8.1.08

Contre la rétention de sûreté

Je me préparais à écrire un billet sur ce sujet quand je suis tombé sur :


Ce site propose de signer une pétition contre le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental.

Pourquoi un tel rejet ?

Je vous livre l'argumentation :
Le Parlement s'apprête à examiner un projet de loi visant à instaurer une «rétention de sûreté » qui permettra, après l’exécution de la peine de prison, de prolonger - sans limitation de durée, sans peine et sans infraction – l’enfermement des personnes considérées comme d’une « particulière dangerosité ».
La mise en place d’un tel dispositif, préparé à la hâte à la suite de l’affaire Evrard, relève d’une philosophie de l’enfermement qui s’inscrit dans la culture du « risque zéro » qui, sous prétexte de lutter contre la récidive, impose, depuis plusieurs années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques.
Il ne s’agit plus simplement de durcir les sanctions ou de renforcer les moyens de contrainte, mais de procéder à des enfermements préventifs, sur la base d’une présomption d’infraction future et dans une logique d’élimination qui s’apparente à une mort sociale.
Actuellement circonscrit aux infractions les plus graves commises sur les mineurs, ce texte, comme la plupart des dispositifs répressifs, est susceptible d’extensions au gré des faits divers du moment.
L’appréciation de la dangerosité n’est par ailleurs fondée sur aucune évaluation sérieuse mais sur une simple expertise psychiatrique, ce qui procède d’une grave confusion entre délinquance et maladie mentale. L'évaluation de la dangerosité ne relève donc pas du diagnostic mais du pronostic.
En refusant de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine, ce texte fait le choix de ne pas améliorer la prise en charge durant l'incarcération.
Si ce texte est adopté, la France se dotera d’un dispositif sans équivalent dans les démocraties occidentales car, contrairement à ce que le gouvernement veut laisser croire, rien de comparable n’existe en Europe (aux Pays Bas et en Belgique, ce type d’enfermement n’intervient qu’en substitution à la peine).
Aujourd’hui, avec une mesure comparable et au prétexte d’une dangerosité sociale, la Russie enferme des journalistes dans des établissements psychiatriques.
Dans un rapport d’information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses (2006), les sénateurs Philippe Goujon et Charles Gautier indiquaient que « s’il est indispensable de limiter le plus possible le risque de récidive, celui-ci ne peut être dans une société de droit, respectueuse des libertés individuelles, complètement éliminé. Le « risque zéro » n’existe pas. »
Nous ne pouvons accepter un modèle de société qui sacrifie nos libertés au profit d’un objectif illusoire de « risque zéro ».
Nous appelons les parlementaires à refuser de voter ce texte indigne.

Ce texte établit donc malheureusement une véritable rupture dans les principes de notre droit en maintenant enfermées des personnes qui ont purgé la peine à laquelle ils ont été condamnés sous prétexte qu'ils risquent de récidiver et qu'ils sont tenus pour dangereux !

C'est un recul immense du droit, au nom de la protection de victimes futures. Une imbécilité sans nom, qui pousse sur le populisme de plus bas étage qui soit.

Evidemment, la première personne qui s'inquiètera de la probable future dérive de ce dispositif ignoble vers des cas plus généraux, comme cela est le cas avec l'extension du FNAEG par exemple, se fera taxer de procès d'intention. De même que celui qui proposera de directement passer à l'élimination physique de ces personnes se verra taxer de provocateur. La nuance est pourtant mince entre l'enfermement à vie par tranche d'une année, qui est donc une mise à mort sociale par mise au ban, et la mise à mort véritable, qui aurait de plus l'incomparable avantage, en ces temps de disette budgétaire, de coûter beaucoup monis cher... Provocation !

Mais cet argument n'a même pas à êter avancé. On ne condamne pas quelqu'un pour quelquechose qu'il est susceptible de faire ! On ne condamne que des faits avérés. On ne condamne pas quelqu'un pour ce qu'il est ! On condame quelqu'un pour ce qu'il a fait. Sortir de cette logique, c'est ouvrir la porte à des abus.

Ainsi, au lieu de mettre en place les moyens de soigner les gens pendant leur peine de prison, on attendrait qu'ils l'aient purgé pour leur dire qu'ils doivent être maintenus à l'écart de la société pour dangerosité manifeste ? Plutôt que de commuer les peines de prisons inefficaces en internement médical pendant la durée de la peine, on prétend donc aujourd'hui, en France, au nom des français, que des personnes peuvent être ainsi déchues de toute dignité et être enfermées à vie sans jugement, tant qu'elles sont déclarées dangereuses. Plutôt que de réfléchir à des mesures de sûreté qui fonctionnent, on prive de liberté après la liberté.

On pourrait condamner à plus longtemps. On pourrait obliger à des soins. On pourrait obliger à des contrôles encore plus serrés. Mais non, un fait divers a eu lieu, impliquant un récidiviste dont certains pensaient qu'il était dangereux. Conséquence : enfermons tous les assassins dansgereux aussi longtemps qu'il le faudra, à vie éventuellement. C'est à vomir.

"Pensez aux victimes !" hurle t'on à droite et dans les familles de ces victimes. Bien sûr. Les victimes qui vivront bien mieux en sachant que leur agresseur est maintenu en captivité ? Car cela effacera leur tourment. Les morts revivront. Les violé(e)s oublieront instantanément leur traumatisme. Les familles se reconstruiront. Quelle bêtise !

Pour gagner le soutien inconditionnel d'électeur apeurés incapables de la moindre réflexion sur les principes qui gouvernent notre société et pas concernés directement par ces faits qu'on leur présente avec voyeurisme dans leur lucarne télévisuelle quotidienne, on va faire un peu plus écrouler les bases sans lesquelles le droit ne peut fonctionner durablement.

Une fois de plus, le brossage d'électeur dans le sens du poil conduit à des inanités. Il faut le dire haut et fort, et il faut convaincre les gens que cette loi est une grossière erreur.

PS : je renvoie aussi à ce texte de Robert Badinter, qu'il n'est pas besoin de présenter, très éclairant sur la notion dangereuse d' "homme dangereus".

Libellés : ,