25.9.06

La loi fédérale suisse sur les étrangers

Je connais mal le système législatif suisse, mais la loi qui vient d'être approuvée par votation le 24 septembre dernier concernant le séjour des étrangers mérite d'être portée à la connaissance du plus grand nombre en France, en ces temps de chasse aux illégaux et de durcissement du CESEDA.

Deux tiers des votants (un peu moins de 50% de participation) ont en effet approuvé des dispositions qui pourraient être mises en oeuvre en France, si elle ne le sont pas déjà, dans le cas d'une poursuite de la politique de durcissement du CESEDA mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur français, qui en a fait de plus un axe central de sa (future) campagne présidentielle.

Mais passons tout de suite à ce texte intitulé Loi Fédérale sur les Etrangers (LEtr), qu'on peut trouver ici (en .pdf).
Art. 2 Champ d’application
1 La présente loi s’applique aux étrangers dans la mesure où leur statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse.
2 Elle n’est applicable aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne (CE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces Etats que dans la mesure où l’accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse, et, d’autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes n’en dispose pas autrement ou lorsque la présente loi prévoit des dispositions plus favorables.
3 Elle n’est applicable aux ressortissants des Etats membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces Etats que dans la mesure où l’accord du 21 juin 2001 amendant la convention instituant l’Association européenne de libre-échange n’en dispose pas autrement ou lorsque la présente loi prévoit des dispositions plus favorables.
Donc, cette loi ne s'applique qu'à environ 95% de la population mondiale... La Suisse se place d'emblée comme un pays d'accueil, ouvert au monde.
Art. 3 Admission
1 L’admission d’étrangers en vue de l’exercice d’une activité lucrative doit servir les intérêts de l’économie suisse; les chances d’une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l’environnement social sont déterminantes. Les besoins culturels et scientifiques de la Suisse sont pris en considération de manière appropriée.
2 Les étrangers sont également admis lorsque des motifs humanitaires ou des engagements relevant du droit international l’exigent ou que l’unité de la famille en dépend.
3 Lors de l’admission d’étrangers, l’évolution socio-démographique de la Suisse est prise en considération.
Seul l'intérêt de la Suisse est pris en compte, d'un strict point de vue économique, même si les besoins culturels et scientifiques sont également cités. Le pays siège du Haut Commissariat au Réfugiés (émanation de l'ONU) permet tout de même de prendre en compte des motifs humanitaires : l'honneur est sauf. Bien que dans tous les cas, l'évolution démographique de la Suisse doive être prise en considération.

Résumons : les bons étrangers sont ceux employables économiquement, si la Suisse en a besoin. Mais pas seulement, comme on le voit ensuite.
Art. 4 Intégration
1 L’intégration des étrangers vise à favoriser la coexistence des populations suisse et étrangère sur la base des valeurs constitutionnelles ainsi que le respect et la tolérance mutuels.
2 Elle doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle.
3 L’intégration suppose d’une part que les étrangers sont disposés à s’intégrer, d’autre part que la population suisse fait preuve d’ouverture à leur égard.
4 Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale.
Ainsi, non seulement les étrangers admis en Suisse doivent prouver leur utilité économique, mais ils doivent de plus s'intégrer, en étant coutumier du mode de vie Suisse.

Ainsi, s'ils n'aiment pas le gruyère, ne portent pas de montre, n'ouvrent pas un compte bancaire à l'UBS, ne digèrent pas le fromage fondu accompagné de fendant, ne sautent pas à ski ou ne balayent pas devant une pierre glissant sur la glace tous les dimanches, ils seront refoulés.
Art. 11 Autorisation en cas de séjour avec activité lucrative
1 Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé.
2 Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement.
3 En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur.
De plus, au cas où l'afflux d'immigrés serait malgré toutes ces mesures encore trop élevé au goût des autorités suisses, des mesures sont prises pour juguler, voire tarir, le flux :
Art. 20 Mesures de limitation
1 Le Conseil fédéral peut limiter le nombre d’autorisations de courte durée initiales et celui des autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33) octroyées en vue de l’exercice d’une activité lucrative. Il entend les cantons et les partenaires sociaux au préalable.
2 Il peut fixer un nombre maximum d’autorisations pour la Confédération et pour chaque canton.
3 L’office peut, dans les limites du contingent de la Confédération, octroyer lui-même des autorisations initiales de courte durée ou de séjour ou relever le contingent d’un canton. Il tient compte des besoins du canton et des intérêts économiques du pays.
Cela ressemble furieusement à une politique de quotas, dont la mise en place a été repoussée de justesse en France pour laisser place à l'immigration "choisie".

