Peaux noires et maillots bleus : commentaires
Je partage totalement leur analyse et souscrit à leur conclusion, qui rejoint le questionnement de la fin de mon billet précédent, sans toutefois entériner leur jugement sur M. Frêche, que je considère pour ma part comme un dangereux maladroit plutôt que comme un raciste convaincu.
Que disent MM. Boli et Ndiaye ?
Il est vrai qu'il existe de nombreux sportifs noirs dans des sports en vue, et qu'ils sont même majoritaires dans notre équipe nationale de football. Ce n'est pas être raciste que de le dire. La constatation faite, et admise, il faut l'expliquer.
Merci messieurs de me rejoindre sur ce constat.
Depuis l'entre-deux-guerres, la composition des équipes nationales de football a épousé l'histoire des migrations
[...]L'apport des ressortissants d'Afrique noire francophone dans la génération actuelle des équipes de France est net. [...]La forte présence de joueurs noirs sous le maillot bleu est donc liée aux vagues migratoires des quarante dernières années, en provenance de l'ancien empire colonial.
[...]
Absolument. Le football, sport populaire, est le reflet des classes populaires, car ils représent pour les enfants de ces classes un rêve d'accession sociale.
Pour Georges Frêche, il semble exister une contradiction entre le fait d'appartenir à une sélection nationale et celui d'être noir. Pour lui, les joueurs noirs de l'équipe de France sont des intrus, à demi-français, à admettre en petit nombre.Non, je ne pense pas que ce soit cela qu'il faut comprendre des propos de M. Frêche. Mais je comprend qu'ils aient pu être compris ainsi.
Dès le début du XXe siècle, on essaya d'expliquer l'apparition de sportifs noirs de haut niveau par des facteurs biologiques. [...] Au sein du football américain, les quarterbacks (meneurs de jeu) sont rarement noirs, tandis que les joueurs qui courent le plus (les wild receivers par exemple) le sont presque toujours : dans le premier cas, les qualités de stratège sont valorisées ; dans le second ce sont les qualités athlétiques qui priment. Les processus de sélection orientent les uns et les autres vers des spécialités différentes en fonction de stéréotypes raciaux.
Voilà le meilleur argument : les processus de sélection, mis en oeuvre par les "dominants", donc plutôt les blancs, fonctionnent sur des stéréotypes raciaux, conscients ou non.
Si de plus on constate que la sociologie des populations pauvres et sportives implique corrélativement une plus grande proportion de descendants d'immigrés, le résultat est celui qu'on observe.
Par contre, je ne sais pas si le même raisonnement vaut pour le football. Qui organise le jeu en équipe de France de football ?
ce n'est pas du côté de la biologie que l'on a trouvé, ou que l'on trouvera, une explication valable aux succès des athlètes noirs, mais du côté de l'organisation des sociétés, des opportunités socio-économiques, des structures sportives et de l'histoire de l'immigration. Pour beaucoup d'enfants noirs, le sport constitue un moyen de réussite sociale, et la réussite des aînés peut les conforter dans l'idée qu'il est un lieu où les discriminations raciales n'ont pas cours. Mais rares sont ceux qui accèdent à la gloire.
Complètement d'accord avec cette analyse.
Que M. Frêche se rassure donc : la forte présence de footballeurs noirs sous le maillot bleu n'est qu'un moment de l'histoire sociale de notre pays et des grands courants migratoires internationaux. "L'invasion noire" à laquelle il fait implicitement allusion témoigne d'une inquiétude soupçonneuse à l'égard des minorités visibles, comme si celles-ci devaient éternellement prouver qu'elles sont bien françaises.
Non, ce paragraphe est inutile à mon sens. M. Frêche ne fait pas référence à une "invasion noire". Ces termes, et même cette idée, ne sont pas dans ses propos. Attention à ne pas tomber dans la caricature !
Et puis, les Noirs ne sont pas trop nombreux à l'Assemblée nationale, au gouvernement, dans les conseils d'administration, dans les universités et les grandes écoles, n'est-ce pas ? Les Noirs sont situés dans les échelons les plus modestes de la société, et, pour eux, les réussites des équipes de France d'athlétisme, de basket et de football constituent une occasion de fierté et d'identification nationale. Par les temps qui courent, ce n'est pas rien !