30.8.06

Juppé veut reprendre la mairie de Bordeaux

Alain Juppé, de retour du Québec, s'est empressé de faire jouer ses "amitiés" pour parvenir à faire démissioner le conseil municipal et provoquer des élections anticipées.

Il répondrait en celà "à l'envie des bordelais", comme nous l'indique complaisamment Libé. Le blog du premier concerné indique, dans une note datée d'aujourd'hui, que " Oui, j’ai la passion de Bordeaux et j’ai envie de travailler à nouveau, avec les Bordelais, à construire notre avenir."

Que Juppé veuille briguer un mandat, pourquoi pas ? Rien légalement ne lui interdit
et il possède les qualités pour être maire de Bordeaux, puisqu'il a occupé ce siège pendant 9 ans après avoir été adjoint au maire de Paris (qui était-ce, déjà ?) pendant 12 ans.

Mais regardons les choses sous l'angle moral puis sous l'angle institutionnel.

Le point de vue moral

D'un point de vue légal, le citoyen Juppé a payé sa dette à la société suite àson implication dans une célèbre affaire de financement politique.

Dix-huit mois de prison avec sursis dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et à une peine de dix ans d'inéligibilité, ramené ensuite en appel à quatorze mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité.

Les attendus de ces jugements indiquent (source Wikipedia) :
« Alain Juppé dans la quête de moyens humains lui apparaissant nécessaires pour l'action du RPR a délibérément fait le choix d'une certaine efficacité en recourant à des arrangements illégaux […]
Que la nature des faits commis est insupportable au corps social comme contraire à la volonté générale exprimée par la loi ; qu'agissant ainsi, Alain Juppé a, alors qu'il était investi d'un mandat électif public, trompé la confiance du peuple souverain. […] »
« Il est regrettable qu'au moment où le législateur prenait conscience de la nécessité de mettre fin à des pratiques délictueuses qui existaient à l'occasion du financement des partis politiques, M. Juppé n'ait pas appliqué à son propre parti les règles qu'il avait votées au parlement.
Il est également regrettable que M. Juppé, dont les qualités intellectuelles sont unanimement reconnues, n'ait pas cru devoir assumer devant la justice l'ensemble de ses responsabilités pénales et ait maintenu la négation de faits avérés.
Toutefois, M. Juppé s'est consacré pendant de nombreuses années au service de l'État, n'a tiré aucun enrichissement personnel de ces infractions commises au bénéfice de l'ensemble des membres de son parti, dont il ne doit pas être le bouc émissaire. »
D'un point de vue moral, il est néanmoins curieux qu'un homme politique condamné dans une affaire de détournement de fonds pour le compte d'un parti (dirigé par qui, déjà ?), puisse envisager sans aucune difficulté de se soumettre de nouveau au suffrage des citoyens. C'est assez gonflé. Mais il a raison de compter sur le choix des urnes : seuls les citoyens bordelais pourront lui expliquer par leur vote ce que eux pensent de sa morale.

Point de vue institutionnel

D'un point de vue institutionnel, il est délirant de constater que notre démocratie fonctionne sur des appareils de parti, dans lesquels il n'est visiblement pas possible de déroger à la règle édictée par les chefs.

Car comment est-il possible qu'un homme parvienne à convaincre un conseil municipal de démissionner, pour lui donner les clefs de la maison ?

Comment est-il possible que ces représentants puissent renier leur mandat à ce piont, et leurs électeurs par la même occasion ?

Comment est-il possible qu'ils se soient laissés convaincre de ne pas attendre les prochaines élections pour ce faire ?

Comment finalement ces personnes peuvent-elles volontairement se soumettre à la loi d'un homme soutenu par un parti ?

Je n'ai pas de réponse claire à ces interrogations, qui rejoignent également le point de vue moral.

Mais il m'apparaît que les règles de fonctionnement de notre démocratie doivent prendre en compte cette jurisprudence Juppé pour interdire aux représentants de se moquer de leurs électeurs à ce point.

Par exemple, un élu démissionnaire pourrait se voir interdire d'éligibilité à l'élection suivante. Les membres du conseil municipal bordelais auraient alors peut-être réfléchis un peu plus avant d'offrir leur siège.

Mais ce qu'il faut surtout, c'est, comme je l'écris depuis longtemps :
1°) interdire le cumul des mandats,
2°) limiter le nombre de mandats successifs.

