De l’opportunité d’un référendum pour ratifier le traité de Lisbonne
Dans le débat actuel sur le traité de Lisbonne, les arguments portent plus sur le fait de savoir s’il faut accepter la ratification par le parlement plutôt que par référendum. Le fond du texte n’est pas débattu, sans doute parce qu’il est semblable au TCE et a donc déjà été débattu.
Passons en revue les arguments pour ou contre le référendum. Et voyons que le débat n’est absolument pas où on veut le placer.
1. Un nouveau traité ?
Pour justifier que le référendum ne soit pas cette fois utilisé, certains avancent qu’il s’agit d’un nouveau traité.
Mais malgré les dénégations de ses promoteurs, le traité de Lisbonne n’est pas un nouveau traité. Il reprend dans sa quasi-totalité le texte refusé en 2005 lorsqu’il s’appelait TCE. Giscard lui-même le reconnaît.
Le mini traité simplifié, qui n’est ni mini ni simplifié, est donc un TCE bis. L’argument de la nouveauté ne tient pas.
Cela implique donc qu’on est bien en France en train de faire voter un texte par le Parlement qui a été refusé par référendum par le peuple souverain.
Ce qui nous conduit au second argument.
2. Un déni de démocratie ?
Certains avancent que seul le peuple peut défaire ce que le peuple a fait, et qu’il faut donc que les français votent de nouveau par référendum sur le « même » texte.
Mais le choix de la voie parlementaire, s’il est curieux et peut paraître choquant aux démocrates puristes, n’est pourtant pas un déni de démocratie.
Tout simplement parce que notre Constitution, cadre de nos institutions, prévoit la possibilité de faire ratifier un traité par le Parlement réuni en congrès. Cette décision est laissée à l’initiative du Président de la République, par le peuple souverain –toujours lui – qui lui a confié cette charge.
Il est donc tout aussi démocratique de demander au peuple de se prononcer directement que de demander à ses représentants de le faire en congrès. C’est le sens de notre démocratie représentative.
Remettre en cause cette possibilité, c’est revenir sur notre texte fondateur. Pourquoi pas ? Mais on voit que ce n’est pas le débat.
3. La promesse du candidat Sarkozy ?
Le troisième argument, qui rejoint le précédent, est que le président actuel, dans sa campagne, avait promis qu’il passerait par la voie parlementaire.
Elu, il aurait donc tout légitimité pour le faire.
Il faut reconnaître que les français n’ont pas forcément l’habitude qu’un dirigeant fasse ce pour quoi il a été élu. En l’espèce, le président n’a pas varié entre sa campagne et son élection. Il est donc en droit de passer par la voie parlementaire, puisque les français l’ont aussi élu pour cela.
Cependant, cet argument contient implictement la notion de blanc-seing que donnerait le peuple à son dirigeant de façon périodique. Cette vision de la fonction est certes respectable, mais pourrait conduire à des ennuis en cas de bouleversement important de la situation du pays entre le moment de la campagne et le moment des prises de décisions effectives. Savoir changer d’avis quand le bien public le nécessite est également une qualité. Cet argument est donc à manier avec prudence.
Mais surtout, le président, quand il n’était que ministre, avait fort bien plaidé, avant le TCE, pour le recours au référendum. Dans quelle mesure la situation a-t-elle changé pour justifier ce revirement, qui voit l’ancien ministre refuser maintenant le référendum sur le mêm texte ?
La dimension politique s’ouvre ici.
4. Un 2ème non serait irréversible ?
Un autre argument consiste à déclarer que l’Europe ne survivrait pas à un nouveau NON français.
Cet argument est curieux car il consiste à dire qu’il n’y a pas d’alternative. Il faudrait adhérer à l’Europe de Lisbonne sous peine de détruire l’Europe, ou tout du moins de lui porter un coup fatal, la maintenant dans un statu quo dramatique.
Il faut pourtant définir ce que serait ce NON.
L’assemblage hétéroclite des tenants du NON au TCE est en effet difficile à analyser, entre ceux qui veulent sortir de l’Europe et ceux qui veulent au contraire « plus d’Europe » ou « pas cette Europe ».
Il se trouve pourtant qu’une majorité s’est exprimée, et a décidé que le TCE n’était pas bon pour la France et les français.
Si le traité de Lisbonne revenait devant les français, on peut s’attendre, sauf surprise, à ce qu’il soit logiquement refusé, comme l’avait été le TCE.
Le choix de passer par le Parlement devient alors éminemment politique.
5. Quel est l’enjeu ?
Résumons.
