26.2.06

Le Contrat Première Embauche (CPE) : toutes les réponses à vos questions

C'est sous ce titre que le site du premier ministre répond à des questions sous la forme d'une série de Vrai/Faux. Quatre de ces VRAI/FAUX sont repris dans une campagne de communication du premier ministère, campagne à nos frais, naturellement.

J'ignore qui a rédigé les affirmations que le gouvernement s'ingénie à démonter. Mais à les lire, on se dit que s'il s'agit de la liste des assertions dont le gouvernement pense qu'elles seraient celles qui sortent spontanément de la bouche des gens à propos du CPE, on est en droit de se demander à quoi servent les enquêtes d'opinion, voire les renseignements généraux ?

Quant à la finalité de l'exercice, il s'agit d'une propagande de base, visant à dénigrer de prétendus ignares qui ne feraient rien qu'à dire du mal de ce beau contrat tout neuf qu'est le CPE, qui ont tout FAUX sur toute la ligne, d'abord.

Voici donc ces affirmations :

1. Le CPE implique une baisse des salaires moyens pour les jeunes comme le faisait le CIP en 1994.

2. Avec le Contrat Première Embauche, on est payé qu’au SMIC.

3. Le Contrat Première Embauche n’apporte aucun avantage au salarié par rapport à un contrat classique.

4. Le Contrat Première Embauche est un Contrat à durée indéterminée.

5. Entre 18 et 25 ans, on a droit qu’au Contrat Première Embauche.

6. Le Contrat Première Embauche ne tient pas compte d’éventuels antécédents du salarié signataire dans l’entreprise.

7. Les femmes enceintes se retrouvent directement menacées par le Contrat Première Embauche car il pourrait permettre à leur employeur de les licencier sans motifs durant la période d’essai.

8. Le Contrat Première Embauche, c’est avant tout davantage de précarité dans le domaine de l’emploi.

9. La notion d’ancienneté est prise en compte par le Contrat Première Embauche en cas de rupture du contrat.

10. Avec le Contrat Première Embauche, on n’a pas accès aux crédits bancaires.

11. Avec le Contrat Première Embauche, l’accès au logement est facilité.

12. Les Français sont plutôt confiants vis-à-vis de l’efficacité du Contrat Première Embauche.

Qui pourrait revendiquer ces affirmations, si ce n'est un patient récemment sorti d'un coma profond ? De ces 12 affirmations, seules les affirmations 3, 4 et 8 me semblent des réflexions plausibles. Pour les 9 autres, il est évident que l'affirmation, souvent fantaisiste, n'est là que pour servir de faire-valoir à la réponse du ministère, en prêchant la faux pour asséner le "Vrai".

Reprenons donc à tête reposée ces affirmations.

1. Le CPE implique une baisse des salaires moyens pour les jeunes comme le faisait le CIP en 1994.
Rien dans le texte concernant le CPE ne parle du niveau de salaire. Il s'agit ici dans la réponse du ministère de rassurer les jeunes à qui le CPE s'adresse sur leur niveau de rémunération.

Voici donc la "réponse" du ministère :
FAUX. Le CPE comporte une garantie de rémunération et en aucun cas, les rémunérations ne pourront être inférieures au régime commun des salariés. Le CPE n’est en aucun cas un nouveau CIP, ces deux contrats étant totalement différents l’un de l’autre. Ainsi, le CPE ne comporte aucune forme de salaire plafond.

Vous l'aurez compris, avec le CPE, vous serez payé comme avec un autre contrat. Le montant de votre salaire ne pourra être inférieur au Salaire Minimum de Croissance.

Oui, mais.

Oui mais le CPE comporte une clause qui le différencie des autres contrats : pendant les deux premières années, vous pourrez être remercié sans motif. En particulier, si votre patron trouve que vous demandez trop d'augmentations de salaire, ou si vous demandez à ce que vos heures supplémentaires soient payées, ou pour toute autre raison touchant votre salaire, vous pourrez être remercié.

2. Avec le Contrat Première Embauche, on est payé qu’au SMIC.
Cette affirmation est plus retorse. Il s'agit ici de rassurer sur un point complémentaire au premier. Avec le CPE, non seulement on n'est pas payé moins que le SMIC, mais on peut aussi être payé plus.

