31.7.06

Interopérabilité : je ne comprends pas tout au film

Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision concernant la loi DADVSI. Rappelons que cette loi est destiné à transcrire en droit français la directive européenne 2001/29/CE, est qu'elle est relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins dans la société de l'information.

De la décision 2006-540-DC, il ressort globalement que le Conseil Constitutionnel a déclaré la constitutionnalité de la quasi-totalité du texte proposé et même des innovations procédurales dont a su faire preuve le gouvernement (le fameux épisode du "retrait du retrait").

Seuls quelques points ont été retenus contre le texte proposés, mais ce ne sont pas les moindres. Je vous renvoie à l'analyse d'Eolas pour des informations juridiques claires sur ce sujet.

Le point qui me surprend le plus dans cette histoire concerne la notion d'interopérabilité. En effet, l'interopérabilité n'ayant pas été définie dans le texte proposé à la sagesse du Conseil Constitutionnel, celui-ci a tout simplement rejeté en bloc toute référence à cette notion !
59. Considérant que les requérants reprochent au législateur d'avoir méconnu le principe de légalité des délits et des peines en ne définissant pas la notion d'" interopérabilité ", dont il a pourtant fait une cause d'exonération de responsabilité pénale ;
Pourtant, cette notion d'interopérabilité est bien présente dans la directive européenne à transcrire, et préconise à son endroit ceci :
(54) Des progrès importants ont été accomplis dans le domaine de la normalisation internationale des systèmes techniques d'identification des oeuvres et objets protégés sous forme numérique. Dans le cadre d'un environnement où les réseaux occupent une place de plus en plus grande, les différences existant entre les mesures techniques pourraient aboutir, au sein de la Communauté, à une incompatibilité des systèmes. La compatibilité et l'intéropérabilité des différents systèmes doivent être encouragées. Il serait très souhaitable que soit encouragée la mise au point de systèmes universels.
D'autre part, l'interopérabilité est indirectement citée par la référence dans les considérants à la directive antérieure 91/250, qui explicite ceci :
considérant que la Communauté s'efforce de promouvoir la normalisation internationale; considérant qu'un programme d'ordinateur est appelé à communiquer et à opérer avec d'autres éléments d'un système informatique et avec des utilisateurs; que, à cet effet, un lien logique et, le cas échéant, physique d'interconnexion et d'interaction est nécessaire dans le but de permettre le plein fonctionnement de tous les éléments du logiciel et du matériel avec d'autres logiciels et matériels ainsi qu'avec les utilisateurs;

considérant que cette interconnexion et interaction fonctionnelle sont communément appelées « interopérabilité »; que cette interopérabilité peut être définie comme étant la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées;
La définition de la notion d'interopérabilité est donc clairement établie dans les textes européens. Comment donc est-il possible que le Conseil Constitutionnel ne le sache pas ? Car si le texte adopté par la commission mixte paritaire ne fait pas explicitement référence à la directive 2001/29, l'exposé des motifs du projet de loi est lui catégorique : il s'agit de transcrire cette directive.

C'est donc le législateur qui s'est trompé, en s'abstenant de reprendre la définition de l'interopérabilité, telle qu'elle apparaît dans la la directive 91/250 ? Ou bien le Conseil Constitutionnel est-il resté trop près du texte, oubliant du coup d'où il est issu ?

Rétrolien : l'apprentissage de l'imbécilité dans la culture de l'argent

Je découvre chez e-torpedo un texte de Luciana Bohne, certes daté de 2003, mais qui met en avant une thèse assez audacieuse : si le niveau intellectuel des américains est si pauvre dans certaines universités de seconde zone, ce serait par volonté délibérée du "système" américain.

Entre témoignage et théorie du complot, de quoi faire douter un peu de la puissance américaine tant vantée dans nos contrées !

Extraits choisis (les morceaux en gras sont dans le texte sur e-torpedo) :
La question que je me pose, compte tenu de mon expérience d’enseignante, est de savoir pourquoi ces jeunes gens ont été éduqués dans une ignorance aussi crasse.

Personne dans la classe ne sait où est le Chili, je dois donc photocopier des informations générales dans des guides sur les pays du monde. Personne ne sait ce que sont le socialisme ou le fascisme, alors je dois prendre le temps d’écrire des définitions assimilables.

Personne ne connaît "le mythe de la caverne" de Platon, et je le mets à leur disposition parce qu’il est impossible de comprendre le thème du roman sans une connaissance de base de ce texte - qui faisait partie des lectures obligatoires quelques générations plus tôt. Et personne dans la classe n’a jamais entendu parler du 11 septembre 1973, le coup d’Etat soutenu par la CIA qui a mis un terme à la démocratie adulte du Chili.
Dur à croire ? Il serait intéressant de comparer avec la même classe d'âge en France et de faire étudier des évènements qui est en termes d'histoire politique intérieure seraient à peu près comparables. Quel serait le résultat ? Et que faudrait-il en conclure ? Que la France maintient son peuple dans l'ignorance ? Ou que l'accès à l'Université est possible aux jeunes, même quand ils n'ont aucun bagage culturel ?

27.7.06

Landis contrôlé positif : quelle surprise !

L'équipe Phonak a indiqué jeudi sur son site internet que l'Union cycliste internationale (UCI) l'avait informée mercredi d'un «taux inhabituel de testostérone/épitestostérone lors d'un contrôle sur Floyd Landis après la 17e étape du Tour de France».

Qu'en termes choisis ces choses là sont annoncées ! En résumé, Landis est contrôlé positif. Il était dopé le jour de la prise de cet échantillon.

Et ce jour là, c'était LA fameuse étape, celle où Landis allait - je cite letour.fr -"durcir le rythme dès les premières pentes." Il allait en fait réaliser 130 km d'échappée et remporter cette étape St Jean de Maurienne - Morzine, comportant pas moins de 5 cols (un de 3ème catégorie, deux de 2ème catégorie, 1 de 1ère catégorie et 1 hors-catégorie). Landis allait passer en 2ème position le 2ème col puis en tête les trois cols suivants, pour s'imposer avec 5'42" (cinq minutes quarante-deux secondes) d'avance sur le 2ème, 7'03" sur le groupe échappé, 21' sur le 1er grupetto et 52' sur les derniers arrivés... Une balade, quoi !

Et tous de s'exclamer sur le courage et la force de ce coureur, qui le jour précédent était donné perdant ("Landis, c'est fini !", titra même L'Equipe), puisqu'il était resté scotché dans la montée de La Toussuire : "Landis, qui s’est effondré sur la dernière partie, arrive avec 10’04’’ de retard".

