la règle change pour laisser la place à ce qui ressemble à un premier tour censitaire. Sans présager de ce à quoi pourrait ressembler la pré-sélection, il serait navrant de ne voir conserver que les candidatures des partis déjà majoritaires dans les institutions.
A un autre niveau, la proposition (n° 17) de permettre aux ministres de retrouver leur siège en cas de perte de leur portefeuille peut être vue comme participant à laisser le pouvoir entre quelques mains. Cette proposition est d’ailleurs contradictoire avec la proposition (n°18) d’interdire aux ministres de cumuler leur portefeuille avec un mandat. Comment en effet les ministres pourraient-ils retrouver un fauteuil qu’ils n’ont par ailleurs pas le droit de briguer ? Cela ressemble furieusement à la pratique actuelle, dont M. Fillon, premier ministre, est le meilleur représentant : élu dans
Ce n’est pas ce qu’on appelle le non-cumul des mandats. Seul un non-cumul strict des mandats électifs permettrait d’éviter ce à quoi on assiste : une Assemblée de cumulard, fournissant des ministres cumulards, qui peuvent passer de siège en siège toute leur vie durant…
Le pouvoir du Parlement étendu : un leurre
Le Parlement semble gagner un certain nombre de pouvoirs avec les propositions du Comité.
Mais à lire le détail des propositions, il est curieux de constater que les propositions qui donnent du pouvoir au Parlement sont immédiatement entachées de restrictions.
La proposition (n°6) permettant à une commission parlementaire d’entendre le Président précise que c’est « à la demande de ce dernier ». Si le président ne veut pas parler aux parlementaires, il le peut, alors que les Parlementaires devront eux accueillir le président au Parlement.
Donner plus de pouvoir au Parlement pour contrôler son ordre du jour va certes dans le bon sens. Mais là encore, quid d’une Assemblée majoritairement issue des rangs du parti du Président ?
Le rôle de l’opposition conforté : un autre leurre
Donner plus de temps de parole à l’opposition (propositions 21 et 22), pourquoi pas ? Mais à quoi cela servira t’il si dans le même temps le temps pour discuter des lois est limité (proposition 33) ?
Dans nos institutions, l’opposition ne peut que parler dans le vide ou faire de l’obstruction. Les moyens de pression de la partie minoritaire de la représentation nationale sont nuls. Les propositions du Comité ne changent rien à cet état de fait. Elles visent seulement à mettre en valeur un pseudo statut pour les députés qui voteront contre le gouvernement.
Il aurait été beaucoup plus judicieux de remettre en cause le rôle des partis et de permettre aux députés de voter pour ou contre les propositions et les projets de loi en fonction de leur conviction et non en fonction de la conviction de leur appareil politique. Il est encore trop rare de voir des députés voter à l’encontre des recommandations de leur parti. Il faut cesser de faire passer l’intérêt des partis avant l’intérêt général.
La proposition (n° 57) de systématiser la pratique d’un parlementaire de l’opposition rapporteur ou président de chaque commission d’enquête, initiée par la majorité actuelle, sur une idée du président Sarkozy, n’est pas de nature à troubler la routine de la majorité. Les amendements qui ne vont pas dans le bon sens sont de toutes façon écartés par la majorité des membres des commissions.
De même, donner à chaque groupe parlementaire le droit d’obtenir la création d’une commission d’enquête par an (proposition n°58) n’est pas de nature à changer grand-chose.
La proposition n° 60 de permettre l’octroi de garanties particulières aux partis, groupements politiques et groupes parlementaires qui ne sont pas dans la majorité n’est pas assez précise pour changer quoi que ce soit.
De façon générale, le Comité ne sort pas d’une logique institutionnelle de majorité contre opposition, alors que de nombreux citoyens ont pu exprimer, par leur suffrage sur le candidat du Centre aux dernières présidentielles, leur envie de voir ce clivage brouillé…
L’institution d’une faible dose de proportionnelle ne pourra en aucun cas permettre à de nouvelles idées de faire leur chemin dans le champ législatif. Au mieux donnera t’on une tribune à quelques minoritaires pour faire valoir leurs thèses et leur dépit d’être si faibles. Alors qu’une chambre élue à la proportionnelle intégrale aurait le mérite d’obliger les partis au compromis et à la discussion, sous peine de blocage. La réflexion du Comité aurait donc du porter sur comment éviter le blocage.
La démocratie participative
Le candidat Sarkozy n’en voulait pas (Villebon-sur-Yvette, le 20 mars 2007) :
« Leur démocratie participative, c'est la fin de toute volonté politique, c'est la fin de la politique qui prend ses responsabilités»Le Comité ne propose donc pas de grandes avancées.
Quelques gadgets
La proposition (n°13) visant à prendre en compte les interventions présidentielles dans le temps de parole de l’exécutif : gadget. La règle des « trois tiers » n’aura pas à être changée si le Président est chargé de définir la politique de
La proposition (n°59) de « mieux représenter l’opposition dans les manifestations officielles » est le prototype du gadget qui ne coûte rien mais ne sert à rien.
De même, la proposition n° 61 visant à « garantir » des droits à l’opposition par le biais d’une Charte un gadget.
L’actualisation du collège des sénateurs (proposition n° 63) reste trop peu ambitieuse. C’est le rôle du Sénat, son utilité et sa représentativité qu’il aurait fallu préciser.
La proposition n°64 est affligeante. En effet, le redécoupage périodique des circonscriptions électorales pour tenir compte des évolutions démographiques est déjà prévu dans le code électoral. C’est l’article L125 : « Il est procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation. »
De rares bonnes choses
La proposition (n°56), visant à interdire tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, est une excellente chose. Il est à prévoir que cette disposition ne sera pas retenue par les parlementaires lors de l’examen du texte de loi transcrivant les propositions du Comité, mais sait-on jamais ? L’argument de l’ « ancrage local » ne pourra pas tenir éternellement.
Il est à regretter que le non renouvellement ne soit pas également proposé.
Il faut porter au crédit du président Sarkozy d'avoir initié ce Comité. On peut jeuste regretter que ses membres aient à ce point intégré la "doctrine Sarkozy sur les institutions" avant de rédiger leurs conclusions.
Mais il faut garder deux choses en tête à la lecture de ces propositions.
Premièrement, elles ne sont que des propositions. En l'état actuel des choses, le Parlement peut encore modifier le texte de loi qui lui sera soumis par le gouvernement après les municipales. Certaines des propositions, de nature à limiter les pouvoirs des parlementaires, ne trouveront sans doute pas preneur. Par contre, il sera possible aux perlementaires d'ajouter des propositions à celles retenues dans le texte initial. Et on n'est pas à l'abir de bonnes surprises, puisque des propositions de loi concernant la prise en compte du vote blanc ou le on renouvellement des mandats ont déjà été déposées. Les parlementaires à l'initiative de ces textes trouveront avec la loi sur la modernisation des institutions un terreau fertile pour aller de l'avant.
Deuxièmement, bien que très inspirées du programme du président Sarkozy, ces propositions, si elles sont adoptées, n'auront pas de limite dans le temps. Même si le président actuel fait un deuxième mandat, voire plus s'il ne tient pas sa promesse de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, les dispositions adoptées seront normalement inscrites dans la Constitution pour durer. Et cela est à garder en tête pour le futur, quand d'autres hommes et femmes seront en charge des institutions.
Libellés : institutions
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