Rétrolien : Aprés les régimes spéciaux ... Sarkozy continue
Aux regards de ses objectifs avoués : la loi Fillon est un échec.
La loi Fillon, votée en 2003, s’était fixé pour objectif d’équilibrer le financement des régimes de retraites, sans diminuer le montant des retraites mais en amenant les salariés à différer leur départ en retraite.
Ce départ différé devait, mécaniquement entraîner une hausse de la masse des cotisations retraites (les salariés restant au travail) et une baisse de la masse des pensions versées (les salariés n’étant pas à la retraite). En 2006, la masse des cotisations a été surestimée de 1 milliard et celle des pensions de 1,5 milliards d’euros. C’est donc un constat d’échec pour la loi Fillon.
La loi Fillon n’a rien changé à l’âge effectif des départs en retraite.
Le COR constate « L’hypothèse d’un recul des âges de départ à la retraite dans le secteur privé lié à la réforme de 2003 ne s’est pas vérifiée ». En effet, la fréquence des départs en retraite à 60 ans s’est accélérée et le nombre de départs anticipés pour carrière longue a été plus important que prévu.
Le raisonnement sur lequel est bâtie la loi de 2003 s’avère donc totalement erroné. Selon ce raisonnement, les salariés seraient « libres » de faire le choix de partir ou de ne pas partir en retraite dès l’âge de 60 ans. Il suffisait donc, une fois augmentée la durée de cotisation, de manier habilement la carotte et le bâton pour amener ces salariés à différer leurs départs en retraite. Manier la carotte en augmentant les bonifications (la surcote) pour ceux qui resteraient au travail tout en ayant le nombre de trimestres de cotisation leur permettant d’obtenir une retraite à taux plein. Manier le bâton en augmentant les pénalités (la décote) pour ceux qui partiraient avant d’avoir tous ces trimestres.
Mais tout ce château de sable s’écroule dès qu’il est confronté à la réalité sociale.
La très grande majorité des salariés du secteur privé (60 % selon le COR) n’ont aucune possibilité de choisir de rester au travail ou de partir en retraite pour la bonne et simple raison qu’ils ne sont plus au travail au moment de leur départ en retraite. Ils sont au chômage, en maladie ou en invalidité. Le patronat continue, en effet, à licencier à tour de bras les salariés de plus de 50 ans.
Quant au 40 % de salariés qui sont encore au travail lorsqu’ils arrivent à 60 ans, très peu ont le choix de rester au travail. Pour la très grande majorité, c’est la retraite ou, dans le meilleur des cas, le « licenciement pour motif personnel ». Les patrons ne veulent surtout pas de salariés de plus de 60 ans.
De toute façon (le succès des retraites anticipées pour carrière longue l’indique clairement), les salariés qui ont réellement le choix se hâtent de prendre leur retraite dès qu’ils le peuvent. Les conditions de travail sont de plus en plus insupportables pour tous et en premier lieu pour les salariés âgés. Ce constat est valable pour le secteur privé mais aussi pour la fonction publique où la « surcote » n’a obtenu aucun succès.
La dégradation continuelle des conditions de départ en retraite dans le régime général comme dans les régimes complémentaires (1993, 1996, 2003, 200) va dans le même sens et incite les salariés (dans le privé comme dans le public) à prendre leur retraite le plus tôt possible.
Tout en admettant l’inefficacité de la loi Fillon et en reconnaissant que la majorité des salariés n’a pas le choix puisqu’ils ne sont plus au travail au moment de prendre leur retraite, le COR propose d’aller encore plus loin dans l’absurde et ne remet nulle part en question le passage de 40 à 41 annuités de cotisation entre 2009 et 2012. !
L’emploi des « seniors » n’augmente pas.
Le COR constate que le taux d’emploi des 55-64 ans est moins élevé en France (37,8 %) que dans l’ensemble de l’Union européenne (42,5 %). Il ne s’interroge pas pour autant sur ce que signifie la vie quotidienne d’un retraité du Royaume-Uni. Il ne cherche pas à savoir pourquoi tant de retraités britanniques sont obligés d’accepter des « petits boulots » passés 70 ans.
Il constate, cependant, que le « Plan national » pour l’emploi des « séniors » ne semble pas, « à ce jour, avoir infléchi les comportements des salariés et des employeurs ». En l’occurrence, il s’agit avant tout du comportement des employeurs qui continuent à licencier à la même cadence les salariés de plus de 50 ans et qui, au nom de la rentabilisation, rendent les conditions de travail de plus en plus insupportables pour les salariés âgés. La pièce maîtresse de ce dispositif a fait long feu. L’instauration, en effet, d’un « contrat vieux », un CDD d’une durée maximale de 18 mois renouvelable une fois pour les chômeurs de plus de 57 ans a connu un échec magistral : 40 contrats de ce type en tout et pour tout en 2006 ! On ne peut, d’ailleurs, que s’en féliciter car ces contrats ne font qu’accroître la précarité des salariés âgés.
Le COR propose de diminuer les indemnités de départ en retraite, et de faire sauter l’âge butoir de 65 ans. Cette dernière mesure est une attaque contre des centaines de milliers de salariés, en très grande majorité des femmes, qui n’ont pas de carrière complète mais qui peuvent à 65 ans bénéficier d’une retraite à taux plein. Il propose également de supprimer le droit à la retraite à 60 ans, ouvrant ainsi le passage aux exigences du Medef de différer ce droit à 61 ou 62 ans. Cette disposition vise à empêcher de partir à la retraite à 60 ans les personnes qui disposent de la totalité de leurs annuités. Il leur faudra, malgré cela, attendre 61 ou 62 ans.