Il est bon également de rappeler le commentaire de Jean-François Bernard, ancien coureur et consultant pour l'Equipe, magazine appartenant aux organisateurs du Tour, qui s'exprimait à la fin du Tour :
Si vous deviez n'en retenir qu'un, quel serait le moment fort de ce Tour de France ?
L'étape de Morzine avec le numéro exceptionnel de Floyd Landis.
A qui fera t'on maintenant croire que personne n'a eu le moindre soupçon quant à la résurrection de Landis ?

Mais ce qui est le plus amusant, c'est que si la contre-expertise confirme les soupçons, Landis restera alors comme le vainqueur du Tour le plus gonflé de l'histoire. En effet, il semble que le vainqueur de chaque étape soit systématiquement contrôlé. Il est alors bon de se demander comment Landis pensait-il échapper à la détection de la modification de sa testostérone ? Trop sûr de lui ?

Enfin, pour terminer, alors qu'on nous présente le vélo comme un sport "propre", il serait peut-être temps de lutter contre la cause réelle du dopage : le professionnalisme et les enjeux financiers du sport-spectacle.

21.7.06

Le FN et le traitement du chômage

On trouve sur le site ActuChômage une entrevue avec M. Le Pen, éternel candidat du FN à l'élection présidentielle.

Je vous en livre ici quelques extraits :
Actuchomage : Concernant la lutte contre le chômage, quels arguments développera le Front National à l’occasion des élections présidentielles de 2007 ?

Jean-Marie Le Pen : Le Front national ne développera pas… C’est moi le candidat. Ce sera un programme relativement restreint. [...]

Le chômage en France est la conséquence de plusieurs facteurs. J’ai cité l’immigration : il est évident que quand les immigrés trouvent du travail, ils le prennent aux Français. Et comme nous n’avons pas suffisamment de travail à offrir à nos compatriotes… [...]

Il y a un autre élément que l’on a pas encore abordé, c’est la formation. [...] Notre ambition à nous, c’est d’arriver à un système de justice sociale où le travailleur est récompensé au prorata de l’utilité du travail fourni. La justice sociale consiste donc à réduire l’écart entre les rémunérations du travail manuel et les rémunérations du travail intellectuel. Hors, par une aberration, on a ouvert l’accès sans contrôle à l’enseignement supérieur, comme si c’était un droit, sans prendre en considération les emplois disponibles, présents et à venir. Et quand on se retrouve avec 5.000 étudiants en sociologie, il est évident que nous n’avons pas besoin d’autant de sociologues ! Nous manquons de cuisiniers ou de médecins. On en a pas assez ! Aujourd’hui, nous faisons appel à des médecins étrangers, traités dans des conditions assez injustes d’ailleurs, qui n’ont peut-être pas tous la qualification requise.
Quand il y avait des concours, le fils de gendarme ou le fils de marin pêcheur, que j’étais moi-même, était placé dans une compétition équitable pour l’emploi. Mais, quand tout le monde a le bac, quand tout le monde a une licence ou une maîtrise, eh bien, ce sont les relations professionnelles de papa ou de tonton qui fournissent l’emploi.

Actuchomage : On a évoqué les thèmes de l'immigration et de la formation générale, mais aujourd'hui c’est tout de même la pénurie d’emplois qui créée le chômage, non ?

Jean-Marie Le Pen : Considérez que nous avons des frontières ouvertes. Comme les frontières sont ouvertes, la rémunération du travail sera de plus en plus faible, car il y aura toujours un Polonais, un Russe, un Tchétchène ou un Chinois qui fera pour le quart du SMIC ce que vous faites actuellement. On ne pourra pas maintenir le SMIC ! Ce ne sera plus un salaire minimum, mais un salaire maximum ! Il faut donc rétablir nos frontières et établir des droits de douane modulables. [...] Les frontières, c’est comme des fenêtres, en fonction de la température ambiante, elles sont ouvertes, entrouvertes ou fermées. Et bien là, nous avons comme proposition d’imposer des droits de douane modulables et remboursables. Prenons un exemple : les Chinois nous exportent pour un milliard d’euros de produits (enfin, on leur achète pour un milliard d’euros de produits). Nous les taxons à 25% et nous leur ouvrons un crédit du même montant pour acheter des produits français. On ne leur confisque pas leur argent, on leur dit tout simplement : "Vous pouvez le récupérer si vous achetez chez nous". [...]
Le constat de M. Le Pen face au chômage semble donc le suivant :
  1. Le chômage serait dû pour partie au nombre d'immigrés en France, qui "prennent le travail des français",
  2. La formation searit déficiente car elle ne formerait pas les jeunes aux métiers qui recrutent,
  3. Le faible niveau d'emploi disponible en France serait dû principalement à la mondialisation et à l'ouverture des frontières.
On trouve cependant d'autres arguments sur le site du FN :
PROTÉGER LE MARCHÉ DU TRAVAIL

1. Instaurer la préférence nationale à l’emploi
2. Créer le revenu parental d’éducation
3. Aménager le temps de travail par branche et par entreprise, abroger la loi Aubry

DYNAMISER LES SECTEURS CRÉATEURS D’EMPLOIS

4. Privilégier les PME et les TPE pour la création d’emplois
5. Promouvoir les artisans et les commerçants
6. Lutter contre la contrefaçon internationale

RENDRE L’INITIATIVE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE AUX ACTIVITÉS ET AUX ENTREPRISES

7. Confier la formation professionnelle aux métiers et aux professions
8. Instituer et étendre le “contrat professionnel d’activité”
9. Rapprocher les statuts du salarié et du travailleur indépendant
10. Créer des bureaux d’emploi par branches d’activités
11. Redéfinir et renforcer le rôle du Conseil économique et social
Ainsi, il est curieux que M. Le Pen n'explique pas à ActuChômage que ses propositions, loin d'être "restreintes" visent à libérer des postes de travail plus qu'à créer de nouveaux emplois. C'est ce que le FN appelle "protéger le marché du travail". Pour parvenir à ce but, le FN souhaite réserver les emplois aux nationaux (donc libérer les emplois actuellement occupés par les étrangers) et libérer les postes de travail occupés par les femmes, qu'il conviendra de renvoyer dans leur foyer avec un revenu d'appoint (revenu parental d'éducation). Enfin, il est à noter que le FN souhaite revenir sur les 35 heures, pour un système plus libéral de fixation des horaires légaux par les branches elles-mêmes, selon leurs besoins.

Ainsi, le programme du FN en matière de lutte contre le chômage est avant tout un programme désignant en véritables boucs émissaires les étrangers, les femmes et les administrations prétendûment voraces. Se trouvera t'il beaucoup de chômeurs pour accepter de retrouver un emploi, dans le cas où un emploi dans leur domaine de compétences serait ainsi rendu disponible, en sachant que ce serait au détriment de quelqu'un d'autre, sans doute étranger et plus sûrement encore de sexe féminin ?