La "réponse" du ministère est la suivante ;
FAUX. Le salaire versé avec le Contrat Première Embauche ne comporte aucun plafond. Comme dans tout contrat de travail, il est fixé par négociation entre le salarié et l’employeur. Il faut également savoir que l’employeur est tenu de respecter, en fonction du niveau de poste occupé par le jeune, au minimum le salaire prévu par la convention collective dont l’entreprise dépend.

Donc, avec un CPE, le salaire est fixé comme pour n'importe quel contrat, dans une négociation entre employeur et employé.

Oui, mais.

Oui, mais il sera difficile à un salarié d'obtenir une augmentation une fois le premier salaire accepté. Certains employeurs, par exemple, fixent un salaire initial faible pendant la période d'essai, avec une clause permettant de réviser le salaire à la fin de cette période. Transcrit en CPE, cela signifie un salaire faible (en tous cas inférieur à celui auquel pourrait prétendre le salarié au vu de ses compétences et du poste occupé) pendant deux ans, sans même être sûr de jamais pouvooir aller plus loin que le 730ème jour de contrat.

3. Le Contrat Première Embauche n’apporte aucun avantage au salarié par rapport à un contrat classique.
Effectivement. C'est ce que pourraient penser des jeunes qui auraient pu décrocher un CDI ou un CDD et qui se voient proposer un contrat permettant de les mettre dehors chaque jour pendant deux ans, sans motif. Alors qu'avec un CDD, ils savaient au moins pendant combien de temps ils travailleraient pour cet employeur, et touchaient 10% de prime de précarité. ALors qu'avec un CDI, ils savaient au moins pourquoi ils étaient virés !

La "réponse" du ministère est rédigée ainsi :
FAUX. Le droit individuel à la formation sera ouvert dès la fin du 1er mois (dans les contrats à durée indéterminée, le droit individuel à la formation ne s’ouvre qu’au bout d’un an, il n’existe pas pour les CDD).

Oui, mais.

Oui, mais comment faire valoir son droit à la formation si l'employeur peut vous virer pour avoir osé demander une formation ? Ce n'est pas un droit à la formation qu'il fallait inscrire dans le CPE, mais bien une obligation de formation. Seule une formation peut en effet permettre aux gens peu qualifiés, premiers visés par le CPE, d'entrer pour longtemps dans le monde du travail ! Alors pourquoi se contenter de ramener ce droit à un mois après le début du contrat, ce droit ne pouvant de plus pas être mis en oeuvre si on risque le licenciement sans motif.

4. Le Contrat Première Embauche est un Contrat à durée indéterminée.
Ceci est une affirmation de Villepin lui-même, qu'il ressert dès qu'il le peut (cf. son discours à l'Assemblée suite à la motion de censure sur la loi pour l'égalité des chances).
Mais il n'est pas curieux que le ministère en remette une couche tellement cette affirmation est perverse !

La "réponse" du ministère est la suivante :
VRAI.Tout comme le Contrat Nouvelle Embauche, le Contrat Première Embauche est un CDI.

Ce qui est tout simplement FAUX, s'il s'agit de comparer le CDI actuel au CPE.
Oui, le CPE est conclu pour une durée indéterminée. Non, il n'est pas un Contrat à Durée Indéterminée, alias un CDI ! Jouer ainsi sur les mots constitue une insulte à l'intelligence.
Quelle différence entre un CPE et un CDI ? Si vous avez lu l'article précédent, vous savez que le CPE, conclu pour une durée indéterminée, est révocable unilatéralement à tout moment pendant deux ans, et sans motif. Ce qui constitue, quoi qu'en disent les thuriféraires de l'UMP et le Conseil d'Etat, une violation de la Charte de l'Organisation Internationale du Travail. La conséquence la plus grave de l'abscence de motif est qu'elle prive de recours le salarié, à qui revient la charge de la preuve s'il conteste son licenciement.


