30.11.07

Pouvoir d'achat : Sarkozy demande plus à tous et moins à l'Etat

Le président Sarkozy a fait des propositions pour tenter de répondre à la baisse ressentie du pouvoir d’achat.

La réponse à cette inquiétude passait dans le programme du candidat Sarkozy par son fameux « travailler plus pour gagner plus » (« pour ceux qui le souhaitent » ayant été depuis oublié…)

Pour parvenir à ses fins, le président est gêné aux entournures. En effet, bien qu’il récuse que l’Etat soit « en faillite », selon le célèbre mot du moins célèbre premier ministre Fillon, le président est obligé de convenir qu'il n'y a « pas d'argent dans les caisses » de l'Etat.

La faute à qui ? Quand on distribue les milliards et les allègements de charge, il ne faut pas s’étonner que les caisses se vident.

Mais le président garde en tête son idée : s’il faut travailler plus, cela signifie qu’il faut mettre fin aux 35 heures honnies.

On oublierait presque que la loi TEPA et en particulier ses dispositions sur les heures sups ne sont en vigueur que depuis un mois ! Le fait que les patrons eux-mêmes répugnent à enclencher un dispositif qui a tout d’une usine à gaz est assez révélateur de l’erreur qui a été faite de superposer un dispositif anti-35 heures au dispositif des 35 heures.

Qu’à cela ne tienne ! On supprimera donc maintenant les 35 heures.

La mise en place d'une sorte de système de bonus-malus permettant à des entreprises de « s'exonérer des 35 heures » contre des augmentations de salaires, s'il y a un « accord majoritaire » au sein de l'entreprise est assez sidérante.

Car cela revient à répondre positivement à la demande récente du MEDEF de supprimer la durée légale du travail et de négocier cette durée branche par branche. Le président va plus loin, puisqu’il parle non pas de branche, mais d’entreprise. Ainsi, la durée légale du travail serait maintenant variable en fonction de l’entreprise dans laquelle on travaille ? Ainsi, les heures au-delà de 35 heures ne seront plus des heures supplémentaires ? Cette proposition signifie donc la mort du bonus de 25% pour les heures supplémentaires, et la fin des RTT.

Il est alors savoureux de découvrir les autres mesures proposées par un président qui n’est pas à une contradiction près.

Il a souhaité que les jours de RTT (récupération du temps de travail) puissent être transformés en argent, dans le secteur privé comme dans le secteur public, ce qui représenterait selon lui cinq milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus.

Pas de chance : si la durée légale passe, disons, à 40 heures, terminées les RTT compensant les heures au-delà de 35. Donc moins de temps libre et pas plus d’argent contre des RTT devenues inutiles.

Dans la fonction publique, les heures supplémentaires seront payées 25% de plus comme dans le privé, a-t-il poursuivi. Quant aux salariés qui souhaitent travailler le dimanche, ils pourront le faire pour un double salaire.

Si la durée légale passe, disons, à 42 heures, cela signifie que 7 heures au-delà de 35 heures ne seront plus payées en heures sups. A durée de travail constante, c’est 1h3/4 de paye qui s’envole en fumée. On voit le « travailler plus ». Où est le « gagner plus » ?

Quant aux heures sups du public payées 25% en plus, le président ignore t’il que des millions d’heures sups ne sont pas payées aux fonctionnaires, de santé et de police essentiellement ? Toucheront-ils 25% de plus le jour où ces heures seront payées ? Il est permis d’en douter, quand on voit que ces heures sont par exemple payées le même tarif quel que soit le grade dans la police.

Les heures sont normalement déjà payées double le dimanche. Mais ce qu’il faut lire ici est surtout la remise en cause du repos dominical, pourtant décriée d’un point de vue social et économique. On rappellera que ce que les gens dépensent le dimanche, ils ne le dépenseront pas les autres jours… Croire que cela est de nature à soutenir la consommation et donc l’économie est un leurre. Mais au moins cela ne coûte rien à l’Etat.

Il a enfin proposé le déblocage des fonds de participation, à concurrence de 10.000 euros dans les six mois à venir - "Ça représente quand même 12 milliards d'euros", a-t-il dit.

Certes, le déblocage de l’épargne bloquée est une chose. Elle va peut-être inciter quelques personnes à s’offrir un meilleur Noël. Mais en ces temps de perte de confiance, il est plus probable que les gens vont laisser leur épargne dormir. Restent les effets d’aubaine de ceux qui ne comptaient de toute façon pas sur une épargne de confort. Mais au moins, çà ne coûte rien à l’Etat.

Quant aux entreprises de moins de 50 salariés, elles pourront verser une prime exonérée de cotisations sociales.

Là par contre, cela va coûter cher aux salariés et à l’Etat. Car une exonération de cotisations, c’est une perte sèche pour la solidarité nationale. Et ce qui ne sera pas payé par le salaire brut ou superbrut devra l’être par le salaire net. Mais puisqu’on vous dit que vous avez plus de pouvoir d’achat !

Il y a également pas mal de gadgets dans ce discours.

La création d'un "indice du pouvoir d'achat" correspondant à la vie quotidienne des Français ne changera pas grand-chose à la réalité du pouvoir d’achat.

Il a promis d'engager "une grande discussion" avec la grande distribution pour faire baisser les prix dans les grandes surfaces et assurer une meilleure rémunération des producteurs, au-delà de la loi Chatel que vient juste de voter l'Assemblée.

Même recette qu’en 2004, quand il était ministre de l’économie, mais les marges de manœuvres ne sont probablement plus là. Cela n’engage pas à grand-chose. On note tout de même qu’une loi vient à peine d’être votée qu’il faut déjà modifier la loi… Déprimant. Mais au moins cela ne coûte rien à l’Etat.

Heureusement, il y a quelquechose à conserver de tout ce qui a été dit.

Indexant les loyers sur l'indice des prix et non plus sur celui des prix à la construction, "ce qui permettra de diviser par deux" la hausse des loyers est une bonne chose. Il va juste falloir expliquer à tous le propriétaires qui ont investi dans la pierre sur une base haussière à 4% qu’ils devront gagner moins et rembourser plus longtemps. Mais au moins cela ne coûte rien à l’Etat.

Il a souhaité la suppression de la caution payée par le locataire, grâce à la mise en place d'un système public de caution, et la réduction du montant de la garantie à un mois de loyer.

Là encore, c’est une bonne mesure en faveur des locataires, qui ont du ml depuis des années à sortir l’argent nécessaire à la caution plus le loyer à leur arrivée dans un nouveau logement alors que le propriétaire précédent a 60 jours pour rendre la caution. De quoi fluidifier un peu le marché locatif. Reste à savoir comment fonctionnera la mutualisation des cautions. Un sorte d’assurance locative supplémentaire ?

Une surprise aussi.

Le président de la République a également annoncé que le gouvernement vendrait 3% d'EDF pour financer un plan de cinq milliards d'euros d'investissement dans les universités.

La fronde des étudiants n’est pas encore complètement retombée qu’on leur offre un sucre. Pourquoi vendre EDF pour financer ce plan ? A croire que les promesses faites par le candidat Sarkozy n’étaient pas finançables ?

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