Machinavotés : mode d'emploi écrit en français

[EDITION DU 27 JUILLET 2006]
On trouvera ici un article très intéressant sur le sujet.

D'où il ressort qu'il n'est pas possible aux citoyens d'avoir accès aux rapports de l'APAVE concernant les machinavoté :
Puis le Ministère de l’Intérieur a demandé conseil à la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs). Celle-ci a rendu sa décision le 26 janvier 2006, refusant la communication au motif que cela violerait le “secret industriel et commercial”et “pourrait compromettre le bon déroulement des élections”.
Il est ahurissant de constater que la garantie de bon fonctionnement des machinavotés est entre les mains de leurs constructeurs, sans que les citoyens qui les utiliseront et seront les premiers concernés par les résultats qu'elles donneront, ne puissent savoir comment elles fonctionnent et comment elles sont certifiées conformes !

[/EDITION]

Suite au message précédent, voici quelques compléments législatifs., provenant du Code Electoral, et concernant les machinavotés. Mes commentaires en vert et entre crochets.

Article L57-1

(Décret nº 64-1086 du 27 octobre 1964 Journal Officiel du 28 octobre 1964)

(Loi nº 88-1262 du 30 décembre 1988 art. 3, 4 et 5 Journal Officiel du 4 janvier 1989)

(Loi nº 2004-1343 du 9 décembre 2004 art. 14 1º Journal Officiel du 10 décembre 2004)

(Loi nº 2005-102 du 11 février 2005 art. 72 Journal Officiel du 12 février 2005)

Des machines à voter peuvent [et non pas doivent] être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée dans chaque département par le représentant de l'Etat. [Il n'est pas précisé que les machinavotés doivent remplacer le vote par enveloppe]
Les machines à voter doivent être d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'Intérieur et satisfaire aux conditions suivantes :
- comporter un dispositif qui soustrait l'électeur aux regards pendant le vote [c'est bien la moindre des choses pour un vote à bulletins secrets, seul vote totalement respectueux de la volonté intime du citoyen, n'en déplaisent aux étudiants bloqueurs de facs adeptes du vote à main levée...];
- permettre aux électeurs handicapés de voter de façon autonome, quel que soit leur handicap ;
- permettre plusieurs élections de type différent le même jour à compter du 1er janvier 1991 ;
- permettre l'enregistrement d'un vote blanc [ceci n'est pas anodin : le vote blanc est l'expression d'une opinion];
- ne pas permettre l'enregistrement de plus d'un seul suffrage par électeur et par scrutin ;
- totaliser le nombre des votants sur un compteur qui peut être lu pendant les opérations de vote ;
- totaliser les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, sur des compteurs qui ne peuvent être lus qu'après la clôture du scrutin ;
- ne pouvoir être utilisées qu'à l'aide de deux clefs différentes, de telle manière que, pendant la durée du scrutin, l'une reste entre les mains du président du bureau de vote et l'autre entre les mains de l'assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs [disposition semblable à celle utilisée pour les urnes, qui ne s'ouvrent qu'avec deux clefs pour éviter des fraudes. Cette disposition est inopérante pour une machinavoté, puisque le comptage est électronique.].

[On le voit, aucune disposition n'est requise pour obliger les concepteurs de machinavotés à porter à la connaissance de tous le fonctionnement du comptage et la façon de le contrôler. De même, aucune disposition n'indique que le recomptage doit être possible, ni n'impose une sauvegarde papier des votes... Comment alors être certain que le comptage effectué est conforme, si on ignore comment il est réalisé et si on ne peut le contrôler manuellement a posteriori ?]

Article L58

Dans chaque salle de scrutin les candidats ou les mandataires de chaque liste peuvent faire déposer des bulletins de vote sur une table préparée à cet effet par les soins du maire.
Cet article n'est pas applicable dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter. [l'objectif étant de diminuer le coût des élections, cette disposition est logique, mais laisse penser que l'utilisation de bulletins est proscrite en cas de vote électronique... donc pas de possibilité de choix du mode opératoire pour le citoyen.]

Article L60

(Décret nº 64-1086 du 27 octobre 1964 Journal Officiel du 28 octobre 1964)

(Loi nº 88-1262 du 30 décembre 1988 art. 6 Journal Officiel du 4 janvier 1989)

Le vote a lieu sous enveloppe, obligatoirement d'une couleur différente de celle de la précédente consultation générale.
Le jour du vote, celles-ci sont mises à la disposition des électeurs dans la salle de vote.
Avant l'ouverture du scrutin, le bureau doit constater que le nombre des enveloppes correspond exactement à celui des électeurs inscrits.
Si, par suite d'un cas de force majeure, du délit prévu à l'article L. 113 ou pour toute autre cause, ces enveloppes réglementaires font défaut, le président du bureau de vote est tenu de les remplacer par d'autres d'un type uniforme, frappées du timbre de la mairie, et de procéder au scrutin conformément aux dispositions du présent code. Mention est faite de ce remplacement au procès-verbal et cinq des enveloppes dont il a été fait usage y sont annexées.

[cet article implique donc que le vote DOIT se faire sous enveloppe. Un oubli du législateur, trop pressé de permettre l'usage des machinavotés ?]

Article L62

A son entrée dans la salle du scrutin, l'électeur, après avoir fait constater son identité suivant les règles et usages établis ou après avoir fait la preuve de son droit de voter par la production d'une décision du juge du tribunal d'instance ordonnant son inscription ou d'un arrêt de la Cour de cassation annulant un jugement qui aurait prononcé sa radiation, prend, lui-même, une enveloppe. Sans quitter la salle du scrutin, il doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe; il fait ensuite constater au président qu'il n'est porteur que d'une seule enveloppe; le président le constate sans toucher l'enveloppe, que l'électeur introduit lui-même dans l'urne.
Dans chaque bureau de vote, il y a un isoloir par 300 électeurs inscrits ou par fraction.
Les isoloirs ne doivent pas être placés de façon à dissimuler au public les opérations électorales.
Dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, l'électeur fait constater son identité ou fait la preuve de son droit de voter dans les conditions prévues à l'alinéa 1 et fait enregistrer son suffrage par la machine à voter. [là encore, la formulation de cet alinea implique que là où il y a machinavoté, il n'y a pas d'autre moyen de vote...]