5. Entre 18 et 25 ans, on a droit qu’au Contrat Première Embauche.
Encore une affirmation évidemment fausse, pour prêcher les "mérites" du CPE. Entre 18 et 25 ans, on a "droit" à des dizaines de types de contrats différents, auxquels vient s'ajouter le CPE. La question intéressante est plutôt : pourquoi créer encore un nouveau contrat ?

La "réponse" du ministère est la suivante :
FAUX. Le Contrat Première Embauche n’a aucun caractère obligatoire ou automatique. Ainsi, parallèlement au CPE, le CDI classique et le CDD existeront toujours. Le Contrat Première Embauche est une opportunité supplémentaire offerte aux jeunes et aux employeurs.

Oui, mais.
Oui, mais le CPE est avant tout une aubaine pour les employeurs. Car aucun salarié ne choisit jamais le type de contrat qu'on lui offre, surtout s'il est au chômage, surtout s'il risque de perdre ses allocations en refusant un contrat (dispositions prises par Raffarin, confrimées par Villepin).
D'autre part, pourquoi offrir un CDI, tellement contraignant pour l'employeur (quelle blague !), quand on peut proposer un CPE avec tous les avantages afférants, notamment la possibilité de presser le citron puis de jeter la peau ?

6. Le Contrat Première Embauche ne tient pas compte d’éventuels antécédents du salarié signataire dans l’entreprise.
Ce n'est que la 6ème "affirmation", mais on a compris le truc. Affirmer une bêtise énorme pour pouvoir vanter le CPE.

La "réponse" du ministère est ainsi conçue :
Le Contrat Première Embauche comporte une période de consolidation de l’emploi de 2 ans maximum. Or, les stages, les CDD, les missions d’intérim et les contrats en alternance effectués dans l’entreprise seront décomptés de cette période de consolidation. Ainsi, un jeune qui aurait déjà fait 6 mois stage et 6 mois de CDD dans l’entreprise n’aurait plus que 12 mois de période de consolidation.

Oui, mais.
Oui, mais il est déjà habituel de tenir compte de l'ancienneté dans l'entreprise lors de l'établissement d'un CDI, après de l'intérim ou des CDD par exemple.
Par ailleurs, cette disposition n'empêche aucunement d'enchaîner les CPE entre 16 et 26 ans dans des entreprises différentes, sans que l'ancienneté soit jamais prise en compte. Pour rappel, l'ancienneté intervient dans le "coefficient hiérarchique" qui sert à calculer le salaire minimum, en fonction de la convention collective du salarié...

7. Les femmes enceintes se retrouvent directement menacées par le Contrat Première Embauche car il pourrait permettre à leur employeur de les licencier sans motifs durant la période d’essai.
Qui irait penser cela de prime abord ? Pourquoi le ministère insiste t'il sur ce point ?

La "réponse" qu'il fait est la suivante :
FAUX. On ne peut pas licencier une femme enceinte pendant la période de consolidation, au même titre que dans le cas d’un CDI classique. La période de consolidation ne permet pas de jouer avec les règles de base et de mettre fin au contrat en utilisant quelque type de discrimination que ce soit.

Oui, mais.
Oui, mais comment une femme enceinte licenciée pourra t'elle faire valoir que c'est la raison pour laquelle elle a été licenciée puisque son employeur n'aura pas exprimé de motif ? Si une femme enceinte licenciée d'un CPE veut attaquer son patron, elle devra faire la preuve que c'est sa grossesse qui est la cause de son licenciement. Bonne chance ! Le CPE n'est en aucun cas protecteur de la femme enceinte, au contraire du CDI, qui interdit effectivement de licencier pour cause de grossesse. Ce qui n'empêche pas les employeurs de le faire, mais sous un autre motif. Sauf que comme il y a motif, il y a contestation possible, et c'est à l'employeur de faire la preuve du motif invoqué ! Vous saisissez la nuance ?

8. Le Contrat Première Embauche, c’est avant tout davantage de précarité dans le domaine de l’emploi.
Effcetivement, on pourrait le penser. Un contrat qui permet à l'employeur de vous mettre dehors pendant deux ans sans motif a de quoi inquiéter.