De plus, un ordre de priorité est fixé pour limiter l'accès des étrangers qui le voudraient encore :
Art. 21 Ordre de priorité
1 Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un Etat avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé.
2 Sont considérés comme travailleurs en Suisse:
a. les Suisses;
b. les titulaires d’une autorisation d’établissement;
c. les titulaires d’une autorisation de séjour qui ont le droit d’exercer une activité lucrative.
Pour entrer en Suisse ,il faut donc travailler, mais de plus, il ne faut pas prendre la place d'un Suisse. Là, c'est la fameuse préférence nationale chère à l'extrême-droite française.

On notera tout de même que l'étranger qui parvient à ne pas se faire refouler à l'entrée pourra bénéficier des conditions de travail décentes et d'un salaire approprié, mais ne pourra pas être payé plus cher qu'un autochtone :
Art. 22 Conditions de rémunération et de travail
Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux
conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la
branche.
De même, les qualifications professionnelles mises en avant sont les suivantes :
Art. 23 Qualifications personnelles
1 Seuls les cadres, les spécialistes ou autres travailleurs qualifiés peuvent obtenir une autorisation de courte durée ou de séjour.
2 En cas d’octroi d’une autorisation de séjour, la qualification professionnelle de l’étranger, sa capacité d’adaptation professionnelle et sociale, ses connaissances linguistiques et son âge doivent en outre laisser supposer qu’il s’intégrera durablement à l’environnement professionnel et social.
3 Peuvent être admis, en dérogation aux al. 1 et 2:
a. les investisseurs et les chefs d’entreprise qui créeront ou qui maintiendront des emplois;
b. les personnalités reconnues des domaines scientifique, culturel ou sportif;
c. les personnes possédant des connaissances ou des capacités professionnelles particulières, si leur admission répond de manière avérée à un besoin;
d. les cadres transférés par des entreprises actives au plan international;
e. les personnes actives dans le cadre de relations d’affaires internationales de grande portée économique et dont l’activité est indispensable en Suisse.
Pour les autres, pas la peine de frapper aux murailles. On notera d'ailleurs l'exception accordée aux sportifs, qui n'est pas sans rappeler l'accord signé récemment par le ministre de l'intérieur français avec le Sénégal, qui protège les sportifs. Curieux comme les pays riches et blancs aiment bien les sportifs noirs - pardon, les sportifs étrangers.

Cet article 23 met donc en oeuvre une politique d'immigration extrêmement "choisie", qui n'est pas sans rappeler la politique défendue par notre futur président de la République (en tous cas, aux dires des sondages...)

A noter que l'autorisation de séjour n'est valable que pour le canton qui la donne. C'est tout le charme de notre voisin fédéral. A noter que le fontionnement de la France étant constitutionnellement décentralisé depuis 2003, de telles dérives sont à craindre si on confie le pouvoir d'accueil aux préfectures. (On me dit que c'est déjà le cas ? Mince alors !)
Art. 36 Lieu de résidence
Le titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement peut
choisir librement son lieu de résidence sur le territoire du canton qui a octroyé
l’autorisation.

