11.12.07

Débats à l'Assemblée sur les dérogations au travail le dimanche

L'ancien code du travail dispose que :

Article L221-6

(Loi nº 73-4 du 2 janvier 1973 Journal Officiel du 3 janvier 1973 en vigueur le 23 novembre 1973)

(Abrogé par Ordonnance nº 2007-329 du 12 mars 2007 art. 12 I Journal Officiel du 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008)

Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après :
a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ;
b) Du dimanche midi au lundi midi ;
c) Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ;
d) Par roulement à tout ou partie du personnel.
Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux clercs, commis et employés des études et greffes dans les offices ministériels.

Article L221-9

(Loi nº 73-4 du 2 janvier 1973 Journal Officiel du 3 janvier 1973)

(Décret nº 75-493 du 11 juin 1975 Journal Officiel du 20 juin 1975)

(Loi nº 93-1313 du 20 décembre 1993 art. 44 IV Journal Officiel du 21 décembre 1993)

(Abrogé par Ordonnance nº 2007-329 du 12 mars 2007 art. 12 I Journal Officiel du 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008)

Sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement les établissements appartenant aux catégories suivantes :
1. Fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ;
2. Hôtels, restaurants et débits de boissons ;
3. Débits de tabac ;
4. Magasins de fleurs naturelles ;
5. Hôpitaux, hospices, asiles, hôpitaux psychiatriques, maisons de retraite, dispensaires, maisons de santé, pharmacies ;
6. Etablissements de bains ;
7. Entreprises de journaux et d'information ;
8. Entreprises de spectacles ;
9. Musées et expositions ;
10. Entreprises de location de chaises, de moyens de locomotion ;
11. Entreprise d'éclairage et de distribution d'eau et de force motrice ;
12. Entreprises de transport par terre autres que les chemins de fer ; entreprises de transport et de travail aériens ;
13. Entreprises d'émission et de réception de télégraphie sans fil ;
14. Espaces de présentation et d'exposition permanente dont l'activité est exclusive de toute vente au public, réservés aux producteurs, revendeurs ou prestataires de services.

Un décret en Conseil d'Etat énumère les autres catégories d'établissements qui peuvent bénéficier du droit de donner le repos hebdomadaire par roulement.

NOTA : Ordonnance 2007-329 2007-03-12 art. 14 : Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur en même temps que la partie réglementaire du nouveau code du travail et au plus tard le 1er mars 2008.



Article L221-10

(Loi nº 73-4 du 2 janvier 1973 Journal Officiel du 3 janvier 1973 en vigueur le 23 novembre 1973)

(Loi nº 87-423 du 19 juin 1987 art. 16 Journal Officiel du 20 juin 1987)

(Loi nº 93-1313 du 20 décembre 1993 art. 44 II Journal Officiel du 21 décembre 1993)

(Loi nº 2003-721 du 1 août 2003 art. 19 2º Journal Officiel du 5 août 2003)

(Abrogé par Ordonnance nº 2007-329 du 12 mars 2007 art. 12 I Journal Officiel du 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008)

Sont également admises de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement :
1. Les industries où sont mises en oeuvre les matières susceptibles d'altération très rapide ;
2. Les industries dans lesquelles toute interruption de travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication ;
3. Les industries ou les entreprises industrielles dans lesquelles une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou accord d'entreprise prévoit la possibilité d'organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise, un décret en Conseil d'Etat peut prévoir les conditions dans lesquelles la dérogation prévue au premier alinéa peut être accordée. Les dispositions du présent alinéa s'appliquent aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par dérogation à l'article 105 (a) et au premier alinéa de l'article 105 (b) du code professionnel local.

