17.1.06

Contrat Nouvelle Embauche

A l'heure où le Medef souhaite étendre ce type de contrat aux entreprises de plus de 20 salariés, à l'heure où le Premier Ministre annonce la création d'un Contrat Premier Embauche, j'aimerais revenir sur ce qui a mené à la création de ce CNE.

Tout d'abord, qu'est-ce qu'un CNE ?

Le CNE, c'est un contrat conclu pour une durée indéterminée entre une société de moins de 20 salariés et un employé.

Les caractéristiques principales de ce contrat sont les suivantes :
- période d'essai (appelée "période de consolidation") de 2 ans,
- possibilité de briser le CNE de part et d'autre avec un préavis réduit, dont la durée augmente avec l'ancienneté,
- pas de justification à donner pour le renvoi d'un salarié,
- possibilité de toucher des indemnités chômage après 4 mois de CNE, d'un montant toutefois forfaitaire et assez réduit,
- au bout de 2 ans, le CNE devient de plein droit un CDI "classique".

Qu'est-ce qui a motivé la création du CNE ?

Le mot d'ordre est la flexibilité. L'objectif du CNE est de favoriser de nouvelles embauches.
Il ne s'agit pas, comme on l'a trop entendu, d'un contrat à destination des personnes décrochant un premier emploi.
Il est destiné à lever le frein à l'embauche que constituerait le fait de ne pas avoir de visibilité pour l'employeur, qui rendrait de ce fait risquée l'embauche d'un salarié, alors que l'activité nécessitant son embauche ne serait que passagère.
Il s'agit donc de permettre d'embaucher sans se retrouver avec un salarié sur les bras que l'employeur ne pourrait facilement virer au premier revers de son entreprise.

On le voit, il s'agirait donc de favoriser l'embauche, en rendant plus facile le licenciement.

Principales critiques du CNE :

1) Un contrat précaire :
Par sa forme, le CNE s'apparente à un contrat de louage. Ma boîte décroche un contrat, j'ai plus d'activité pendant 3 mois, je prends un CNE.
Si l'activité cesse, je le vire. Si l'activité continue, je le garde, jusqu'à une prochaine baisse d'activité.

Pour le salarié, c'est l'assurance de ne jamais savoir sur quel pied danser, pendant les 2 ans de période d'essai.

2) Un contrat inutile :
Le CNE vient s'ajouter au CDI, au CDD et à l'intérim.
Ces contrats permettent d'embaucher quelqu'un pour une activité pérenne dans la durée (CDI), de pourvoir au remplacement d'un salarié
malade, en congé long (paternité/maternité, parental d'éducation, etc.) ou en formation (CDD) et de faire face à une soudaine montée
en charge de durée courte ou moyenne (intérim).

Quel utilité pour un CNE dans ces conditions ? Aucune.

3) Un moyen de pression atroce :
Un travailleur en CNE est semblable à Damoclès. Tout ce qu'il fera qui ne plaira pas à son patron pourra se retourner contre lui
immédiatement. Comment travailler sereinement en sachant que pendant 730 jours, on est jetable sans motif ? Comment s'impliquer
dans l'entreprise quand on sait qu'on a pas de place reconnue dans la société ?

Les dérives prévisibles du CNE :

1) Le remplacement des CDI, CDD et contrat d'interim par des CNE.
La tentation est forte, en tant que dirigeant d'une PME, d'embaucher uniquement en CNE, fait sur mesure pour faire face à des périodes d'activité variable.
Pourquoi embaucher en CDI, quand le CNE est un CDI avec l'avantage de pouvoir mettre la pression pendant 2 ans au lieu de 6 mois de période d'essai, et de licencier sans motif ?
Pourquoi embaucher en CDD, alors que le CNE est moins cher et plus flexible : prime de précarité moindre et pas de durée fixe au contrat ?
Pourquoi avoir recours à l'intérim, qui coûte cher, quand un CNE fera tout aussi bien l'affaire ?

2) La montée en grade des petits chefs :
Quelle idée de mettre dans les mains de patrons un tel moyen de pression ! Le salarié est déjà subordonné à son employeur, pourquoi le mettre ainsi à sa merci totale ? Comment attaquer un licenciement abusif s'il n'y a plus de motif à donner de la part de l'employeur ?
Comment faire la preuve qu'on a été exploité, comment attaquer des comportements abusifs sans moyen de recours ?

Le véritable objectif du CNE :

La seule explication que j'aie trouvée à la création de ce CNE est une logique politique.

Le Premier Ministre, soucieux de préserver ses chances pour l'élection présidentielle, est contraint de contrer son bouillant ministre de l'intérieur, prompt à mettre des policiers partout (dans les écoles, dans les trains...)

Quoi de mieux que de transférer des personnes au chômage en quête d'un "vrai" contrat vers des CNE ?

Couplée à la réforme de l'ANPE qui vise à radier rapidement les chômeurs des listes et à leur faire accepter rapidement un contrat, même peu satisfaisant, le CNE est un outil idéal pour laisser croire à une embellie des chiffres du chômage.

Si de plus on annonce les chiffres du nombre de CNE signés sans tenir compte des transferts des autres contrats vers ce CNE, et si on ne suit pas le nombre de CNE remis en cause en moins de 4 mois (qui ne donnent pas droit au chômage), on peut facilement se féliciter d'avoir eu une action efficace contre le chômage.

Sauf qu'il restera à expliquer comment il peut y avoir moins de chômeurs sans que le nombre d'emplois total ait augmenté...

YR