Il n’est pas possible, de toute façon, de séparer l’emploi des salariés âgés de celui de l’ensemble des salariés et notamment des jeunes. Il n’est pas possible de voir la société uniquement à travers le prisme des retraites. Encore faut-il se poser la question de savoir pourquoi il faudrait obliger à travailler plus longtemps des centaines de milliers de salariés âgés alors que des centaines de milliers de jeunes ne trouvent pas d’emploi.
Le niveau des retraites continue à se dégrader.
Le COR estime que le taux de remplacement net global à la liquidation de la retraite diminuera, pour les salariés du privé, de 10 points entre la génération née en 1938 (retraite à 65 ans en 2003) et celle née en 1985 (retraite prise en 2050).
Il estime également que si les accords Agirc-Arrco de 2004 étaient maintenus, ce taux de remplacement diminuera de 20 points. Ainsi pour un salaire de 1000 euros (constants), le montant de la retraite qui aurait été de 830 euros en 2003 ne serait plus que de 630 euros en 2050.
Mais ces calculs ne sont pas complets. Ils reposent sur l’hypothèse que les salariés seront encore au travail à 65 ans. Ce qui dans l’état actuel des politiques patronales est une absurdité. C’est donc à un recul beaucoup plus important qu’il faut s’attendre : surtout si la durée de cotisation continue à augmenter. La durée moyenne d’une carrière dans le secteur privé est inférieure à 37 ans. Tant que cette durée n’aura pas évolué : augmenter la durée de cotisation, au-delà de 37,5 annuités, reviendra à réduire le montant des retraites. Tout le restant n’est qu’hypocrisie.
Le but réel de la réforme Fillon est en passe d’être atteint.
Cette chute vertigineuse du montant des retraites est bien évidemment le but réel de la réforme Fillon. Cette réforme n’est absurde qu’au regard de son objectif avoué : augmenter la durée de cotisation pour maintenir le niveau des retraites.
La loi Fillon est parfaitement rationnelle si l’on considère son objectif réel : diminuer le montant des retraites pour ne pas augmenter la part patronales des cotisations retraites et pour faire une large place au soleil à l’épargne salariale et aux fonds de pension.
La Droite et le Medef sont sur la bonne voie. Mais cela ne va pas encore assez vite pour eux. Ils veulent donc encore allonger la durée de cotisation pour diminuer encore plus le montant des retraites.
L’équilibre financier des régimes de retraite est loin d’être hors de portée.
Les besoins de financement des retraites à l’horizon 2020 représentent 24,8 milliards d’euros (constants). L’équilibre des régimes de retraite n’est donc pas un véritable problème.
Pour s’en convaincre, il suffit, tout d’abord, de rapprocher ce chiffre de 24,8 milliards d’euros des 15 milliards d’euros de cadeau fiscal que vient de faire Sarkozy aux ménages les plus riches.
Il suffit, ensuite, de mettre en lumière une donnée que le COR se garde bien de dévoiler : avec une croissance moyenne de 1,7 % par an, en 2020, le PIB de notre pays aura augmenté de prés de 30 %. Cela représente (en euros constants, hors inflation) un accroissement de la richesse nationale de 410 milliards de francs. Qui peut affirmer qu’avec un tel accroissement de richesse il ne serait pas possible de trouver moins de 25 milliards d’euros pour équilibrer les régimes de retraites. Cela n’empêcherait ni l’augmentation des salaires directs, ni le financement de la Sécurité sociale, ni les investissements productifs... Cela éviterait simplement que le patronat confisque, comme il en a bien l’intention, la part de cette augmentation de richesse qui revient aux retraités.
Le COR constate lui-même qu’il y a trois possibilités pour équilibrer les retraites en 2020 :
Soit diminuer le montant des retraites de 20 % ; soit relever l’âge de départ en retraite d’un peu plus de 3 années supplémentaires ; soit augmenter de 4,5 points les cotisations retraites.Comment se fait-il que cette 3ème possibilité ne soit jamais soumise au débat ? Cela correspondrait à une augmentation des cotisations annuelles de 0,34 points des cotisations retraites. A raison de 0,24 point pour la part patronale, afin de commencer à rééquilibrer le partage de richesse, et de 0,10 point pour la part salariale, qui peut nier que pour la grande majorité de la population, cette solution est mille fois préférable aux deux autres options ?
C’est à tout le salariat que Sarkozy s’attaquera en 2008.
Ce rapport du COR avec lequel la CGT, FO, la FSU et Sud ont pris leur distance prépare le rendez-vous de 2008 (Etat, syndicats, patronat) qui devra négocier les suites à donner aux mesures prises en 2003 par la loi Fillon.
Nous savons à quoi nous attendre, le COR nous a prévenu : allongement de la durée de cotisation, accentuation des décotes, fin des départs anticipés pour carrière longue, diminution des primes de départ en retraites, « emplois-vieux » encore plus précaires, suppression du droit à la retraite à 60 ans, suppression de l’âge-butoir de 65 ans...
Mais ce coup-ci, c’est à l’ensemble du salariat que Fillon se heurtera : le privé, la fonction publique, les régimes spéciaux. C’est donc une riposte d’ensemble qu’il faut préparer pour faire ravaler à la Droite non seulement ces projets pour 2009 mais tout ce qu’elle nous a imposé depuis 1993. C’est à ce prix uniquement que les revenus de la grande majorité des retraités ne seront pas sous le seuil de pauvreté dans 20 ou 30 ans.
Libellés : retraites
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