Art. 37 Nouvelle résidence dans un autre canton
1 Si le titulaire d’une autorisation de courte durée ou de séjour veut déplacer son lieu de résidence dans un autre canton, il doit solliciter au préalable une autorisation de ce dernier.
2 Le titulaire d’une autorisation de séjour a droit au changement de canton s’il n’est pas au chômage et qu’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62.
3 Le titulaire d’une autorisation d’établissement a droit au changement de canton s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 63.
4 Un séjour temporaire dans un autre canton ne nécessite pas d’autorisation.
Les articles suivants sont plus tournés sur les implications administratives des principes retenus dans les premiers articles et sont donc un peu moins intéressants, mais ils traitent tout de même du regroupement familial, de la cessation de l'autorisation de séjour, et des peines encourues...

Un bien beau texte, humaniste et accueillant, comme on aimerait qu'il soit mis en oeuvre dans la belle patrie des Droits de l'Homme, de l'autre côté du Jura.



22.9.06

Une équipe d'Europe d'athlétisme aux Jeux de Beijing

Je constate que mon idée de représentation européenne dans les compétitions internationales progresse.

J'ai eu la bonne surprise de découvrir que la coupe du monde d'athlétisme, qui s'est déroulée à Athènes la semaine passée, mettait aux prises des équipes continentales. Pour faire bonne mesure et compléter le tableau, les Etats-Unis d'Amérique et les nations classées 1ère et 2ème du championnat d'Europe des Nations sont venus épauler le pays organisateur, la Grèce.

Ainsi, on pouvait voir des assemblages hétéroclites d'athlètes défendre la même bannière, celle d'un continent. Les équipes participantes [lien en anglais] étaient les suivantes :
Hommes : Afrique, Amériques, Asie, Océanie, Europe, Etats-Unis d'Amérique, France, Russie et Grèce.

Femmes : Afrique, Amériques, Asie, Océanie, Europe, Etats-Unis d'Amérique, Russie, Pologne et Grèce.
Evidemment, le principe de la représentation par continent conduit de fait à représenter l'Europe, en tant que continent, et non en tant que super-nation. Mais le chemin à faire pour rassembler sous la bannière pentadécastellaire est finalement assez court, une fois que le principe est retenu pour ce genre de compétition.

Alors, aurons-nous une équipe d'Europe d'athlétisme aux Jeux de Beijing ? Je n'y crois pas, mais je l'espère.

Rétrolien : le pompier pyromane

C'est chez Eolas, et c'est bien.

Evidemment, c'est encore l'occasion de faire de la publicité gratuite à l'homme-politique-français-qu'on-ne-nomme-plus-tellement-il-est-cuté-dabs-la-presse, mais comme c'est pour - une fois de plus - le remettre à sa place, je ne me prive pas de vous en faire part :
Je souhaite simplement souligner en quoi les affirmations du préfet de Bobigny, que je salue courtoisement puisque c'est mon adversaire le plus fréquent ces temps-ci après le procureur de la république, révèlent son ignorance de la loi, et en quoi les propos du ministre, au-delà de la simple tartufferie politique qui ne mériterait pas mon ire, relèvent de l'inconscience pure et simple.

[...]

Alors, en novembre 2005, un seul mineur a été écroué, et 132 sur l'année. Mais dans quels cas peut-on écrouer un mineur déféré ? Vous êtes vous posé la question, avant de mettre ça sur le compte du dogmatisme du président du TPE ?

C'est pourtant pas bien compliqué, c'est dans une ordonnance du 2 février 1945, signée par un dangereux gauchiste dogmatique.

Pour un mineur de 13 ans, ce n'est pas possible.
Pour un mineur de 16 ans, ce n'est que s'il a commis un crime.
S'il a entre 16 et 18 ans, c'est possible, mais seulement au titre de la détention provisoire après mise en examen. Mais on ne recourt pas à l'instruction pour des feux de poubelle ou de voiture.

Bref, même si le président du TPE de Bobigny était le dernier des fachos, il lui aurait été bien impossible de mettre en prison les mineurs incendiaires qu'on lui amenait.

[...]