Article L63

(Décret nº 64-1086 du 27 octobre 1964 Journal Officiel du 28 octobre 1964)

(Loi nº 88-1262 du 30 décembre 1988 art. 8 Journal Officiel du 4 janvier 1989 en vigueur le 1er janvier 1991)

L'urne électorale est transparente. Cette urne n'ayant qu'une ouverture destinée à laisser passer l'enveloppe contenant le bulletin de vote doit, avant le commencement du scrutin, avoir été fermée à deux serrures dissemblables, dont les clefs restent, l'une entre les mains du président, l'autre entre les mains d'un assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs.
Si, au moment de la clôture du scrutin, le président n'a pas les deux clefs à sa disposition, il prend toutes les mesures nécessaires pour procéder immédiatement à l'ouverture de l'urne.
Dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, le bureau de vote s'assure publiquement, avant le commencement du scrutin, que la machine fonctionne normalement et que tous les compteurs sont à la graduation zéro.
[Cà y est, le législateur me fâche ! En quoi bon sang le fait que les compteurs soient à 0 au début du scrutin constitue-t'il une garantie suffisante que les totaux affichés en fin de scrutin seront conformes à l'expression des citoyens ? On dirait que le législateur méconnaît complètement le fonctionnement possible d'un logiciel ou d'une carte électronique ! Il est possible de fausser un résultat final extrêmement facilement, sans que la condition initiale de nullité du total soit en rien suffisante ! Une mémoire contenant le résultat final à afficher, indépendamment des boutons poussés toute la journée, un tirage aléatoire visant à favoriser une liste ou un candidat, un biais systématique pas trop voyant, etc. Le processus de qualification et de validation de bon fonctionnement d'un appareil électronique ou d'un logiciel demande des compétences plus poussées que la simple capacité à lire qu'un compteur affiche bien zéro ! Ou alors, il faut des machineries dont le fonctionnement soit validé par plusieurs techniciens indépendants et assermentés, qui soient capables de vérifier le fonctionnement intime et complet de la machine. Cela me semble particulièrement difficile sur des logiciels ou des cartes électroniques. Il faudrait alors une machine à fonctionnement mécanique, sans mémoire cachée, sans logiciel au fonctionnement secret, sans possibilité de doute... On en est loin avec ce texte indigent !

Bien entendu, je suis conscient que ce difficile travail de validation devrait être effectué quelquepart dans le processus d'agrément - peut-être au ministère de l'intérieur lors de la réception des machines ? Mais là encore, rien ne garantit que les machines finalement installées dans les bureaux de vote seront conformes à l'agrément du ministère, sauf à procéder systématiquement à un contrôle poussé des appareils, disposition qui n'est pas prévue dans ce texte.]

Article L64

(Décret nº 64-1086 du 27 octobre 1964 Journal Officiel du 28 octobre 1964)

(Loi nº 88-1262 du 30 décembre 1988 art. 9 Journal Officiel du 4 janvier 1989)

Tout électeur atteint d'infirmité certaine et le mettant dans l'impossibilité d'introduire son bulletin dans l'enveloppe et de glisser celle-ci dans l'urne ou de faire fonctionner la machine à voter est autorisé à se faire assister par un électeur de son choix.
Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même.

Article L65

(Décret nº 64-1086 du 27 octobre 1964 Journal Officiel du 28 octobre 1964)

(Loi nº 88-1262 du 30 décembre 1988 art. 10, 11 et 12 Journal Officiel du 4 janvier 1989)

Dès la clôture du scrutin, il est procédé au dénombrement des émargements. Ensuite, le dépouillement se déroule de la manière suivante : l'urne est ouverte et le nombre des enveloppes est vérifié. Si ce nombre est plus grand ou moindre que celui des émargements, il en est fait mention au procès-verbal. Le bureau désigne parmi les électeurs présents un certain nombre de scrutateurs sachant lire et écrire, lesquels se divisent par tables de quatre au moins. Si plusieurs candidats ou plusieurs listes sont en présence, il leur est permis de désigner respectivement les scrutateurs, lesquels doivent être répartis également autant que possible par chaque table de dépouillement. Le nombre de tables ne peut être supérieur au nombre d'isoloirs.
Les enveloppes contenant les bulletins sont regroupées par paquet de 100. Ces paquets sont introduits dans des enveloppes spécialement réservées à cet effet. Dès l'introduction d'un paquet de 100 bulletins, l'enveloppe est cachetée et y sont apposées les signatures du président du bureau de vote et d'au moins deux assesseurs représentant, sauf liste ou candidat unique, des listes ou des candidats différents.
A chaque table, l'un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet. Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat.
Dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, le président, à la fin des opérations de vote, rend visibles les compteurs totalisant les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, de manière à en permettre la lecture par les membres du bureau, les délégués des candidats et les électeurs présents. Le président donne lecture à haute voix des résultats qui sont aussitôt enregistrés par le secrétaire.
[Mon énervement s'intensifie, tel des frappes guerrières rapportées dans les journaux d'informations successifs. En quoi cette façon de procéder permet-elle de certifier, sans aucun soupçon possible, que les afficheurs donnent bien des chiffres représentatifs de l'expression des citoyens ? On a mis des compteurs à zéro, on a poussé des boutons, on ouvre la boîte noire et on lit des chiffres. En quoi ce processus est-il garant de la volonté du peuple ? Qui pourra prouver que la machinavoté a bien compté ? Qui pourra prouver le contraire ? Personne ! C'est une absurdité totale, qu'il convient de corriger rapidement, avant que l'ensemble des villes et villages de plus de 3500 habitants ne s'équipe de ce moyen de vote.]


Article L69

Les frais de fourniture des enveloppes, ceux qu'entraîne l'aménagement spécial prévu à l'article L. 62, ainsi que les dépenses résultant de l'acquisition, de la location et de l'entretien des machines à voter sont à la charge de l'État.
[On comprend ici quel est le seul mobile avoué de l'opération : gagner quelques euros de frais de vote... On met donc l'expression démocratique des citoyens aux mains de fabricants de gadgets électroniques pour quelques sous. C'est pathétique... et c'est dangereux pour notre démocratie, si aucun garde-fou sérieux n'est mis en place pour fiabiliser le vote par machine et le rendre aussi peu soupçonnable que le vote par enveloppe.]

19.7.06

Machine à voter : machine à sous ou machination ?

J'apprends ici que les brestois ont utilisé dès 2004 des machines à voter.

L'argument massue, et le seul d'ailleurs, avancé par les promoteurs de cette "modernisation" (sous-entendu, progrès, donc bon pour tout le monde...) est le suivant :
ce système qui supprime le bulletin de vote « papier » est plus économique
Eh oui ! Ce n'est pas parce que la machinavoté permettrait une expression démocratique facilitée, ou bien parce que la dite machinavoté fiabiliserait les décomptes, ou bien parce que les bulletins nuls se verraient de fait disparaître au profit de votes exprimés que ce type de machine est imposé. C'est pour des basses raisons économiques.

Economie de papier, d'une part, puisqu'il n'y a plus de bulletins à imprimer. Economie de temps, puisque le vote et le comptage sont plus rapides. Economie de quoi d'autre ? Difficile à dire... puisque le processus électoral repose sur des bénévoles, issus soit des partis politiques, soit de la société. Qui n'a jamais été sollicité pour participer au comptage des voix dans son bureau de vote ?

