L'instauration des franchises médicales manque de franchise
Dans son article 35, le texte prévoit l'instauration d'une franchise médicale selon les termes suivants (gras de mon fait) :
L’article L. 322-2 est complété par un III ainsi rédigé :« III. – En sus de la participation mentionnée au premier alinéa du I, une franchise annuelle est laissée à la charge de l’assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé suivants, pris en charge par l’assurance maladie :
« 1° Médicaments mentionnés aux articles L. 5111-2, L. 5121-1 et L. 5126-4 du code de la santé publique, à l’exception de ceux délivrés au cours d’une hospitalisation ;
« 2° Actes effectués par un auxiliaire médical, soit en ville, soit dans un établissement ou un centre de santé, à l’exclusion des actes pratiqués au cours d’une hospitalisation ;
« 3° Transports mentionnés au 2° de l’article L. 321-1 effectués en véhicule sanitaire terrestre ou en taxi à l’exception des transports d’urgence.
« Le montant de la franchise est forfaitaire. Il peut être distinct selon les produits ou prestations de santé mentionnés aux 1°, 2° et 3° du présent article. La franchise est due dans la limite globale d’un plafond annuel.
« Lorsque plusieurs actes mentionnés au 2° sont effectués au cours d’une même journée sur le même patient, le montant total de la franchise supportée par l’intéressé ne peut être supérieur à un maximum. Il en est de même pour les transports mentionnés au 3°.
Cette proposition est motivée par les considérations suivantes :
Exposé des motifs
Lorsque la situation des comptes de l’assurance maladie est dégradée, les nouveaux besoins de santé publique doivent faire l’objet de nouveaux financements. Il n’est pas acceptable de les financer par un report sur les générations futures.
Conformément aux orientations présidentielles prises lors de la campagne électorale et pour travailler sans attendre au financement des chantiers prioritaires de santé publique qui s’imposent, les franchises ont vocation à financer les investissements concernant la maladie d’Alzheimer, les soins palliatifs et le cancer.
L’effort de solidarité demandé sera déterminé par voie réglementaire. Il sera de 50 centimes d’euro par boîte de médicament et par acte paramédical et de deux euros par transport sanitaire.
Dans un souci de responsabilisation et d’efficience de notre dépense de santé, les champs de la franchise correspondent aux champs de dépenses parmi les plus dynamiques, sans que la santé y trouve son compte. En particulier, la consommation de médicaments reste particulièrement élevée dans notre pays où 90 % des consultations se terminent par une ordonnance, le double du taux constaté chez certains de nos voisins européens.
En tout état de cause, cette franchise ne pourra excéder un montant annuel cumulé de 50 euros par personne, ce qui permet de protéger les plus malades. Des plafonnements journaliers seront également mis en œuvre pour les actes de professionnels paramédicaux et les transports sanitaires pour tenir compte des successions d’actes.
Afin de préserver la situation des plus fragiles et des familles, le projet d’article prévoit que sont exonérés de son application les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, les enfants mineurs ainsi que les femmes enceintes, dont la situation restera ainsi inchangée.
Cette mesure aura un rendement en année pleine de l’ordre de 850 millions d’euros. Le Gouvernement n’a pas souhaité empêcher les organismes complémentaires d’assurance santé d’inclure dans les contrats qu’ils proposent l’assurance de ce nouveau dispositif de franchise. Toutefois, eu égard au caractère spécifique de ce dispositif et à la volonté de responsabilisation des assurés qui en fonde la mise en place, il ne semble pas souhaitable d’ouvrir à ces contrats l’ensemble des avantages fiscaux qui soutiennent le développement de l’assurance complémentaire santé.
A la lecture de cet exposé, on ne peut qu'être sceptique.
L'instauration des franchises serait là pour financer les nouveaux besoins en matière de soins intensifs, de cancer et d'alzheimer, en allant chercher de nouvelles sources de financement.
Soit.
Pourquoi alors aller chercher ces financements en faisant payer les malades ?
Pourquoi ne pas aller chercher les 850 millions nécessaires chez les bénéficiaires du paquet fiscal ? Par rapport aux 8 à 15 milliards estimés, selon les sources, que pèsent ces 850 millions ?
Il s'agirait par ailleurs de responsabiliser les malades.
Soit.
En quoi peut-on être tenu pour responsable de tomber malade ? On s'expose volontairement aux virus et microbes ? Probablement pas. On chute ou on se blesse volontairement ? Rarement. On développe un cancer par choix ?
La "responsabilisation" semble surtout un terme de novlangue sarkozienne signifiant "découragement". Il s'agit de décourager des gens de se soigner, en faisant peser sur les malades un poids financier supplémentaire.
On exonère certaines catégories du dispositif : les pauvres, les enfants, les femmes enceintes. Bel effort. Mais sans justification solide. On est là dans une contre-mesure, visant à priver d'arguments l'opposition.
Mais c'est le principe même de la franchise qui est à rejeter : on ne fait pas payer les malades d'être malades !
Une modification des principes de solidarité
Grande révolution dans ce texte : la solidarité est réduite à ceux qui partagent le même fardeau. Les malades paieront pour d'autres malades.
On est là dans une logique d'individualisation des risques, contraire à la mutualisation de la solidarité nationale.
Il s'agit d'instituer un changement profond et probablement irréversible des mentalités.
Il sera maintenant normal de refuser de financer la maladie des autres quand on est bien portant : c'est aux malades de supporter ce coût...
Un coût non précisé dans la loi
Le texte ne précise pas la valeur de la franchise. Il donne juste des principes et laisse à un décret le soin de préciser le coût unitaire et le plafond annuel des franchises.
Il est absolument nécessaire que ce soit la loi qui donne le montant de la franchise, sous peine de laisser à la discrétion du gouvernement le soin de fixer une valeur ad hoc.
Il s'agit donc d'une mesure crapuleuse. Un véritable chèque en blanc. Comment peut-on laisser une telle latitude à l'exécutif de peser sur le budget de la solidarité ? Le parlement s'en remet-il au président de la République pour fixer le montant de la franchise ?
Messieurs les députés de la majorité, vous manquez de franchise.
Libellés : France d'après, sécurité sociale
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