Le ministère argumente ainsi :
FAUX.
Le Contrat Première Embauche prévoit des garanties spécifiques telle la protection renforcée en cas de licenciement. En effet, en cas de rupture du CPE après 4 mois, une allocation forfaitaire spécifique de 490 euros par mois, financée par l’État, sera versée pendant 2 mois au jeune lorsque celui-ci ne peut pas prétendre à l’assurance chômage.

Oui, mais.
Oui, mais appeler "protection renforcée en cas de licenciement" une aumone de 16,40€ par jour est égalementune insulte à l'intelligence. Car en guise de "protection", le jeune se verra congédiable sans motif pendant deux ans.

9. La notion d’ancienneté est prise en compte par le Contrat Première Embauche en cas de rupture du contrat.
De quoi parle t'on ici ? De l'ancienneté dans le contrat au moment du licenciement. Rien de nouveau par rapport au CDI, donc, et moins que le CDD, qui lui va toujours à son terme sauf faute grave.

Le ministère affirme donc :
Si le Contrat Première Embauche adapte la procédure de licenciement pendant les 2 premières années, le préavis est obligatoire et augmente avec l’ancienneté, et ce, dès la fin du premier mois.

Ce qui est la copie conforme du principe du CDI, sauf qu'en CDI on ne pas se faire virer sans préavis, comme c'est le cas au début du CPE. On peut également penser que c'est la moindre des choses d'avoir le temps de se retourner en cas de licenciement, quand de plus on aura que 16,40€ par jour pour vivre...

10. Avec le Contrat Première Embauche, on n’a pas accès aux crédits bancaires.
Encore le faux ! Serait-ce une volonté délibérée de faire passer les opposants pour des demeurés ne sachant pas lire un texte ? Car qui interdirait à un titulaire de CPE d'aller rencontrer un banquier ?

C'est ce que dit le ministère, heureux d'avoir obtenu des garanties de la part des banques :
FAUX. La Fédération française des banques s’engage à traiter le Contrat Première Embauche - et le Contrat Nouvelle Embauche - comme le CDI pour accorder un prêt à la consommation ou au logement.

Oui, mais.
Oui, mais je défie quiconque avec un CPE en poche d'aller emprunter pour un crédit immobilier ? Déjà qu'en CDI, ce n'est pas simple de convaincre une banque, alors avec un contrat qui peut se terminer le lendemain, cela relèverait de l'exploit.
Quant à ces garanties, j'aimerais bien voir l'engagement écrit "des banques" (lesquelles d'ailleurs ?) qu'ils réserveront un bon accueil au CPE. Ou faut-il croire un banquier sur parole ?

11. Avec le Contrat Première Embauche, l’accès au logement est facilité.
On ne voit pas bien pourquoi quelqu'un penserait cela, puisque l'accès au logement n'est normalement pas soumis à un contrat de travail. Sauf qu'en pratique les bailleurs demandent des garanties exhorbitantes, même aux titulaires de CDI.

Mais le ministère a LA solution :
VRAI.
Afin de faciliter l’accès au logement, les possibilités offertes par Locapass seront systématiquement proposées aux titulaires de Contrat Première Embauche lors de la signature du contrat. Ce dispositif donne droit à une avance de caution remboursable sans intérêt sur 3 ans et à une prise en charge par Locapass des loyers impayés pour une durée maximale de 18 mois.

Oui, mais.
Oui, mais la garantie LOCAPASS est detinée aux contrats précaires (CDD) et aux étudiants. Le fait de permettre l'accès au Locapass pour les CPE constitue donc un aveu de la part du premier ministère qu'il considère que ce contrat est précaire !

12. Les Français sont plutôt confiants vis-à-vis de l’efficacité du Contrat Première Embauche.
Il aurait été dommage de ne pas parler au nom des français au moins une fois. Un sondage va donc venir étayer les 11 premières assertions. Si vous avez lu mon billet sur les sondages, je n'ai rien à ajouter.