Est-ce donc seulement pour épargner quelques arbres et le coût d'impression des bulletins que ces machines, qui privent les citoyens de tout contrôle sur le processus de décompte, que ces machines devraient remplacer les bulletins papiers ? Triste augure...

Car le principal reproche fait aux machinavotés est celui-là : le processus de comptage n'est connu que des programmeurs de la machine. Impossible aux citoyens de connaître la méthode, et surtout de la contrôler. Les procédures de test préalable ne sont en rien une garantie de ce que le résultat final sera conforme à l'expression des citoyens. Le système de "boîte noire" que constitue toute machinavoté est inadmissible pour l'expression démocratique, puisque la fiabilité du processus de désignation des représentants échappe au seul contrôle valable : celui des citoyens eux-mêmes, seuls garants de la démocratie.

A mon sens, les possibilités de fraude sur une telle machine sont tellement élevées, en comparaison de l'utilisation d'une urne transparente dans une salle surveillée par des citoyens visuellement, que le jeu démocratique ne vaut certainement pas la chandelle payée aux fabricants de ces gadgets.

Si l'unique but de ce gadget est de supprimer les bulletins, alors il faut que ces machinavotés soient seulement des distributeurs de bulletins qui impriment dans l'isoloir le bulletin choisi, qui sera déposé dans une urne et compté. On pourrait également ajouter un comptage rapide par reconnaissance des caractères ou avec un code-barre spécifique, comme font les trieuses de billets de banque. Avec ces solutions simples et peu coûteuses, on répond aux objectifs défendus par les partisnas de ces machineavotés sans perdre le conntrôle sur les résultats du vote !

Passéiste ? Non. Seulement fondamentalement attaché au contrôle de la démocratie par ceux qu'elle concerne en premier lieu : les citoyens. Tant qu'il n'aura pas été prouvé qu'une machinavoté est totalement innoffensive et impossible à trafiquer, je resterai dubitatif et refuserai d'en utiliser une.

17.7.06

PROPOSITION DE LOI tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d'actes de terrorisme

Je découvre avec horreur et stupéfaction que des députés français ont eu l'idée de proposer une loi "tendant à rétablir la peine de mort opur les auteurs d'acte de terrorisme" !

Cette proposition (n°1521) est rédigée comme suit :

Article 1er

L'article 1er de la loi no 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la peine de mort demeure applicable aux auteurs d'actes de terrorisme. »

Article 2

La présente loi entrera en vigueur dès qu'aura pris effet la dénonciation du protocole no 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort.

Article 3

Après le premier alinéa de l'article 131-1 du code pénal est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1o La peine de mort ; »

Article 4

Après le premier alinéa de l'article 421-3 du code pénal, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1o Il est porté à la peine de mort ou à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l'infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle à perpétuité ; »

Article 5

Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application de la présente loi.

Il existe donc en France des personnes qui souhaitent le retour de la peine de mort, et il existe des députés pour défendre cette idée et proposer une loi demandant le retour de la peine capitale ! A ma connaissance, le seul parti préconisant ce rétablissement est le parti d'extrême-droite français...

Je vous livre donc les noms des signataires de cette proposition, afin qu'ils ne puissent se cacher derrière la méconnaissance du public pour renier leur prise de position :

MM. Richard DELL'AGNOLA, Olivier DASSAULT, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Roland CHASSAIN, Charles COVA, Jean-Claude DECAGNY, Bernard DEPIERRE, Jean-Michel FERRAND, Jean-Michel FOURGOUS, Franck GILARD, Bruno GILLES, Georges GINESTA, François GUILLAUME, Joël HART, Denis JACQUAT, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Jean-Christophe LAGARDE, Pierre LANG, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Jacques MASDEU-ARUS, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mmes Béatrice PAVY, Josette PONS, MM. Xavier DE ROUX, Francis SAINT-LÉGER, André SAMITIER, Frédéric SOULIER, Guy TEISSIER, Léon VACHET et Christian VANNESTE

Additions de signature :

M. Daniel Mach
M. Jérôme Rivière
M. Eric Raoult

On notera pour l'histoire que ces progressistes sont tous membres de l'UMP...

Comment peut-on en 2004 (la proposition date de 2004, après les attentats dans les trains à Madrid) se déclarer en faveur de la peine de mort, pourtant abolie en 1981 dans notre pays et décriée dans l'ensemble des pays développés, même aux Etats-Unis d'Amérique où elle fait pourtant encore beaucoup de morts ?

L'argumentaire de nos vaillants défenseurs de la peine capitale est en résumé le suivant :
  1. Le terrorisme se développe : de plus en plus d'actions terroristes dans de pklus en plus de pays ;
  2. Le terrorisme vise les valeurs fondamentales de la démocratie, en premier lieu la liberté ;
  3. Les démocraties n'ont pas les moyens de se défendre face à ces actes de "guerre" ;
  4. L'abolition de la peine de mort constitue une grande avancée pour le genre humain, il ne faut pas la remettre en cause ;
  5. Dans l'intérêt de l'Etat, la peine de mort doit être rétablie pour combattre le terrorisme, car en temps de "guerre", la défense des Etats doit primer sur toute autre considération.
On voit par là dans quelle mesure les Droits de l'Homme sont malléables et à géométrie variable dans l'esprit de citoyens se réclament d'eux et agissant dans l'intérêt de l'Etat.

Résumons : les Droits de l'Homme c'est bien, sauf quand l'Etat est en danger, auquel cas les Droits de l'Homme peuvent être bafoués... Si l'on ajoute à cela le fait que cette proposition a été faite quelques jours à peine après les explosions de Madrid, donc dans un climat de peur entretenu par des médias voyeurs, il ne reste plus grand chose pour défendre cette proposition pathétique ! Espérons que ces députés perdront rapidement leur charge et que d'autres, plus respectueux de l'esprit des Droits de l'Homme, les remplaceront.

12.7.06

Article 8

Les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les articles 575 et 575 A du CGI sont relatifs à la taxation des tabacs.

Que diable vient faire la taxation du tabac dans cette histoire de développement de l'actionnariat salarié ? Simple, la réponse se trouve dans la Constitution :
Art. 40. - Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.
Ainsi, pour ne pas contrevenir à la Constitution, nos législateurs ont recours à un artifice consistant à imputer les éventuelles diminutions de ressources publiques à la taxe sur les tabacs. Et le tour est ainsi joué, puisque la taxe n'est jamais créée... Il s'agit simplement d'être conforme à la Constitution, puisqu'il est difficile de légiférer à budget constant.