Le préfet de Seine Saint Denis a totalement raison sur un point dans sa note : le premier facteur de délinquance chez les jeunes, surtout les mineurs, c'est le sentiment d'impunité. Pas l'impunité réelle : il n'y a qu'à voir comme ils sont tout surpris quand ils sont amenés menottés dans le service du juge des enfants. Pas fiers, ça non. Le sentiment d'impunité, la conviction, même erronée, que s'ils sortent pour « foutre la merde », il ne seront pas punis.

Et voilà ce que le ministre vient de leur offrir sur un plateau : la conviction que l'impunité, dans leur département, est un fait avéré, de la bouche même du chef ennemi.

Et Eolas de conclure :
Nicolas Sarkozy, sur ce coup, se conduit en pompier pyromane. C'est de l'inconscience ; si c'est calculé, c'est criminel ; et pour un candidat aux plus hautes fonction, pire qu'un crime, c'est une faute.

8.9.06

Rétrolien : la stratégie du poisson rouge

C'est ICI et c'est bien.

En clair : si les entreprises peuvent embaucher en CDD pour n'importe quelle tâche, c'est bien, sinon, c'est mal. Si les CDD durent plus de 5 ans, c'est bien, sinon c'est mal. Si l'écart entre salaire minimum et productivité moyenne du travail est grand, c'est bien, sinon c'est mal... Inutile de vous dire qu'à ce petit jeu, la France est mal classée : 56 sur 175.

En oubliant que flexiblité des entreprises et flexibilité du travail ne riment pas nécessairement.

Et plus loin :

Et bien sûr, vous l'aurez deviné, si les impôts sont élevés, c'est mal, s'ils sont faibles, c'est bien. En oubliant que les impôts, il paraît que ca alimente le budget des gouvernements et qu'ils donnent lieu, ensuite, à des dépenses publiques, dépenses qui, paraît-il (c'est peut-être une rumeur), permettent de renforcer la compétitivité des entreprises (dépenses d'éducation, de formation, de recherche, d'infrastructure, etc...).

Oui, mais ca, le rapport n'en parle pas.
Et encore plus loin :
En dépit des critiques dont il fait l'objet, le rapport de l'IFC est devenu une référence pour de nombreux petits pays, qui l'érigent en objectif économique. En effet, le rapport a des conséquences concrètes. Pour l'obtention de prêts à taux zéro de l'International Development Association (IDA), le bras financier de la Banque mondiale, les pays les plus pauvres doivent prouver qu'ils ont fait des efforts significatifs dans le domaine de la facilitation des affaires.
A lire !

Connivences entre pouvoir et médias

Plusieurs fois depuis cette dernière semaine, François Bayrou, président de l'UDF et candidat UDF à la présidentielle, s'est ému des connivences existants entre les dirigeants des grands groupes de presse français et l'un des candidats, par ailleurs ministre de la République.

Si on peut ne pas suivre M. Bayrou sur sa thèse de la conspiration des médias visant à imposer le duel Sarko-Royal comme une évidence, et ainsi escamoter tout débat autre que celui de savoir lequel de ces deux là choisir, il est très intéressant que les relations entre médias et pouvoir soient ainsi mises en avant dans le débat présidentiel.

Le fait que la presse française soit concentrée dans les mains de quelques-uns (Lagardère, Dassaut, Rotschild, Bouygues, Wendel, Pinaut...), constituant les principales fortunes françaises, pourrait laisser penser que la liberté des médias est assez limitée. D'une part, par le respect que doivent les journalistes à leur patron, d'autre part, par le fait que la presse vit presque exclusivement de recettes publicitaires, provenant pour beaucoup de ceux qui possèdent les titres de presse. L'expression libre est donc possiblement très restreinte.

Mais par ailleurs, ces personnes sont, à un degré ou un autre, des personnalités proches des milieux politiques, particulièrement de l'UMP. Le candidat de ce parti ne cache d'ailleurs pas ses amitiés au sein de ces familles de riches entrepreneurs.

La question soulevée par M. Bayrou pourrait donc avoir un sens.

