25.6.06

Repos dominical et liberté de travailler

M. Lellouche, député UMP, va déposer prochainement une proposition de loi pour l'ouverture des magasins le dimanche. Dans cette dépêche, on en apprend un peu plus sur les motivations de ce député de la droite qui s'assume :
  1. "Il faut laisser aux entreprises et aux salariés qui le désirent la possibilité de travailler le dimanche"
  2. "Plus de 70% des Parisiens voudraient pouvoir faire leurs courses le dimanche"
  3. l'ouverture dominicale des commerces "permet aussi de créer des emplois".
  4. "J'aimerais que l'on sorte de l'hypocrisie ambiante. Et que l'on rétablisse, en face du principe du repos dominical, celui au moins aussi fondamental de la liberté du travail".
Ce député, par ailleurs avocat et universitaire, reprend donc l'offensive sur le thème du travail le dimanche, offensive qui avait déjà commencée il y a plusieurs années, notamment lors de l'ouverture de la plus grande zone commerciale de France le dimanche, en contradiction avec la loi, à Plan de Campagne dans les Bouches-du-Rhône.

Je tente donc une réponse point par point au député :
1. La question du choix est comme toujours avancée par les députés de droite, selon un refrain sarkozyste bien connu. L'idée serait que les salariés doivent avoir le choix de travailler plus "s'ils le souhaitent" pour gagner plus, sous-tendant que ceux qui gagnent peu, ou pas assez à leur goût, ne le doivent qu'à leur manque de courage ou leur fainéantise...
Je vais donc rappeler à M. Lellouche que les salariés ne choisissent pas leur tâche, ni la durée de leur travail. Les salariés sont liés par un lien de subordination à leur employeur qui peut, dans la limite légale, leur faire faire ce qu'il veut quand il veut. Le thème du choix consiste donc en un choix pour l'employeur de faire bosser ses salariés quand il le souhaite. Je rappelle également à M. Lellouche qu'un refus de travailler est une faute grave, passible de renvoi. Comment dans ces conditions, laisser croire que seuls les salariés "qui le souhaitent" travaillerons le dimanche ? Mais ces subtilités de la vie des salariés peuvent, j'en conviens, échapper à une profession libérale ou à un universitaire.

2. Ainsi, les motivations exprimées dans le point 1. ne sont que poudre aux yeux. Si M. Lellouche veut permettre l'ouverture des magasins le dimanche, c'est avant tout parce que des gens souhaitent acheter ce jour-là ! Il serait intéressant que M. Lellouche aille plus loin dans son raisonnement : qui achète ce jour-là ? Ceux qui ne travaillent pas. Si ceux qui veulent acheter sont des gens susceptibles de travailler le dimanche, il n'achèteront pas. Autre question : les gens qui achètraient le dimanche achètent-ils les autres jours ? Pourquoi achèteraient-ils plus le dimanche ? Et s'ils achètent le dimanche, ils n'auront plus cet argent disponible pour acheter à un autre moment. L'idée de M. Lellouche ne serait-elle donc pas que ceux qui de toutes façons ne pourraient pas acheter aillent bosser pour que ceux qui de toutes façons ne travailleront jamais le dimanche puissent faire un peu plus de shopping ? Car dans les zones touristiques, le dimanche est déjà jour d'ouverture. Ce n'est donc pas sur des devises étrangères que M. Lellouche compte.

3. Ah ! Créer des emplois en ouvrant le dimanche, bien sûr ! Mais comment ? J'ai déjà exposé en 2. que l'argent disponible n'est pas extensible et que ceux qui achèteront le dimanche n'achèteront plus un autre jour. D'autre part, on peut penser que ce sont les employés en place qui viendront le dimanche, jour plutôt faste pour la consommation d'après M. Lellouche, pour ne pas venir les jours morts. On assiterait donc à une redistribution des horaires plutôt qu'à une augmentation du nombre d'heures travaillées. Ceci permettrait donc d'augmenter le volume de vente, sans augmenter le nombre d'heures travaillées et donc la charge. Ce qui se traduit immanquablement par des bénéfices plus élevés pour les employeurs, et des horaires encore plus embêtants pour les employés, qui, quoi qu'en dise M. Lellouche, n'auront pas le choix de travailler ou non le dimanche, avec les conséquences sociales que cela peut avoir sur l'organisation de la vie de tous les jours. Cette mesure entraîen donc une plus grande flexibilité du travail et des conditions de vie encore dégradées. Imaginons deux parents, un qui travaille le dimanche et l'autre pas, ou des parents qui travaillent le dimanche et qui doivent faire garder un gamin... Pas le genre de préoccupations d'un universitaire (4 mois de vacances, sans compter les conférences et les colloques) ou d'un avocat (profession libérale : essayez de trouver un avocat le dimanche !)

4. L'hypocrisie n'est pas celle que vous croyez, M. Lellouche. L'hypoctisie consiste à faire croire aux français que vous vous souciez de leurs conditions de vie, de leur bien-être, de leur avenir, alors que vous cédez aux pressions de la grande distribution.

Mais je vous fais peut-être un procès d'intention. On verra dans votre proposition de loi, M. Lellouche, comment le choix sera laissé aux employés, et comment seront réglés les quelques conséquences sociales prévisibles d'une ouverture des magasins le dimanche.


Je vous rappelle cependant que le Code du Travail indique clairement, dans con article 221-5 que : "Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche". Il me paraît donc difficile de que votre proposition ne vienne à l'encontre de cette disposition...