Villiers fait front

Libération le cite rapidement, mais heureusement le site du MPF nous le livre in extenso. Il aurait été dommage de ne pas profiter de ce grand moment d'humanisme que nous livre le vicomte pourfendeur.
Le président du conseil général de Vendée, a indiqué avoir "écrit au recteur d'académie pour lui demander de refuser l'inscription des enfants dont les parents ne peuvent pas présenter un titre de séjour à la rentrée prochaine".
Le candidat déclaré à l'élection présidentielle française est donc partisan de refuser de scolariser les enfants d'immigrés "en séjour irrégulier" (i.e. clandestins).

Outre le fait que la scolarité est en France obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans, la mesure proposée par le député européen abstentéiste est bien évidemment inutile, discriminatoire et inutilement dangereuse pour les populations visées.

Inutile, car il est tout à fait possible en France d'expluser une famille étrangère dont les enfants sont scolarisés. Comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur récemment, la scolarité étant obligatoire en France pour les enfants, elle ne peut constituer un obstacle à leur retour au pays. C'est d'ailleurs ce que réaffirme la circulaire récente de ce ministre à ce propos.

Discriminatoire, cela va sans dire.

Dangereuse, cela est moins évident. Il suffit pourtant de se poser la question suivante : si ces enfants ne vont pas à l'école, que deviendront-ils ?

Refuser à un enfant étranger d'être scolarisé, c'est le condamner à l'ignorance et à l'impossibilité de communiquer. Ignorance, car tout enfant doit apprendre les connaissances de base, que ses parents, de plus ne sauront pas forcément lui donner. Il est en effet fort probable que des parents clandestins soient plutôt pauvres et plutôt peu éduqués. Dans ce cas, un enfant étranger ne parlant pas français aurait peu de chances de l'apprendre en restant dans sa famille. De plus, un tel enfant aurait également de grandes chances, puisque disponible, d'être encouragé par sa famille à participer aux revenus de la famille. En clair, puisqu'il est dipsonible, il travaillera. et il travaillera forcément de façon clandestine. Il est d'ailleurs curieux que le vicomte ne propose pas que les employeurs doivent également vérifier que leurs employés (adultes) sont bien en situation régulière... Mais ce sujet n'est pas porteur électoralement actuellement. Impossibilité de communiquer avec d'autres que ses parents ou des personnes parlant la même langue qu'eux. Il est pour le moins curieux que le vicomte veuille empêcher ces jeunes de pouvoir a minima expliquer à leurs parents la procédure qui est en train de les renvoyer d'où ils viennent ! Mais c'est parce que le président du conseil estime que la République entretient déjà trop de traducteurs...

Refuser à un enfant d'être scolarisé, c'est donc le pénaliser et encourager son exploitation par ses parents, au mieux, ou au pire par des mafias organisées pour le faire travailler ou même pour le prostituer.

Fantasmes ? Peut-être. Mais ces comportements mafieux existent déjà et empêcher les enfants d'immigrés clandestins d'accéder à l'école, c'est les maintenir dans une clandestinité qui n'aura aucun avantage ni pour eux ni pour la société dans son ensemble.

Mais il est clair que la sortie de Villers ne saurait être la conclusion d'une quelconque réflexion poussée.

7.7.06

Rétrolien : La Coupe du "on" : c’est qui, la France ?

C'est chez Melanine, et c'est bien : http://melanine.org/article.php3?id_article=151
Ce que n’apprécient pas nos amis Alain et Jean-Marie semble être le fait que l’invisibilité des groupes ethniques non-blancs est paradoxalement révélée dans la composition de l’équipe de France. Ce qui est choquant, ce n’est pas qu’on voit tellement de noirs dans l’équipe de France, mais bien qu’on en voit si peu ailleurs.

[...]
Au final, ce qui fait peur à Le Pen et Finkielkraut, ce n’est pas que les joueurs noirs ne chantent pas la Marseillaise, qu’on a pu voir beuglée par les Antillais de l’équipe comme s’ils reprenaient le Monte Cassino ; c’est plutôt que par écho, la simple présence des indigènes de l’équipe de France rappelle au pays tout entier ce qu’il doit à ses bougnoules, dans le présent, dans le passé, dans les aventures sportives les plus triviales et les moments historiques les plus sérieux.

[...]

Mais l’ironie finale réside dans le fait que malgré les jérémiades des Finkielkraut et autres Le Pen, la France dont parle Thuram, c’est aussi la seule que connaisse des millions d’étrangers. En ce moment, et pour de longues années pour les innombrables amateurs de foot du monde, la France, c’est Zidane, Vieira, Thuram et Ribéry, des Arabes, des Antillais, des Africains et des racailles de banlieue. Allez voir expliquer cette affaire.


6.7.06

Contrat d'accueil et d'intégration

Pendant que les veaux meuglent, les représentants du peuple, bien qu'ils n'hésitent pas à suspendre leurs travaux pour une pause de meuglement, continuent de faire leur travail, sans grande publicité de la part des médias.

Ainsi, le 30 juin dernier a été voté par les deux assemblées, le texte de loi relatif à l'immigration et l'intégration.

Ce texte contient des modifications du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et des Demandeurs d'Asile.

Parmi ces modifications, on note la création d'un contrat d'accueil et d'intégration, à l'article 4.

Article 4

I. - Dans la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 311-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-9. - L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française.

« À cette fin, il conclut avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration, traduit dans une langue qu'il comprend, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité. La formation linguistique est sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnus par l'État. L'étranger bénéficie d'une session d'information sur la vie en France et, le cas échéant, d'un bilan de compétences professionnelles. Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement. Lorsque l'étranger est âgé de seize à dix-huit ans, le contrat d'accueil et d'intégration doit être cosigné par son représentant légal régulièrement admis au séjour en France.

« Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il peut être tenu compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration.

« L'étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans est dispensé de la signature de ce contrat.

« L'étranger qui n'a pas conclu un contrat d'accueil et d'intégration lorsqu'il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à signer un tel contrat.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Il détermine la durée du contrat d'accueil et d'intégration et ses conditions de renouvellement, les actions prévues par le contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française et la remise à l'étranger d'un document permettant de s'assurer de l'assiduité de celui-ci aux formations qui lui sont dispensées. »

II. - L'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 117-1. - Les règles relatives au contrat d'accueil et d'intégration sont fixées à l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

Rappelons que le législateur, donc le Gouvernement de M. Villepin en l'espèce, et le ministre de l'Intérieur en particulier, motivent cet article de la façon suivante :

Le Gouvernement entend promouvoir, dans ce cadre, une immigration choisie. C'est l'objet du titre Ier du projet de loi.

Le chapitre Ier énonce les dispositions générales relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

L'article 4 généralise le contrat d'accueil et d'intégration, qui doit être signé par tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaite s'y maintenir durablement.