Sinon, voilà ce qu'en dit le ministère, encore esbaudi que cela sorte de l'Humanité, pourtant difficilement accusable de collusion avec le gouvernement :
Selon un enquête CSA / L’Humanité menée les 17 et 18 janvier 2006, 75 % des Français estiment que le Contrat Première Embauche permettra aux jeunes en difficulté d’avoir une première expérience professionnelle. De plus, 52 % (contre 43) pensent que le Contrat Première Embauche va permettre de réduire le chômage des jeunes en France. C’est un pourcentage extrêmement conséquent quand on connaît le scepticisme et le pessimisme traditionnels des Français vis-à-vis des mesures relatives à l’emploi.

No comment.

YR


6.2.06

Contrat Première Embauche

A lire certains blogs de pro-CPE, il se dégage une impression de malaise. Ce malaise provient du fait que ces blogs reprennent intégralement les arguments du gouvernement sans les mettre en perspective, sans les contextualiser.

Ainsi je suis surpris de lire sur ces blogs que :

1) "le CPE est un CDI" :

Non, le CPE n'est pas un CDI. Le CPE est un contrat à durée indéterminée, certes, mais n'est pas un CDI.

Quelles différences ?

Je vous renvoie au Code du Travail :

Article L122-14 :

L'employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. [...]

Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.

Article L122-14-2

L'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L. 122-14-1.

Article L122-14-3

En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Avec le CPE (et le CNE), ces articles ne s'appliquent plus. Ce n'est pas anodin. En pratique, cela signifie que l'employeur peut licencier le salarié pendant les 2 premières années de son contrat sans indiquer de motif, donc sans posiibilité de contester le licenciement. Voyez-vous la différence ?

2) "Les femmes enceintes seront autant protégées lors de la période de consolidation du CPE que dans le cadre d’un CDI classique."

Je crains de ne pas être d'accord avec cette vision des choses. Peut-être est-ce parce que j'ai travaillé longtemps

dans des petites entreprises ? Lors de la période de "consolidation", comme elle est appellée pudiquement, l'employeur peut licencier sans motif. Comment pensez vous qu'une femme enceinte licenciée d'un CPE va pouvoir se retourner légalement contre son employeur sans ce précieux motif ? Comment faire la preuve que c'est à cause de sa grossesse, et donc de son indisponibilité au travail pendant 4 mois au minimum, qu'elle aura été licenciée ? Comment demander à son employeur de faire la preuve que ce n'est pas pour ce motif qu'il l'aura licenciée ? Epineux problème... Avec un CDI, l'employeur est tenu de donner un motif, donc la discussion est ouverte, et des éléments peuvent être apportés aux prud'hommes par la femme enceinte poue se défendre et par l'employeur pour prouver sa bonne foi.

Avec le CPE, plus rien de cela.

J'ajoute que ce ne sont pas seulement les femmes enceintes qui risqueront leur place, mais aussi les lendemains de fêtes migraineux, les blessés (une foulure de la cheville au foot, c'est handicapant pour travailler, le savez-vous ?), les malades chroniques...

J'ajoute à cette liste les fortes têtes, les revendicatifs, ceux qui refusent les heures supplémentaires imposées, ou les trajets longues distances, ceux qui voudront prendre un jour de congé ce mardi là, ceux qui verront leur jour de récup déplacé au jeudi, ceux qui ne voudront pas utiliser leur véhicule personnel pour des trajets professionnels, ceux qui refusent de décaler leur congé de paternité, ceux qui demandent le remboursement de leur ticket de péage,
ceux
qui refusent une mutation imposée, ceux qui critiquent la gestion, ceux qui ne disent pas bonjour, qui ne font pas le café, qui ne sortent pas les ordures...

J'ajoute ceux qui seront maladroits un jour et casseront une pièce, ceux qui commettront une erreur, ceux qui seront moins performants, ceux qui laisseront pour une

fois filer une affaire, ceux qui perdront un client, ceux qui vendront moins cette semaine là ,ceux qui seront en retard ce jour là, ceux qui oublieront ceci, ceux qui n'auront pas fait cela, ceux qui auront fait ceci, ceux qui n'auront pas oublié cela...

J'ajoute aussi ceux qui trouvent la fille du chef mignonne, ceux qui rayeront accidentellement la voiture du chef, ceux qui croiseront le chef à la boulangerie après une nuit de bringue, ceux qui ne laisseront pas le chef gagner le match lors du tournoi du club de la petite ville, bref les raisons ne manquent pas de se retrouver dehors, raisons qui n'ont souvent rien à voir avec le travail.