Elle est d'ailleurs à rapprocher de ce qu'Etienne Chouard écrivait au moment du non-débat sur le Traité instituant une Constitution pour l'Europe (caractères mis en gras par mes soins) :

Il faut considérer ces outils médiatiques comme des institutions qui nous protègent. En effet, sans eux, nous sommes divisés, donc affaiblis.

Laisser acheter et vendre les médias comme des marchandises, c'est les exposer à l'accumulation, à la concentration et, progressivement, à la confiscation par les plus riches.

La "liberté" actuelle des journalistes qui sont salariés d'entreprises privées, dont l'intérêt privé passe évidemment avant l'intérêt général, est une mystification, une liberté de façade évidemment entravée par le lien de subordination.

Ce n'est sûrement pas au marché d'organiser ces médias politiquement formateurs, c'est à l'État de le faire et à lui seul.

[...]

En fait, on devrait probablement interdire à toute entreprise de contrôler un grand média d’information : les citoyens devraient mettre leurs médias hors marché.

De plus, l’indépendance financière de tous les médias par rapport à la publicité devrait être garantie par l’État : nous, citoyens conscients de l’importance de l’enjeu au niveau de l’information, au moins aussi stratégique que la santé, devrions prendre en charge, avec nos impôts, les frais que les médias ne peuvent pas assumer avec le prix de vente au numéro. Par rapport au budget de l’État, c’est une goutte d’eau, et par contre, l’enjeu est vital, pour la démocratie et surtout pour éviter la guerre.

Cette prise en charge permettrait d’interdire la publicité et de libérer ainsi les médias de la tenaille de l’audimat.

Par ailleurs, l'État devrait se porter garant du pluralisme et de l’ouverture des médias à tous les citoyens parce que personne d'autre ne peut le faire à sa place. La Constitution devrait imposer que soit réservée gratuitement aux associations de citoyens :
· soit une part de la grille de chaque média, (bonne formule),
· soit une part des espaces, fréquences hertziennes et canaux satellitaires…

Quelle belle idée pour la démocratie que d’ainsi garantir nous-mêmes que les idées pourront être largement diffusées sans barrage financier insurmontable. Ce n’est pas une utopie, ça se passe effectivement en ce moment au Venezuela, laboratoire démocratique passionnant.

Le droit d’expression est un des meilleurs moyens de lutter contre la violence, souvent issue de frustrations et d’isolement.
Cette façon de faire exister des médias citoyens permettrait sans doute d'éviter les suspicions évoquées par M. Bayrou.



6.9.06

Rions un peu avec le discours de Sarkozy devant les jeunes de l'UMP

"Encore lui ! ", me direz vous. Je répondrais qu'il est omniprésent dans la presse, et qu'il prête donc statistiquement plus à la critique que d'autres. Le fait d'en parler, même pour dire le mal qu'on en pense, contribue t'il à l'affichage du personnage ? Sans doute, mais au moins, ce n'est pas pour lui servir la soupe, comme la plupart des médias traditionnels.

Ainsi, dimanche dernier, notre ministre (et député, maire, président de conseil régional, président de parti) candidat aux présidentielles, a tenu un discours, qualifié de "grand" sur le site de l'UMP.

Ce discours, lu devant les jeunes de l'UMP, avait vocation à donner aux jeunes l'envie de vivre dans" la France d'après (c)".

Dans le même discours, notre ministre candidat a également tenu un long plaidoyer écolo, qui ne manque pas de sel :

Il faut sauver la planète des conséquences d'une suractivité humaine. Chaque être raisonnable et responsable peut et doit partager ce constat. Car la Terre est menacée de mort lente par asphyxie, par épuisement des ressources, par disparition des espèces. Quand la moitié des forêts primitives ont déjà disparu de la surface du globe, quand les glaces du Groenland fondent, quand on prévoit que les émissions mondiales de gaz carbonique vont augmenter d’au moins
75 % dans les 25 ans à venir alors que la situation est déjà critique, vous sentez bien qu’on ne peut plus attendre. L’effet de serre, la pollution des océans, le pillage des ressources naturelles n’auront pas pour effets que le changement climatique, la désertification, l’appauvrissement de la biodiversité, la dégradation de la santé ou la mise en péril de la vie des plus fragiles comme ce fut le cas lors de la canicule il y a 3 ans. Les guerres de la faim et les guerres de l’eau qui menacent le monde à venir pourraient bien être les plus terribles que l’humanité ait connues parce que ce seront des guerres désespérées. [...]
Vous voulez sauver la planète et vous avez raison !
[...]
Je vous propose d’accomplir ensemble quatre révolutions.