Ainsi, M. Juppé ne pourrait tout simplement plus se présenter, et la morale serait sauve.

27.8.06

Le PS et la démocratie et les institutions

L'atelier 1 de l'Université d'été du PS était consacré à la démocratie et aux institutions. De quoi y fut-il question ? Je n'y étais pas, n'étant pas membre du PS, mais il n'est pas difficile de trouver le compte-rendu sur le net.

1. Petit rappel du projet socialiste pour 2007 :
Le PS propose dans son projet rien moins qu'une nouvelle République (Partie III.I). Engagement est pris de provoquer dans les 6 mois après la victoire aux élections présidentielles et législatives un réferendum portant sur un ensemble de réformes démocratiques, visant à aller vers une république parlementaire. On trouve ainsi, parmi les réforme proposées :
  • responsabilité du chef de l'Etat,
  • mandat unique pour les parlementaires,
  • suppression du vote bloqué et du 49-3,
  • introduction d'une dose de proportionnelle,
  • suppression du veto sénatorial sur les questions constitutionnelles,
  • création d'un possibilité de loi d'initiative citoyenne,
  • compte séparé des bulletins blancs,
  • droit de saisine du Conseil Constitutionnel par les citoyens,
  • droit de vote pour certains étrangers aux scrutins locaux,
  • réflexion sur le vote obligatoire...
2. Les apports de l'Université d'été

Ces engagements ont servis de base à la réflexion et le compte-rendu qui en est fait fait ressortir le constat suivant :
Le constat est unanime, notre démocratie est en crise. Crise morale avec une abstention forte à presque tous les scrutins, montée des extrêmes, méfiance vis-à-vis des partis et des hommes politiques, crise institutionnelle avec la pratique chiraquienne de la fonction présidentielle ou crise fonctionnelle avec la confusion dans les compétences territoriales orchestrée par la décentralisation Raffarin. Il est urgent de retisser le lien de confiance entre les citoyens et notre république, or le parti socialiste est à la fois acteur et victime de cette crise de la démocratie française. Il doit mettre la question de la modernisation des institutions au cœur de son projet.
Des pistes supplémentaires ont alors été évoquées lors de l'université d'été :
  • scrutin à la proportionnelle pour toutes les communes même les plus petites
  • suffrage direct pour les intercommunalités et communauté de communes
  • redéfinir des régions plus grandes donc fortes financièrement qui soient à l'échelle des régions de nos voisins européens
  • conserver le bicamérisme tout en modernisant le Sénat en élargissant son collège électoral
  • redonner le pouvoir au Parlement et faire de l'élection législative l'élection majeure de notre démocratie pour s'orienter résolument vers un régime parlementaire.
  • la question de l'élection du président de la République au suffrage universel direct est posée.
  • mener à bout la reforme de la parité, définir et appliquer sans attendre une loi sur le non-cumul des mandats (y compris dans le temps).
  • permettre une meilleure représentativité et une reconnaissance légale des accords signés.
  • rétablir des "rituels citoyens" en mairie (pour les naturalisations par exemple), établir un vrai service civique et reparler de "morale laïque".
3. Commentaires personnels

Le PS est un parti vaste, qui comprend de nombreux courants. Concernant les réformes de nos institutions, certains au PS vont jusqu'à demander la mise à plat du système et le passage à une 6ème République.

Sans aller jusque-là, le PS amorce un virage vers plus de parlementarisme, en souhaitant ajouter plus de pouvoir au Parlement, élu plus démocratiquement (avec un peu de proportionnelle, censée permettre la représentation des minorités politiques), avec des élus plus impliqués dans leur mandat (non cumul et je l'espère renouvellement limité) et un parlement plus fort (plus de pouvoir législatif avec la maîtrise de l'ordre du jour, visite annuelle du premier ministre qui s'engage sur sa politique devant le Parlement, plus de contrôle avec plus de commissions...). La remise en cause de certaines prérogatives des sénateurs semble aussi aller dans le sens d'une Assemblée plus forte, préfigurant peut-être à plus long terme la suppression du Sénat, souhaité par certains ? Enfin, les mesures proposées pour limiter les bloquages ou les passages en force dans l'élaboration de la loi (suppression du 49-3 et du vote bloqué) devraient permettre de sortir de l'affrontement des blocs majorité vs oposition, avec l'obstruction parlementaire que cela entraîne.