Nous avons un texte refusé par référendum qui revient sur le tapis sous une forme différente mais avec le même contenu.
Ce texte n’est pas proposé au vote par référendum, parce que les dirigeants estiment qu’il n’est pas certain que le texte serait alors adopté, s’agissant du même texte. La thèse du viol de la démocratie se nourrit de cette méfiance.
Le choix de la voie parlementaire semble alors d’éviter le risque d’un rejet populaire, d’autant plus que le parlement est majoritairement du côté du président.
Il est donc compréhensible que certains estiment qu’il y a dans le choix présidentiel une tentative de passage en force, par la volonté de faire rentrer la France dans l’Europe de Lisbonne malgré une opposition connue de la part d’une probable majorité des français.
Ce choix est motivé principalement par le fait que l’Europe se désagrégerait en cas de nouveau refus français.
L’enjeu, le véritable enjeu, pour les opposants à ce texte est donc bien de savoir si la France sera plus en position de modifier l’Europe dans un sens qui leur convient mieux avec le traité de Lisbonne plutôt qu’avec le traité de Nice actuel.
Mais du côté des partisans au traité, il y en a qui estiment que c’est uniquement parce qu’il n’y a pas d’alternative qu’il faut dire OUI. Que ce traité n’est pas le meilleur possible, mais qu’il est meilleur que celui de Nice.
Prenons donc acte que les deux camps vont en fait dans le même sens. Ceux qui refusent le TCE/Lisbonne ne veulent pas de cette Europe. Ceux qui acceptent le TCE/Lisbonne ne sont pas ravis de ce qu’ils acceptent et rêvent d’une autre Europe. Les deux points de vue mènent à la même conclusion : il faut que la France œuvre à proposer une Europe plus attractive pour les citoyens européens et français.
6. Conclusion
Les jeux sont donc faits. La France rejoindra l’Europe de Lisbonne, sans qu’il y ait vraiment matière à contestation. Reste à savoir pourquoi faire… Et c’est là que ceux qui ont voté NON pourraient faire valoir leur point de vue. Et proposer le plan B que les tenants du OUI continuent de dire inexistant.
Le plan B, c’est d’aller de l’avant. Utiliser les possibilités du traité de Lisbonne pour aller vers ce qu’on recherche pour l’Europe.
Mais cela suppose de définir ce que la France veut pour l’Europe. Voilà un vaste chantier que je remercierais pour ma part nos dirigeants d’ouvrir réellement.
Passons en revue les arguments pour ou contre le référendum. Et voyons que le débat n’est absolument pas où on veut le placer.
1. Un nouveau traité ?
Pour justifier que le référendum ne soit pas cette fois utilisé, certains avancent qu’il s’agit d’un nouveau traité.
Mais malgré les dénégations de ses promoteurs, le traité de Lisbonne n’est pas un nouveau traité. Il reprend dans sa quasi-totalité le texte refusé en 2005 lorsqu’il s’appelait TCE. Giscard lui-même le reconnaît.
Le mini traité simplifié, qui n’est ni mini ni simplifié, est donc un TCE bis. L’argument de la nouveauté ne tient pas.
Cela implique donc qu’on est bien en France en train de faire voter un texte par le Parlement qui a été refusé par référendum par le peuple souverain.
Ce qui nous conduit au second argument.
2. Un déni de démocratie ?
Certains avancent que seul le peuple peut défaire ce que le peuple a fait, et qu’il faut donc que les français votent de nouveau par référendum sur le « même » texte.
Mais le choix de la voie parlementaire, s’il est curieux et peut paraître choquant aux démocrates puristes, n’est pourtant pas un déni de démocratie.
Tout simplement parce que notre Constitution, cadre de nos institutions, prévoit la possibilité de faire ratifier un traité par le Parlement réuni en congrès. Cette décision est laissée à l’initiative du Président de la République, par le peuple souverain –toujours lui – qui lui a confié cette charge.
Il est donc tout aussi démocratique de demander au peuple de se prononcer directement que de demander à ses représentants de le faire en congrès. C’est le sens de notre démocratie représentative.
Remettre en cause cette possibilité, c’est revenir sur notre texte fondateur. Pourquoi pas ? Mais on voit que ce n’est pas le débat.
3. La promesse du candidat Sarkozy ?
Le troisième argument, qui rejoint le précédent, est que le président actuel, dans sa campagne, avait promis qu’il passerait par la voie parlementaire.
Elu, il aurait donc tout légitimité pour le faire.
