22.2.08

Le Conseil Constitutionnel probabiliste

Extrait du communiqué de presse du Cons Cons :

1 – Ce texte crée une mesure de rétention de sûreté. Celle-ci concerne, à titre exceptionnel, les auteurs de certains crimes très graves pour lesquels il est établi, à la suite d’examens médicaux, qu’ils présentent, à la fin de l’exécution de leur peine, une « particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ils souffrent d’un trouble grave de la personnalité ».

La loi déférée prévoit qu’au terme d’une procédure contradictoire, une juridiction régionale de la rétention de sûreté peut prononcer le placement des intéressés en centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Il leur y est proposé une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de la rétention de sûreté.

Le Conseil constitutionnel a relevé que la rétention de sûreté n’est pas ordonnée par la cour d’assises lors du prononcé de la condamnation mais à la fin de la peine par la juridiction régionale de rétention de sûreté. Par ailleurs, cette mesure repose, non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d’assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée à la date de sa décision par la juridiction régionale. Ainsi, la rétention de sûreté, n’étant pas prononcée par la juridiction de jugement et n’ayant pas une finalité répressive, ne réunit aucun des deux critères de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la définition de la peine. Appliquant cette jurisprudence, le Conseil constitutionnel a jugé que la rétention de sûreté n’est pas une peine. Dès lors les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 étaient inopérants.

Toutefois, la rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l’objet d’une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement. Dès lors, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les alinéas 2 à 7 du I de l’article 13, son II et, par voie de conséquence, son IV.

La surveillance de sûreté est en revanche immédiatement applicable dès la publication de la loi aux personnes condamnées pour les crimes très graves prévus par la loi lorsqu’elles sortent de prison. Elle comporte diverses obligations, notamment le placement sous surveillance électronique mobile ou l’injonction de soins. Si l’intéressé méconnaît les obligations qui lui sont imposées dans le cadre de cette surveillance de sûreté, il pourra, en urgence, être placé en rétention de sûreté s’il fait apparaître qu’il présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau l’une des infractions très graves inclues dans le champ de la loi.

Exerçant son contrôle sur la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif prévu par la loi sous la réserve que les personnes concernées aient pu bénéficier, pendant l’exécution de leur peine, des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre.

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Cette décision a de quoi laisser songeur.

La rétention de sûreté n'est pas une peine, mais elle a un caractère de privation de liberté.

La rétention de sûreté ne peut être rétroactive, mais le dispositif de surveillance lui peut s'appliquer de façon rétroactive.

La rétention de sûreté peut être prononcée sur la base d'une probabilité de récidive. Probabilité TRES ELEVEE, précise t'on. C'est combien, une probabilité très élevée ? Le Cons Cons ne le précise pas. Tient-on compte de la gravité des conséquences ou seulement de la probabilité de survenance ? On fait une analyse AMDEC, HAZOP [en], un arbre de défaillance ? Quelle méthode pour évaluer une probabilité de récidive ? Et quel seuil ? 90% ? 95%, 99% ? Ou bien 68,3 % ? Ou même seulement 1%, puisqu'on ne voudrait pas risquer la récidive ? Est-ce que s'il y a autant de chance de récidive que de chance de gagner au loto (1 sur 14 million environ), on prend le risque de laisser la personne en liberté ?

Visiblement, le conseil constitutionnel n'a pas eu comme souci principal le respect des principes. On pourrait même croire que malgré sa grande indépendance, il a eu en tête de ne pas trop ébranler la ministre de la justice, qui sur le coup l'aurait sans doute mérité.

La France va donc permettre d'enfermer des gens sur une probabilité. Pas sur un fait, pas sur une certitude, sur une probabilité. Elle est pas belle la France d'après ?

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