Un décret en Conseil d'Etat fixe la nomenclature des industries comprises dans les deux premières catégories ci-dessus définies.
Le nouveau code du travail, redcodifié nous assure t'on à droits constants, dispose que :

Sous-Section 2
Dérogations au repos dominical

Paragraphe 1

Dérogation permanente de droit

(alinéa 1 et alinéa 16 de l'article L. 221-9 du code du travail)
(alinéa 1 et alinéa 5 de l'article L. 221-10 du code du travail)

Article L. 3132-12 - Certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Un décret en Conseil d’Etat détermine les catégories d’établissements intéressées.
Commentaires :

Avant, on avait un dans le Code les notions
de préjudice au public ou de compromission du fonctionnement normal. Cela permettait de maintenir les services publics et d'ouvrir les centres touristiques le dimanche.

Dans la nouvelle mouture, on a des notions différentes. Les "contraintes de production" impliquent par exemple la remise en cause des astreintes, qui relèvent d'un cas particulier.

La notion très vague de "besoin du public" n'a pas grand chose à voir avec le "préjudice au public". En effet, le public, dans son infini égoïsme, pourrait vouloir avoir accès à des choses dont il estime avoir besoin, mais qui ne lui portent aucun préjudice, comme la fermeture d'une épicerie, d'une librairie, d'un commerce quelconque. C'est aussi une brèche ouverte vers l'ouverture des administrations le dimanche, ou bien des services de garde d'enfants.

Par contre, les professions libérales pourront continuer de rester chez eux ou d'aller à la messe le dimanche puisqu'ils ne sont pas concernés par cet article : pas d'obligation d'ouverture des cabinets médicaux, des notaires ou des avocats le dimanche...

Seuls les salariés sont corvéables le dimanche, dès que le public le souhaite. Mais qui formera ce public ? La réponse est claire : ce seront ceux qui ne travailleront pas le dimanche !

En modifiant le texte de cet article, l'Assemblée UMP ouvre la voie aux modifications qui suivront bientôt, puisqu'un décret pourra en une ligne instaurer l'ouverture de tous les commerces et établissements le dimanche.

Discussion à l'Assemblée :

ART. 3 (SUITE)

M. Roland Muzeau – L’amendement 185 vise à maintenir le droit actuel en ce qui concerne les possibilités de dérogation au repos dominical. Le nouveau texte élargit sans limite le champ de ces dérogations : il s’agit d’une réécriture de l’article, sans que le débat sur le repos dominical ait eu lieu. Nous dénonçons ce déni de démocratie.

Mme Martine Billard – Je défendrai ensemble les amendements 171, 31 rectifié et 172, qui concernent de même le travail du dimanche. Le code actuel dispose, à l’article L. 221-6, qu’une dérogation au repos dominical peut être permise « lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement ». Le tableau de correspondance ne mentionnant pas cet article, nous avons eu quelque mal à entendre ce que nous disait le ministre hier, mais ce qui incontestable, c’est que le nouvel article L. 3132-12 introduit une notion de « besoins du public » qui n’équivaut certainement pas à l’ancienne mention d’un préjudice au public. Il ne s’agit donc pas d’une recodification à droit constant !

En outre, le code ne définissant pas cette notion de « besoins du public », à qui reviendra-t-il de l’apprécier ? S’en remettra-t-on aux sondages, dont il ressort que les Français, dans leur majorité, sont favorables à l’ouverture dominicale des magasins, mais refuseraient de travailler eux-mêmes le dimanche, parce qu’ils savent bien – comme ceux d’entre vous qui en ont peut-être fait l’expérience – que cela briserait leur vie de famille ? Comment défendre ces dispositions tout en déplorant la perte de l’autorité parentale, qui laisse des enfants et des adolescents livrés à eux-mêmes…

M. Daniel Mach – N’est-ce pas le cas ?

Mme Martine Billard – N’aggravons donc pas la situation !

M. Daniel Mach – Mais non !

Mme Martine Billard – « Votre niveau de vie est trop bas parce que votre salaire est insuffisant ? Travaillez donc le dimanche ! » Voilà en somme la réponse du Gouvernement aux difficultés des Français !