Défini dans un nouvel article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (L. 311-7), le contrat, qui engage l'État et l'étranger signataire, constitue la première étape de l'intégration de l'étranger à la société française. L'étranger recevra une formation civique, comportant une présentation des institutions et des valeurs de la République, dont l'égalité entre les hommes et les femmes. Il bénéficiera également d'une formation linguistique et, le cas échéant, d'un bilan de compétences professionnelles.

En outre, l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles établit un lien entre le dispositif d'action sociale et le droit du séjour, en renvoyant la définition du contrat d'accueil et d'intégration au code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Ceci étant rappelé, prenons maintenant le temps de discuter un peu.
L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française.
Sont concernés par cet article les étrangers :
  1. qui souhaitent se maintenir en France durablement,
  2. qui arrivent en France pour la 1ère fois,
  3. ou qui ont entre 16 ans et 18 ans ;
  4. qui n'ont pas effectué 3 ans de scolarité dans un lycée français à l'étranger.
Mais comment se définit "durablement" ? Faut-il exprimer le souhait de mourir en France ? Faut-il simplement être contraint par une raison quelconque de devoir séjourner plus de 3 mois (durée du visa de tourisme) en France, même si on ne souhaite pas y rester à vie ? Cela concerne t'il les étrangers qui viendraient en France pour travailler quelques années avant de repartir dans leur pays où leur vie se trouve (prenons le cas de japonais, par exemple) ?

Dès le premier alinea, on est donc dans le flou : impossible de savoir qui est vraiment concerné par cette mesure et qui devra (car c'est la loi, donc c'est une obligation) signer ce contrat ? La voonté du législateur n'est pas claire : l'étranger entrant en France devra t'il systématiquement signer ce contrat ; devra t'il s'engager sur une durée de séjour pour ne pas le signer ; pourquoi un mineur entre 16 et 18 ans serait-il contraint à ce contrat, s'il ne souhaite pas rester au-delà de sa majorité ?

Passons sur le fait que dans la pratique, les lycées d'enseignement français à l'étranger sont réservés aux rejetons de la classe dirigeante du pays dans lequel est installé cet établissement... L'immigration choisie est clairement affirmée par ce simple détail.

Par contre, il est clair que dans le cas où tout étranger arrivant sur le sol français et autorisé à y séjourner plus de 3 mois pourrait en pratique se voir contraint de s'engager sur ce contrat, quand bien même il ne souhaite pas rester "durablement" sur le territoire français, ce qui permettra aux autorités françaises de mettre un grand nombre de conditions à son séjour.

Car "lors du premier renouvellement du titre de séjour", les actions des étrangers sous contrat seront passés au crible de ses obligations contractuelles pour délivrer un nouveau titre. Que cet étranger souhaite rester "durablement" ou pas. Si son titre doit juste lui permettre de poursuivre des études avant de rentrer diplôme en poche au pays, il devra se soumettre au contrat comme l'étranger qui demande à rester 10 ans de plus.

Mais quelles sont ces conditions opposables au demandeur d'un renouvellement ?
  1. Obligation de formation civique ;
  2. Au besoin, obligation de formation linguistique ;
  3. Information sur la vie en France ;
  4. Au besoin, bilan de compétences.
Le législateur indique tout de même que ces formations et bilans seront gratuits, c'est à dire à la charge de l'Etat. Aucun chiffrage dans ce texte du coût d'une telle mesure, qu'il faudra probablement aller chercher dans la loi rectificative de finances à la fin de l'année.

Quel est l'objectif de l'Etat derrière ces obligations ? Autant la formation linguistique et l'information sur la vie en France semblent d'excellentes idées, autant la formation civique laisse un arrière-goût acide. En effet, cette formation a pour objet, dans la loi, :

la présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité.


Mais à qui donc le Gouvernement pense t'il s'adresser ? A des personnes qui ne connaîtraient les valeurs centenaires de la République ? D'accord. Alors pourquoi ne pas insister plutôt sur les libertés fondamentales, sur l'égalité des chances, sur la justice égale pour tous, sur la liberté du culte, sur la présomption d'innocence, sur l'école gratuite et obligatoire, sur le droit à l'accès aux soins pour tous, sur le droit à la sûreté (à savoir le droit à être protégé de l'arbitraire et non pas un droit supposé à ne pas être aggressé dans la rue)...

Pourquoi ? Parce qu'on glisserait très vite sur le fait que le droit fondamental du citoyen, à savoir le droit de vote et d'éligibilité, est associé à la nationalité ? Parce qu'il faudrait expliquer que les étrangers ont le droit de payer des impôts mais pas d'être représentés ? C'est vrai que cela serait délicat d'expliquer cette entorse aux droits fondamentaux...

D'autre part, cette rédaction permet de cerner qui sont, dans l'esprit du législateur, les "mauvais" étrangers, ceux dont il faut craindre l'arrivée sur notre sol. Ce sont ceux qui ne respectent pas chez eux les femmes et la laïcité. Caricaturons à peine pour comprendre : qui est souvent présenté comme plaçant systématiquement les femmes en-deçà des hommes et ne connaissant pas la laïcité ? Les indices convergent pour dire qu'il s'agirait de ressortissants de pays dont la majorité de la population serait de confession musulmane. Tiens donc ! Quel heureux hasard à l'heure où l'instigateur de ce texte avoue vouloir aller chercher les électeurs du FN un par un, électeurs connus pour vouloir renvoyer chez eux les hordes mahométanes...

Ceci étant dit, il n'est certes pas illégitime de vouloir doter les nouveaux entrants en France, pour peu qu'ils souhaitent de plus y rester, d'un bagage culturel minimum qui leur facilitera la vie et leur évitera de commettre certains impairs. Cela pouvait sans doute être réalisé sans passer par un "contrat" à valeur coercitive.

Sur le fond, reste également à trancher la valeur légale de ce contrat, dans le sens où il existe une très grande jurisprudence sur ce thème.

2.7.06

Jeu de chaises musicales entre dirigeants

Noël Forgeard, coprésident exécutif français d'EADS, a démissionné. Il est remplacé par le président du conseil d'administration de la SNCF, Louis Gallois.

Que vient faire un type qui dirige des trains dans l'aviation ?

Hé bien, c'est simple : Louis Gallois, est aussi l'ancien président d'Aerospatiale, l'une des sociétés à l'origine de la création d'EADS en 2000, et coprésident du conseil d'administration du groupe.

Je suis ravi d'apprendre qu'on peut à la fois présider à la destinée de la SNCF et co-présider à celle d'EADS.

Rappelons que la SNCF, en 2004, c'est 238000 salarariés, 320 millions de clients voyageurs, 121 millions de tonnes de fret transportées, et 31 000 km de voie ferrée. C'est aussi 22 milliards de chiffre d'affaire et 640 millions d'euros de bénéfice.

Je ne reviens pas sur EADS, présenté partout par les médias. Si ? Bon, d'accord.