D'autre part, le constat du désintérêt de la politique est relativement juste. Les citoyens votent de moins en moins, et la croyance en la politique pour modifier la qualité de la vie s'émousse. Il faut donc, comme je l'affirme depuis longtemps, redonner du tonus à la vie politique, en faisant plus participer les citoyens. Je suis heureux de constater que le PS propose des choses en ce sens, avec la loi d'initiative citoyenne ou la possibilité de saisir le Conseil Constitutionnel.

Un autre atelier a débattu de la démocratie participative, j'y reviendrai.

Université d'été du PS : des idées

Comme moi, vous en avez marre de la mayonnaise journalistique sur l'image de Royal et le retour de Jospin ? Je vous livre ici le résumé des ateliers de l'université d'été du PS à La Rochelle, qu'on peut trouver in extenso ici.

26 ateliers en tout, concernant semble t'il l'ensemble des questions que doivent se poser des citoyens souhaitant accéder aux commandes de l'Etat ou des collectivités, comme c'est le cas globalement au PS.

Atelier n° 1 : Démocratie et institutions
Atelier n° 2 : Logement
Atelier n° 3 : Sport
Atelier n° 4 : Education et Recherche
Atelier n° 5 : De la Démocratie Participative
Atelier n° 6 : Atelier Défense
Atelier n° 7 : L'immigration
Atelier n° 8 : Services publics
Atelier n° 9 : Economie
Atelier n° 10 : Transports
Atelier n° 11 : Europe
Atelier n° 12 : Protection sociale et retraites
Atelier n° 13 : Discriminations
Atelier n° 14 : Mondialisation
Atelier n° 15 : Femmes
Atelier n° 16 : Justice
Atelier n° 17 : Emploi
Atelier n° 18 : Les disparités territoriales
Atelier n° 19 : Sécurité
Atelier n° 20 : Médias
Atelier n° 21 : Culture
Atelier n° 22 : Santé
Atelier n° 23 :Décentralisation
Atelier n° 24 :Le développement durable fondement du projet socialiste ?
Atelier n° 25 : Agriculture
Atelier n° 26 : Internet et démocratie

Mais sans doute est-ce trop demander aux médias de retransmettre ce qui se débat au sein du parti de gauche le plus représenté en préparation des futures échéances électorales de 2007 et 2008 ?

24.8.06

Etrangers et immigrés en France

L'INSEE (Institut National de la Statistique) livre une intéressante évaluation du nombre d'étrangers et d'immigrés en France d'après les chiffres des recensements 2004 et 2005.

Il ressort de cette étude les points suivants :
  1. Un rappel qui vaut son pesant de cachouètes : un immigré n'est pas forcéément un étranger et réciproquement un étranger n'est pas forcément immigré. Il est bon que cette différence soit rappellée, alors que certains (je vise à droite) voudraient nous faire croire que ces termes sont équivalents, sans parler de ceux qui souhaitent assimiler ces termes à "arabes"... Un immigré, c'est une personne vivant en France, et née étrangère dans un pays étranger. Un étranger, c'est une personne vivant en France qui n'a pas la nationalité française, qu'il soit né en France ou non. Ce graphique explicite la différence.
  2. Il y a environ 4,9 millions d'immigrés en France, dont 1,7 million proviennent de l'Union Européenne. Ce graphique présente l'évolution du nombre d'immigrés entre 1999 et 2004/2005, montrant une stabilité du nombre d'européens et une augmentation du nombre d'africains et d'asiatiques.
  3. Il y a autant d'hommes que de femmes dans la population immigrée, ce qui est assez nouveau. A noter que parmi les immigrés originaires du Maghreb, de Turquie ou du Portugal, les femmes sont moins nombreuses que les hommes. L’immigration en provenance de ces pays, motivée au départ par des raisons économiques, s’est poursuivie dans le cadre du regroupement familial. En revanche, parmi les immigrés d’Asie du Sud-Est, venus en famille à la suite d’événements politiques, les femmes sont majoritaires. Pour les pays européens d’immigration ancienne (Italie, Espagne, Pologne), les femmes dominent désormais en raison du vieillissement de ces immigrés et de la plus forte mortalité des hommes.
  4. Les immigrés sont majoritairement des adultes. Comme l'explique l'INSEE, par définition, les immigrés ne naissent pas en France, et peu d’enfants ont été concernés par le regroupement familial, procédure plus souvent utilisée par les conjoints. Ce graphique montre que les immigrés sont plus jeunes globalement que les non-immigrés (français et étrangers, si vous avez bien retenu le ponit 1.) La répartition de la pyramide des âges est plus homogène dans la population immigrée.
  5. Deux millions d'immigrés sont français. L'INSEE se contente de noter que l’acquisition de la nationalité française varie sensiblement selon le pays de naissance.
  6. Un immigré sur quatre dispose d'un diplôme de l'enseignement supérieur, comme l'indique ce graphique.
  7. Enfin, cette carte présente la répartition des immigrés en France : Ile de France, Sud-est et Est en premier lieu.
Quels enseignements tirer de cette enquête ? L'INSEE ne s'aventure pas en terrain politique, bien entendu, car ce n'est pas son rôle. Mais il est intéressant de disposer de données permettant d'éclairer un débat devenu extrêmement déclicat ces dernières années, du fait de la présence de l'extrême-droite et de la récupération de certaines thèses par la droite.