D’autre part, pourquoi ne pas avoir réservé l’examen de cette importante modification pour la discussion du projet de loi qui sera présenté le 12 décembre en conseil des ministres, avant d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée pour être débattu au pas de charge à partir du 17 – la radio vient de nous l’apprendre –, et qui devrait, pour autant que nous en soyons informés, affecter les conditions de travail, donc de vie, de 21 millions de salariés ?

Mme Jacqueline Irles, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Si vous en êtes d’accord, je donnerai un avis global sur l’ensemble des amendements relatifs à cette question, jusqu’au 153 inclus (Approbation sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Je suggère donc aux auteurs de ces amendements 151 à 153 de les défendre synthétiquement.

M. Alain Vidalies – Loin de moi l’idée de prolonger inutilement nos débats, mais, indépendamment des arguments défendus à juste titre par Mme Billard à propos du travail dominical, la violation du principe du droit constant, particulièrement marquée dans les articles dont nous débattons, pose un problème de fond. En effet, on ne saurait raisonnablement identifier les critères de préjudice au public et de besoins du public, sauf à soutenir que la fermeture des commerces le dimanche constituerait un préjudice, ce qui intéresserait certainement beaucoup le Conseil constitutionnel…

Sans doute cette modification prépare-t-elle le futur projet de loi du Gouvernement et l’entreprise de généralisation du travail dominical, à laquelle nous nous opposons, ne serait-ce que parce qu’elle ne permettrait pas de relancer la consommation, les dépenses effectuées le dimanche se substituant à celles des autres jours au lieu de s’y ajouter – mais nous en reparlerons le moment venu. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un coup fourré, contraire à la lettre des dispositions en vigueur comme à leur interprétation jurisprudentielle, dans un domaine qui relève de la loi et non du règlement ; affirmer le contraire, comme l’a fait le ministre hier, constitue une véritable provocation et une insulte à l’intelligence des parlementaires. Prenez donc vos responsabilités et assumez cette modification ! Si nos amendements ne sont pas adoptés, nous demanderons que cet abus soit sanctionné (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

M. Alain Néri – La remise en cause du repos dominical constitue un élément essentiel non seulement de ce texte, mais aussi de l’entreprise de démantèlement du code et du droit du travail menée avec acharnement depuis plusieurs mois (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP). Dans les quartiers populaires de Clermont-Ferrand, où sont implantées les usines Michelin, et que mon collègue Vergnier connaît comme moi, les ouvriers se sont durement battus pour que soit abrogée l’obligation de travailler le dimanche, qui portait atteinte à leur droit au repos et à leur rythme de vie. Comment peut-on invoquer la famille et l’éducation des enfants alors que l’on envisage de priver ces derniers de moments privilégiés passés avec leurs parents – mais peut-être va-t-on les faire travailler eux aussi le dimanche en ouvrant les établissements scolaires ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) Comment peut-on affirmer que la vie associative est le ciment de l’intégration et de la mixité sociale, mais obliger les salariés concernés à renoncer par exemple à jouer au football le dimanche, comme j’ai dû le faire lorsque j’étais éducateur de jeunes enfants ?

Il y a quelques jours, à la télévision, un employé du magasin Ikea se réjouissait de l’augmentation de salaire dont il bénéficiait en travaillant le dimanche, et qui s’élevait à 233 % – plus encore que celle de M. Sarkozy ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Calvet – C’est nul !