Etes-vous prêts à ne plus avoir de garanties pendant 2 ans face au bon vouloir d'une seule personne ? Le fait de trouver un emploi qu'on ne trouverait pas par ailleurs vaut-il de telles contreparties ?

3) "Le CPE facilitera pour les jeunes l’accès au logement et au crédit."

Là, on nage en plein bonheur. Non seulement le CPE est un CDI, mais en plus il permettra plus de choses qu'un CDI ! Aujourd'hui, un CDI en poche, pas évident de trouver un logement ou un crédit.

Les bailleurs veulent des garanties mirobolantes. En plus de la caution, ils demandent des revenus supérieurs à 3 fois le montant du loyer, demandent des feuilles d'impôt, la garantie d'une tierce personne, etc. Croyez vous sérieusement que le titulaire d'un contrat encore plus précaire (2 ans sans savoir si on ne sera pas viré le lendemain !) pourra plus facilement se loger ? Connaissez vous des bailleurs qui loueront plus facilement à des CPE qu'à des CDI ? Connaissez vous des bailleurs qui loueront plus facilement à quelqu'un qui peut se retrouver avec 490€ par mois pour vivre ?

Quant aux banques, eh bien ! Les banques, elles prêtent à ceux qui peuvent rembourser. Aujourd'hui, et quels que soient leurs discours, les banques ne prêtent pas aux pauvres, et pas aux titulaires de CDI de moins d'un an, voire deux pour un prêt immobilier. Si vous en trouvez une, donnez moi son adresse, çà m'intéresse ! Comment pouvez vous croire qu'un banquier va prêter de l'argent à quelqu'un dont il ne sait pas combien de temps il va toucher son salaire ? Comment pouvez vous imaginer qu'un banquier va prêter à quelqu'un qui peut se retrouver avec 490€ par mois pour vivre ?

4) "Le CPE c’est la précarisation de l’emploi."

Avons nous la même définition de la précarité ? Selon le Larousse : "État de ce qui est précaire, dont la durée, la stabilité n’est pas assurée."

N'est ce pas exactement ce que prépare le CPE ? Un contrat de travail dont la durée n'est pas assurée. Pas un CDD, dont on sait quand il se terminera, et avec quelle indemnité. Pas un CDI, dont on sait qu'on ne peut être viré sans motif. Un CPE, dont on ne sait quand on sera viré pendant 730 jours, et dont on ne saura pas le motif ! Un contrat qui ne permettra pas plus de se loger ou d'emprunter, et qui met le salarié à la merci du bon vouloir de l'employeur !

J'ai conservé mon témoignage pour la fin.

Je travaille actuellement dans une très petite entreprise, qui compte 10 salariés. Dès le mois d'avril 2005, nous avions identifié un surcroît notable d'activité, pour une durée de 12 à 15 mois. Ces contrats demandaient l'embauche de 3 personnes supplémentaires. Des CDD ont été envisagés, puis des CDI. Le premier jeune a été embauché en CDI, car l'embauche ne pouvait pas attendre. Notre patron a repoussé l'embauche des deux autres après le 1er septembre, pour pouvoir embaucher en CNE. Le motif, l'unique motif, nous a été donné par oral : faciliter le licenciement de ces salariés si l'activité ne se poursuivait pas au-delà de 15 mois et "mettre la pression" sur les jeunes embauchés. En clair, nos deux jeunes collègues sont tenus de travailler et de la fermer, sans opportunités de formation ou d'augmentation, et ils savent déjà qu'ils ne seront pas conservés s'ils ne se bougent pas pour trouver eux-mêmes leur charge pour dans 15 mois. Notre patron fait donc reposer la poursuite de leur activité sur le bon vouloir de ces deux jeunes. J'espère seulement qu'ils ne nous planteront pas là avant la fin de leur mission, ce qui serait très préjudiciable à l'image de notre société. Mais moi, je peux dire cela à mon patron sans risquer le licenciement : je suis en CDI depuis plus de deux ans.

YR