Il faut reconnaître que les français n’ont pas forcément l’habitude qu’un dirigeant fasse ce pour quoi il a été élu. En l’espèce, le président n’a pas varié entre sa campagne et son élection. Il est donc en droit de passer par la voie parlementaire, puisque les français l’ont aussi élu pour cela.
Cependant, cet argument contient implictement la notion de blanc-seing que donnerait le peuple à son dirigeant de façon périodique. Cette vision de la fonction est certes respectable, mais pourrait conduire à des ennuis en cas de bouleversement important de la situation du pays entre le moment de la campagne et le moment des prises de décisions effectives. Savoir changer d’avis quand le bien public le nécessite est également une qualité. Cet argument est donc à manier avec prudence.
Mais surtout, le président, quand il n’était que ministre, avait fort bien plaidé, avant le TCE, pour le recours au référendum. Dans quelle mesure la situation a-t-elle changé pour justifier ce revirement, qui voit l’ancien ministre refuser maintenant le référendum sur le mêm texte ?
La dimension politique s’ouvre ici.
4. Un 2ème non serait irréversible ?
Un autre argument consiste à déclarer que l’Europe ne survivrait pas à un nouveau NON français.
Cet argument est curieux car il consiste à dire qu’il n’y a pas d’alternative. Il faudrait adhérer à l’Europe de Lisbonne sous peine de détruire l’Europe, ou tout du moins de lui porter un coup fatal, la maintenant dans un statu quo dramatique.
Il faut pourtant définir ce que serait ce NON.
L’assemblage hétéroclite des tenants du NON au TCE est en effet difficile à analyser, entre ceux qui veulent sortir de l’Europe et ceux qui veulent au contraire « plus d’Europe » ou « pas cette Europe ».
Il se trouve pourtant qu’une majorité s’est exprimée, et a décidé que le TCE n’était pas bon pour la France et les français.
Si le traité de Lisbonne revenait devant les français, on peut s’attendre, sauf surprise, à ce qu’il soit logiquement refusé, comme l’avait été le TCE.
Le choix de passer par le Parlement devient alors éminemment politique.
5. Quel est l’enjeu ?
Résumons.
Nous avons un texte refusé par référendum qui revient sur le tapis sous une forme différente mais avec le même contenu.
Ce texte n’est pas proposé au vote par référendum, parce que les dirigeants estiment qu’il n’est pas certain que le texte serait alors adopté, s’agissant du même texte. La thèse du viol de la démocratie se nourrit de cette méfiance.
Le choix de la voie parlementaire semble alors d’éviter le risque d’un rejet populaire, d’autant plus que le parlement est majoritairement du côté du président.
Il est donc compréhensible que certains estiment qu’il y a dans le choix présidentiel une tentative de passage en force, par la volonté de faire rentrer la France dans l’Europe de Lisbonne malgré une opposition connue de la part d’une probable majorité des français.
Ce choix est motivé principalement par le fait que l’Europe se désagrégerait en cas de nouveau refus français.
L’enjeu, le véritable enjeu, pour les opposants à ce texte est donc bien de savoir si la France sera plus en position de modifier l’Europe dans un sens qui leur convient mieux avec le traité de Lisbonne plutôt qu’avec le traité de Nice actuel.
Mais du côté des partisans au traité, il y en a qui estiment que c’est uniquement parce qu’il n’y a pas d’alternative qu’il faut dire OUI. Que ce traité n’est pas le meilleur possible, mais qu’il est meilleur que celui de Nice.
Prenons donc acte que les deux camps vont en fait dans le même sens. Ceux qui refusent le TCE/Lisbonne ne veulent pas de cette Europe. Ceux qui acceptent le TCE/Lisbonne ne sont pas ravis de ce qu’ils acceptent et rêvent d’une autre Europe. Les deux points de vue mènent à la même conclusion : il faut que la France œuvre à proposer une Europe plus attractive pour les citoyens européens et français.
6. Conclusion
Les jeux sont donc faits. La France rejoindra l’Europe de Lisbonne, sans qu’il y ait vraiment matière à contestation. Reste à savoir pourquoi faire… Et c’est là que ceux qui ont voté NON pourraient faire valoir leur point de vue. Et proposer le plan B que les tenants du OUI continuent de dire inexistant.
Le plan B, c’est d’aller de l’avant. Utiliser les possibilités du traité de Lisbonne pour aller vers ce qu’on recherche pour l’Europe.
Mais cela suppose de définir ce que la France veut pour l’Europe. Voilà un vaste chantier que je remercierais pour ma part nos dirigeants d’ouvrir réellement.
Libellés : Europe
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