M. Alain Néri – Mais si tout le monde faisait comme lui, espérant gagner plus en travaillant plus, personne ne pourrait consommer le dimanche ! Un peu de bon sens, voyons ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Jacqueline Irles, rapporteure Avis défavorable à tous ces amendements. L'actuel article L. 221-9 donne une liste à la Prévert de secteurs économiques où l'on peut déroger de droit au repos dominical pour assurer la continuité de l'activité. Cette liste relevant par nature du règlement, le nouveau code la reprendra dans sa partie réglementaire. Mais, dans la mesure où la liste incluait des secteurs – hôpitaux, maisons de retraite, transports, distribution d'eau – où la continuité du service n'est pas justifiée par une contrainte de production ou d'activité, mais bien parce que le public en a besoin en permanence,…

M. Roland Muzeau – Mais la notion de besoin du public est extensible à l’infini !

Mme Jacqueline Irles, rapporteure …ce dernier critère doit être mentionné dans la partie législative pour assurer aux dérogations actuelles un fondement légal à droit constant – sans quoi il faudrait fermer le dimanche tous les services de santé sous statut de droit privé ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) La mention, dans l'ancien article L. 221-6, des cas où la fermeture dominicale est « préjudiciable au public » s’inscrit du reste dans la même logique (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Cette mauvaise foi est incroyable !

M. Benoist Apparu – Et ce sont des spécialistes qui parlent !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles En matière de travail dominical, il ne s’agit naturellement pas de cautionner des excès que nous condamnons tous… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Alain Néri – Inscrivez-le donc dans la loi !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission …mais simplement d’adopter les mesures pragmatiques qui s’imposent dans certaines régions et dans certains secteurs.

De grâce, ne nous enflammons pas !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Le Gouvernement est défavorable à l’amendement 185, qui reviendrait en effet sur le reclassement en partie réglementaire de la liste précise des catégories d’établissements. Il revient seulement à la loi d’encadrer cette possibilité de dérogation, comme nous le faisons à droit constant.

Même avis sur les autres amendements, car ils rendraient le code du travail particulièrement difficile à lire (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) : certaines dérogations seraient en effet de nature législative, d’autres de nature réglementaire.

Comme l’a souligné le Président Méhaignerie, le projet de loi ne tend pas à changer le sens des dispositions en vigueur, mais à les rationaliser et les rendre plus pragmatiques. Je répète que la liste des travailleurs admis à déroger au repos hebdomadaire a pour vocation de figurer, non dans la loi, mais dans le règlement. La notion de repos « préjudiciable au public » étant peu claire, nous proposons simplement de faire référence aux « besoins » du public, ce qui n’entraînera pas de changement de jurisprudence.

J’ajoute que les partenaires sociaux, que nous avons consultés, n’ont pas contesté cette disposition, car nous avançons à droit constant (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Alain Vidalies – C’est faux : ils protestent !

M. Patrick Roy – Une fois encore, le titre du texte qu’on nous présente est mensonger. Il s’agirait seulement de simplifier le code du travail, prétendez-vous. Or, plus on avance, plus on se rend compte de votre but réel : tailler au sabre dans le code de travail !

M. Benoist Apparu – Quel sens de la mesure !

M. Patrick Roy – Le travail dominical doit rester une exception, comme l’a si bien expliqué M. Néri. Vous prétendez toucher à quelques mots seulement, mais chacun sait qu’il en résultera des modifications notables. Cette nouvelle rédaction n’a rien d’innocent ! Le président de la commission tente de nous rassurer, la main sur le cœur, mais les paroles s’envolent ! Il faudrait coucher par écrit ces engagements dans le texte. Quand on est honnête, on ne laisse pas planer le doute.

C’est que nous connaissons bien votre politique : faire faire des heures supplémentaires, faire travailler le dimanche et la nuit. Vous allez bientôt nous demander de revenir sur la cinquième semaine de congés payés !

M. François Calvet – Quelle caricature !

M. Patrick Roy – Votre seule réponse, c’est de travailler plus, même si c’est au détriment de la vie collective, qu’elle soit familiale, associative ou politique. Si l’on travaille le soir, le dimanche et pendant les vacances, que restera-t-il donc ? Si vous êtes sincères, modifiez ces termes litigieux, et alors seulement nous pourrons vous croire !

L'amendement 185, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 171, 31 rectifié, 151, 152 et 172, et 153.

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