5.10.06

Bereno : un inspecteur du travail censuré

J'apprends que le blog de Bereno, fermé depuis quelques jours, a en fait été fermé suite à un ordre venu du sommet de sa hiérarchie

Fermeture immédiate, donc, sans même un mot à destination des nombreux lecteurs, dont je fais partie.

Bereno avait déjà été menacé de fermer, suite à une délation (dénonciation en vue de nuire). Mais il avait poursuivi son oeuvre d'information, très intéressante, même s'il pouvait parfois donner l'impression de ne relater qu'à charge envers les patrons, malgré quelques billets décrivant des entrepreneurs consciencieux et ouverts à l'application des règles du droit du travail.

J'ai choisi de reprendre ici le billet anniversaire de son blog, publié il y a peu, dans lequel Bereno expliquait sa démarche et donnait quelques chiffres sur la fréquentation de son blog.

15 septembre 2006

Un an de blog.

Un an, cela fera très exactement un an demain que j'ai créé ce blog. Certes, il s'en est fallu de peu qu'il disparaisse définitivement au printemps dernier. Mais finalement encouragé par vos messages de soutien, je décidais de continuer à m'exprimer par ce moyen de communication, refusant de céder aux pressions de quelques-uns qui espéraient très fort m'imposer le silence.

Je vous adresse donc chers lecteurs toute ma gratitude et mes plus chaleureux remerciements pour l'intérêt que vous portez à ce blog. J'en profite également pour remercier Le Monde.fr d'avoir inséré ce blog parmi les "Invités du Monde", ce qui eut pour effet d'accroître significativement le nombre de lecteurs: plus de 250 000 "Pages vues" et quelques 13 000 visiteurs en moyenne par semaine.

Je me réjouis également que ce blog soit aussi un espace d'échanges, de confrontations de points de vue, parfois très divergents, sur le monde du travail. Plus de 3000 commentaires depuis la création du blog, manifestement les situations décrites ne laissent pas indifférent . J'adresse un merci appuyé à ceux qui prennent un peu de leur temps pour déposer un ou plusieurs commentaires et contribuer ainsi au débat.

Quelques commentaires n'ont pas été publiés, c'est vrai. En effet, lorsque des noms sont cités, lorsque les écrits sont insultants ou diffamatoires ou lorsque cela n'a aucun lien, de loin ou de prêt, avec la note, je ne fais pas apparaître le commentaire. Je suis responsable de ce blog y compris des réactions des lecteurs et je ne tiens pas à me retrouver devant un tribunal pour un délit de diffamation.

Enfin, je présente mes excuses aux lecteurs qui me sollicitaient en vue d'obtenir des renseignements sur leurs droits pour des affaires les concernant et auxquels je n'ai pas apporté de réponse.Je comprends leur attente mais je ne puis répondre à chacun par manque de temps. Aussi , j'invite les personnes souhaitant des précisions sur leurs droits à prendre contact avec le Service des Renseignement en droit du travail qui existe dans chaque DDTEFP...c'est gratuit et le renseignement délivré est de qualité (vive le service public !).

Au terme de cette année, ma motivation à poursuivre ce blog est entière. Il est indispensable de témoigner sur une certaine réalité du monde du travail qui n'est pas toujours (hélas) synonyme d'épanouissement de la personne. Les souffrances physiques et psychiques sont également une réalité de l'entreprise auxquelles sont confrontés quotidiennement de plus en plus de travailleurs.

Le droit du travail, au nom de l'efficacité économique, du libéralisme, de la compétitivité des entreprises, de la lutte contre le chômage, évolue vers plus de précarité, de flexibilité, de régimes dérogatoires (travail du dimanche,temps de travail...). Le mal-être au travail est réel, souvent subi en silence (le collectif au sein du monde du travail s'amenuise)...Les agents de l'inspection du travail, tout comme les médecins du travail, recueillent l'expression de ces souffrances. Ce sont celles-ci que je vais continuer à vous décrire et à dénoncer...Merci encore.


Et un autre billet qui donne le ton des écrits de Bereno (le passage en gras est d'origine) :

21 avril 2006

Centre d'appels...sur écoute.


Premier contrôle dans ce centre d'appel . L'entreprise A. occupe aujourd'hui 46 salariés dont une grande majorité de femmes. Quarante téléacteurs se répartissent sur deux plateaux. Ils tentent de décrocher des rendez-vous pour des conseillers
financiers spécialisés en défiscalisation.

En consultant le registre du personnel, je m'aperçois d'un important mouvement de main d'oeuvre...Beaucoup de démissions dès la première semaine de travail. Les lettres de démission évoquent le stress, la fatigue nerveuse qui ont contraint des salariés à jeter l'éponge au bout de quelques jours.

Surprise: tous les salariés sont recrutés sous contrat à durée indéterminée...mais tous à temps partiel, sur une base de 20 heures hebdomadaires.

La rémunération est constituée d'un salaire de base correspondant au SMIC auquel s'ajoute une prime qui est fonction du nombre de rendez-vous qui débouchent effectivement sur un premier entretien entre le conseiller financier et le prospect. Du 1er au 59ème rendez-vous: 1 euro le rendezvous, du 60ème au 80 ème: 4 euros, du 81ème au 100ème: 6 euros, du 101ème au 150 ème: 9 euros
et au-delà de 150: 11 euros.

Pour motiver les troupes et fixer implicitement un objectif, on précise dans le contrat que le niveau moyen de "production" constaté est de 60 rendez-vous payables pris par mois.

Puis, le contrat stipule que le salarié téléacteur "pourra faire l'objet d'une écoute téléphonique active de ses communications avec les prospects, ceci afin de garantir la qualité des prestations de la société vis-à-vis des prospects. Cette écoute sera réalisée par les responsables d'équipe".

Le salarié "déclare en accepté le principe". ...En réalité, pas vraiment l'opportunité de s'y opposer.

Les locaux sont très corrects si ce n'est l'absence de local vestiaire et un nombre insuffisant de WC.

Les postes de travail sur les plateaux techniques ne sont pas à la pointe de l'ergonomie: absence d'écran plat, l'unité centrale horizontale est posée sur chaque plan de travail ce qui encombre les bureaux collés les uns aux autres mais séparés latéralement par de petites cloisons de bois . Les écrans situés près de la baie vitrée reçoivent des reflets lumineux et génère une fatigue visuelle.

Une salariée s'exprime, elle évoque le stress, la fatigue que ce type d'activité apparemment anodine engendre...Elle regrette de ne pas disposer d'un poste isolé afin de na pas entendre ses collègues qui l'entourent...Les voix , les sons qui se mêlent et qui parviennent à ses oreilles, lorsqu'elle est en conversation téléphonique, la déconcentrent.

Stress, tension nerveuse,...le lot quotidien de nombreux salariés.

21 avril 2006 | Lien permanent | Commentaires (31)