EADS, c'est Airbus et beaucoup d'autres petites choses, telles que Eurocopter, ou la fabrication d'armes (missiles). Bref, EADS, c'est 37 milliards de chiffre d'affaire et 1,7 milliard d'euros.

Pourquoi je ne vous parle que de CA et de résultat net ? Parce que pour qu'un type puisse diriger la SNCF puis EADS, c'est parce qu'on ne lui demande que du chiffre. Sinon, comment expliquer que le même homme puisse être le maître du rail, puis le maître du ciel et des armes, si ce n'est pour des talents financiers ?

A noter que Anne-Marie Idrac, actuelle PDG de la RATP, va prendre la présidence de la SNCF en remplacement de Louis Gallois. Au moins, dans ce cas, on reste dans le rail...

Mais Mme Idrac sera elle-même remplacée à la tête de la RATP par Pierre Mongin, directeur de cabinet du premier ministre Dominique de Villepin.

Vous lisez bien : directeur de cabinet du premier ministre !

Eh oui ! On oublie trop vite, à force de parler de milliards, que ces conglomérats, ces groupes et ces entreprises, sont publiques ! Qu'elles nous appartiennent, en fin de compte. Et qu'on a le droit de demander des comptes à tous ces gens, qui prétendent gérer des fabriques d'armes comme un service de transport, ou comme le cabinet d'un ministre, fut-il le premier d'entre eux.

En fait, à y regarder de près, Louis Gallois sort de l'ENA en 1972. Il entre au ministère des finances et devient beaucoup plus tard, dans un autre ministère... directeur de cabinet ! Du ministre de... la défense !

Est-il si choquant que des hauts fonctionnaires deviennent PDG de groupes publics ? Peut-être pas.

Mais ce qui est choquant, c'est qu'un haut-fonctionnaire puisse être capable de croire qu'il peut participer à diriger plusieurs entreprises en même temps ! De la même façon qu'il n'est pas possible d'honorer plusieurs mandats d'élu en même temps, il n'est pas humainement raisonnable de prendre autant de responsabilités quand il n'est pas possible de les honorer. Halte au cumul !


1.7.06

Les français sont des veaux

Alors que les klaxons retentissent dans la France entière suite à la victoire d'une équipe de foot sur une autre (deux équipes composées de millionaires jouant d'ailleurs pour les mêmes clubs...), le jugement attribué à De Gaulle me revient en mémoire : les français sont des veaux.

Qu'on puisse s'identifier à des joueurs de foot me dépasse, mais qu'en plus on vienne fêter une victoire à grands renforts de klaxon, en rejouant la liesse de la libération de Paris, me laisse pantois. De quoi alimenter encore longtemps mes interrogations sur la santé mentale de mes congénères...

En attendant, pendant que les veaux beuglent parce que des types aussi intelligents que leurs crampons viennent de remporter une rencontre sportive entre deux nations, vague succédané de guerre interprété par des acteurs qui en 90 minutes viennent de mettre dans un coffre suisse de quoi nourrir la population entière des klaxonneurs qui peuplent ma fière cité pendant des mois entiers, pendant ce temps, donc, les représentants du peuple, élus par les mêmes veaux (les veaux votent-ils ?) peuvent à loisir voter des lois que personne ne prendra le temps de commenter, football oblige...

Ainsi, la loi DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information), à la gestation douloureuse, peut ainsi passer comme un lettre à la poste à l'Assemblée, sans que personne dans les médias influents ne prenne le temps de commenter cet évènement. Mais c'est normal, les veaux s'en moquent ! Ils rêvent tous de voir et revoir les buts de leur équipe favorite sur leur baladeur numérique DRMisé, pourvu que ce soit un attaquant vêtu d'un maillot bleu frappé d'un coq qui marque !

A quoi cela sert-il que Mme Billard prenne le temps de rappeler dans l'hémicycle les enjeux de cette loi ?

Mme Martine Billard - Votre objectif principal n’est pas de défendre les auteurs, mais de légaliser les « DRM » que vous appelez « mesures techniques de protection » et qui sont en fait des dispositifs de contrôle des usages. C’est bien en cela que s’opposent deux conceptions différentes de la culture numérique. Sont en jeu tous les supports du multimédia, car les DRM ne visent pas seulement à empêcher une reproduction illimitée des œuvres, mais à limiter le nombre de lectures en instituant des péages permanents. Ils limitent aussi l’accès aux oeuvres tombées dans le domaine public. La culture numérique se réduirait-elle à des consommations individuelles de biens marchands fournis par les majors plutôt qu’à des pratiques partagées ?

[...] Sur l’interopérabilité entre les systèmes, quelle régression ! En première lecture, l’Assemblée avait introduit des garde-fous, le Sénat les a balayés, et le texte de la CMP n’a rien d’équilibré, il est même en retrait par rapport à celui du Sénat ! En effet, elle a bien repris quelques phrases que nous avions introduites pour éviter que les fournisseurs de mesures techniques empêchent l’interopérabilité, mais elle a supprimé tout ce qui pouvait en garantir le respect : ainsi il ne sera plus possible de saisir le tribunal de grande instance en référé, et plus possible pour un consommateur d’exécuter des copies privées sur tout type de matériel lui appartenant. [...] La CMP vient même de légaliser les formats incompatibles, au rebours de toute l’évolution technologique. Après les abus des fournisseurs d’accès informatique et de téléphonie mobile, nous aurons ceux du téléchargement. Celui qui lira sur les matériels qu’il possède un morceau de musique qu’il a téléchargé encourra 3 750 euros d’amende pour contournement des DRM.

[...] La CMP confirme la possibilité d’interdire la publication du code source et de la documentation technique d’un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites, avec garantie de protection d’une œuvre ! Elle a remis les modalités pratiques d’application de cette garantie à l’autorité de régulation des mesures techniques, introduite par le Sénat. C’est remettre en cause l’existence du logiciel libre, et finalement la liberté de création dans le domaine informatique.

Quant aux sanctions, vous avez la main lourde. Quel chef d’entreprise prendra le risque de développer un logiciel si le fait de contourner un DRM l’expose à 3 750 euros d’amende, le fait de proposer à autrui un tel outil à 6 mois d’emprisonnement et 30 00 euros d’amende ?

[...] De ce fait, le texte constitue une menace pour l’économie de notre pays, en particulier des PME. Quant aux auteurs de logiciels libres, ils seront écartés des secteurs du marché les plus porteurs. Tous les petits éditeurs seront soumis à la bonne ou mauvaise volonté des grandes firmes. Vous bridez la liberté d’innovation des ingénieurs et des chercheurs. Pourtant notre pays aurait besoin qu’on encourage la recherche-développement. Vous lui fermez la porte. Ne venez pas ensuite parler de patriotisme économique.

A rien...

Du pain et des jeux !