[mise à jour le 25 août] Voir aussi ce très beau récapitulatif présenté par Le Monde à propos du nombre d'étrangers dans chaque pays de l'Union. Très beau graphiquement, mais l'amalgame entre étrangers et immigrés est présent : le titre est "l'immigration en Europe" et le graphique présente le nombre d'étrangers ! Et dire qu'il s'agirait d'un "quotidien de référence"...

5.8.06

La canicule est passée, reste un coup de chaud sur les chiffres de la mortalité

Ainsi, l' "épisode caniculaire" a pris fin sur la France.

Le bilan officiel de l'institut de veille sanitaire est le suivant (au 3 août) :
Sur le plan de la mortalité ont été signalés comme probablement liés à la chaleur :
- 66 décès de personnes âgées de 75 à 99 ans, le plus souvent déjà malades ;
- 12 décès survenus sur des lieux de travail pour des personnes exposées à la chaleur du fait de leur profession ;
- 4 décès de personnes se livrant à des activités sportives (3 randonneurs et un cyclotouriste) ;
- 3 décès de personnes sans domicile fixe (Bordeaux, Saint-Ouen et Malakoff) ;
- 26 décès de personnes âgées de moins de 75 ans présentant le plus souvent une pathologie sous-jacente (cancer, forte obésité, diabète,…) de nature psychiatrique dans 8 cas ;
- enfin, depuis le dernier communiqué qui faisait mention du décès par hyperthermie maligne d’un nourrisson de 15 mois en Eure-et-Loire, aucun autre décès d’enfant n’a été signalé à l’InVS.

Ce bilan a fait l'objet d'un communiqué de presse.

Problème, certains pourraient être tentés de faire le rapprochement entre les 112 morts de 2006 et les 15000 morts de 2003. Certains pourraient même être tentés de se féliciter de ce bon résultat.

Sauf que.
Sauf que les 112 morts dont il est question sont des morts dont on sait avec certitude qu'elles sont liées à une hyperthermie.
Sauf que ces chiffres sont issus de la surveillance de la fréquentation des urgences, alors que les morts de 2003 sont morts chez eux pour la plupart.
Sauf que "L’InVS rappelle que les vagues de chaleur même en-dessous des seuils caniculaires, peuvent s’accompagner d’un accroissement de la mortalité, surtout pour les personnes malades, fragiles ou vulnérables."
Sauf que les 15000 morts de 2003 représentent une surmortalité et non une mortalité habituelle, contrairement aux 112 morts de cette année qui sont des morts pouvant entrer pour la plupart dans le compte des décès habituellement recensés en été : personnes âgées, sportifs, SDF, personnes malades... Bref, rien que de très habituel.
Sauf qu'une éventuelle surmortalité ne pourra être détectée que plus tard, avec un effet de retard dû au décès de personnes fragilisées, qui ne seraient pas mortes s'il n'avait pas fait si chaud.

Il ne rime donc à rien de comparer des chiffres de mortalité issus d'une surveillance de la fréquentation des urgences, qui permettent au mieux de détecter des problèmes chez ceux qui se rendent aux urgences, à un travail statistique conséquent réalisé par l'INSEE sur la base du nombre de décès enregistrés sur plusieurs mois après la canicule, sauf à vouloir tromper l'opinion en comparant "des navets et des carottes".