La première, c’est que le libre-échange ne puisse pas s’affranchir de la responsabilité écologique.

Je propose que la France défende l’idée qu’à côté du droit international du commerce qui veille au respect du libre échange il doit exister avec la même force juridique un droit international de l’environnement, un droit international du travail, un droit international de la culture et de l’éducation ou encore de la santé, de sorte que la logique marchande ne soit pas la seule à prévaloir et que la loi de la concurrence et du profit ne soit pas la seule loi du monde.

La deuxième révolution que je vous propose, c’est de faire du développement durable le critère de toutes nos politiques publiques.
En changeant nos modes de décision, de production, de transport.
En mettant des objectifs environnementaux dans la politique de la commande publique.
En consacrant deux jours du service civique obligatoire à expliquer le développement durable à tous les jeunes.
En investissant massivement dans la recherche et le développement des énergies renouvelables en des énergies nouvelles.
En investissant dans le nucléaire qui ne produit pas de gaz à effet de serre.

La troisième révolution que je vous propose, c’est de réformer en profondeur notre fiscalité.
Puisque la délocalisation de l’emploi oblige à chercher des alternatives à la taxation du travail, je propose que l’on se décide enfin à substituer en partie la taxation des pollutions, en particulier de l’énergie à effet de serre, à la taxation du travail.

Je vous propose enfin, et c’est la quatrième révolution, qu’en matière d’environnement la responsabilité des personnes morales ne soit plus limitée mais illimitée de sorte que chaque maison-mère soit pleinement engagée par le comportement écologique de ses filiales.

Cette profession de foi serait très convaincante, si :
  1. celui qui parle n'était pas au gouvernement depuis des années, et n'était pas le chef du parti majoritaire à l'Assemblée et au Sénat, donc en première ligne pour proposer des projets de loi d'une part (même si l'écologie n'est pas à proprement parler du ressort de l'Intérieur, mais pourquoi pas quand il était ministre de l'Economie ?) et des propositions de loi d'autre part,
  2. celui qui parle se rednait compte que la Charte de l'Environnement est constitutionnelle depuis 2004, et qu'elle indique ceci :

Article 1er. - Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Article 2. - Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

Article 3. - Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

Article 4. - Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

Article 5. - Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

Article 6. - Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.

Article 7. - Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

Article 8. - L'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

Article 9. - La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement.

Article 10. - La présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France.

C'est donc ni plus ni moins que l'application de la Constitution, avec 3 ans de retard, que nous promet ce valeureux candidat, pourtant aux manettes depuis cinq ans ! On l'applaudit bien fort !

3.9.06

Rétrolien : Nicolas Sarkozy au Medef

Jeudi dernier, invité par le Medef, le chef de l'UMP en campagne a déclaré :
la France ne s'est "pas encore remise du choix historiquement stupide d'expliquer aux gens qu'en travaillant moins, on pourrait gagner davantage".
Olivier Bouba-Olga décortique cette sentence sarkozienne sous l'angle économique.


C'est ICI, et c'est bien. Ou l'on apprend que les revenus augmentent alors que le temps de travail diminue, et ce partout dans le monde. Mais après tout, notre ambitieux ministre a une formation d'avocat, pas d'économiste. D'ailleurs, il n'a été ministre de l'économie que pendant 9 mois...

Extrait final :
On peut gagner plus en travaillant moins si la productivité du travail augmente : les gains de productivité, ca veut dire que la croissance des richesses produites est supérieure à la croissance des ressources mobilisées. On peut en profiter soit pour maintenir constant les ressources mobilisées (notamment en travail = constance des heures travaillées) et accroître les revenus des salariés ; soit pour réduire les ressources mobilisées (diminution du temps de travail par exemple).

Après on peut débattre sur les choix les plus pertinents pour l'avenir : faut-il continuer sur cette tendance? Quand? à quel rythme? N'a-t-on pas été trop loin et/ou trop vite?
Remarque personnelle :

On pourrait aussi faire remarquer au ministre que les 35 heures, c'était surtout travailler moins individuellement pour que des postes se libèrent, à salaire constant. Ce qui signifie en langage que le Président de l'UMP comprend : travailler moins pour gagner autant et que d'autres trouvent du travail.

L'erreur fondamentale des 35 heures a probablement été de croire que la productivité resterait constante, et que par conséquent il faudrait un même nombre d'hommes.heures pour réaliser le même travail. On a plutôt observé que la productivité a fait un bond plusieurs années de suite, alors que les salaires restaient bloqués pendant des années, conséquence des négociations par branche.

L'autre erreur, dont j'ai déjà parlé ici, a été de laisser des régimes distincts se créer entre cadres er non-cadres, entre TPE/PME et grosses boîtes, sur le régime des RTT. C'est ce que j'écrivais :
De plus, sur le fond, l'état des lieux réalisé par Mme Royal est assez bien vu. Les cadres et les grandes entreprises ont su profiter de la réduction du temps de travail, laissée à la négociation par Mme Aubry. Les syndicats des grandes boîtes ont pu obtenir jusqu'à 23 jours de RTT, quand les petites boîtes sont seulement passées à 35 heures par semaine, en continuant à travailler le temps nécessaire à la réalisation des commandes en cours...

1.9.06

Lettre à RDDV

M. le Ministre,

Lors du débat sur la loi DADVSI, vous vous êtes exprimés contre la "licence globale", optionnelle ou non, proposée par la gauche et défendue également par Mme Boutin.

Vous avez déclaré le 21 décembre dernier, lors dela première séance de l'Assemblée :

"A ceux qui prétendent faire de la licence légale la panacée, je réponds qu'elle ne profite ni au consommateur ni au créateur, car elle va fortement augmenter le prix de l'abonnement, alors que nous voulons que le plus grand nombre de Français aient accès aux nouvelles technologies de l'information. Elle nécessite des mesures de surveillance de tous les internautes - qui sont évidemment passées sous silence par les tenants de la licence légale - et menace l'existence des créateurs français."

Le texte que vous avez signé ne porte donc pas trace de ce dispositif.

Je souhaite donc porter à votre connaissance les informations suivantes :

1) AOL Times Warner, major connue pour sa position contre la licence globale, proposera bientôt un service qui permettra aux usagers de télécharger autant de musique qu’ils le souhaitent pour une somme forfaitaire mensuelle.

Aolmusicnow.com, le site de téléchargement, annonce 2,5 millions de titres disponibles. Le fonds est alimenté par le catalogue de Sony BMG Music (notamment pour les vidéos clips) et d’autres majors. Concrètement, AOL Music ponctionnera chaque mois 9,95 dollars pour un nombre illimité de téléchargement ou d’écoute en streaming. Pour un peu plus, soit 14,95 dollars, l’audionaute pourra au surplus transférer les titres vers son lecteur MP3 compatible.

2) Universal Music, autre major bien connue pour sa position anti licence globale, vient de signer un accord de distribution avec SpiralFrog, une société basée à New York. Celle-ci va ouvrir un nouveau service de téléchargement dont le business plan sur une distribution gratuite de musique en échange de publicité.

Je souhaite donc connaître votre avis sur le fait que les majors, qui s'étaient invitées au sein de l'hémicycle lors des débats parlementaires, puissent bénéficier d'une licence globale, alors que la loi française a récemment rejeté catégoriquement le concept.

J'aimerais également savoir dans quelle mesure le ministère de la Culture va agir pour s'ssurer la garantie de la juste répartition des auteurs sur la base d'un tel forfait.

Dans l'attente de votre réponse,

YR