31.7.07

La cohérence du programme de la droite

L’UMP fait passer texte sur texte pendant la session extraordinaire de cet été. Les textes sur le travail, emploi et pouvoir d'achat, celui sur le renforcement la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, celui concernant les libertés et responsabilités des universités sont déjà adoptés. Celui concernant le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs est sur les rails. L’ensemble de ces textes, traitant de sujets a priori divers, forme une cohérence idéologique que les français qui ont adoubé le condidat UMP et lui ont offert une majorité confortable n’ont peut-être pas bien perçue.

Quelle est cette cohérence ?

Elle comporte les axes suivants :

  • Individualisme : moi d’abord,
  • Affirmation de la présence d’une classe aisée : des mécanismes de concentration de la richesse,
  • Mise sous pression des pauvres et des déviants : flicage et répression pour les plus précaires.

Ces axes d’une véritable politique de droite n’étonnent pas venant d’un gouvernement conservateur, mais il est bon de les expliciter enfin pour que tous ceux qui ne font pas partie de la frange la plus aisée de la population puissent comprendre l’erreur monumentale qu’ils ont faites en confiant le pouvoir à celui dont ils ont cru qu’il pourrait mieux les servir.

I : Individualisme : moi d’abord

Cette notion suinte de l’ensemble des projets de loi cités en introduction. Je veux gagner plus d’argent et payer moins d’impôt, je veux être en sécurité, je veux la liberté d’action pour mon université, je veux pouvoir prendre le train et le métro tout le temps. A quoi on peut ajouter le débat sur carte scolaire : je veux choisir l’école de mes enfants. Ou celui sur l’immigration : je veux que les autres restent chez eux.

Ces demandes peuvent paraître légitimes. Mais elles révèlent un individualisme forcené. Car chacune des propositions précédentes peut être complétée. Je veux gagner plus d’argent même si pour cela d’autres ne travailleront pas. Je veux payer moins d’impôt même si cela signifie moins de solidarité. Je veux être en sécurité même si pour cela d’autres perdront leur liberté. Je veux la liberté d’action pour mon université même si cela doit empêcher certains de faire des études. Je veux prendre le train et le métro tout le temps même si cela doit empêcher d’autres de faire grève.

Toutes ces mesures ont en commun et pour inévitable conséquence de diminuer les solidarités et les moyens de redistribution existants. La baisse des charges sociales et des impôts, au vu des montants en jeu, ne sera probablement pas compensée par une hausse du PIB, même en gagnant un point de croissance par ailleurs. De plus, le choix de la sécurité pour soi en rognant les droits de tous est une grave erreur que Tocqueville dénonçait déjà en son temps. La liberté des universités est la porte ouverte à l’inégalité des diplômes entre universités cotées et les autres. Prendre les transports en faisant fi du droit de grève est la porte ouverte à ne plus pouvoir faire grève du tout.

Il s’agit donc bien pour ceux qui soutiennent cette politique d’accepter de restreindre leur accès aux biens collectifs (salaires indirects des cotisations, services publics financés par la collectivité) tout en espérant être parmi les individus qui sauront louvoyer dans le courant des réformes individualistes. Je gagnerai plus d’argent, je n’ai rien à me reprocher, je ferai les bonnes études, je ne fait jamais grève. Mais il faut un optimisme forcené pour penser en même temps qu’on ne sera jamais chômeur, jamais malade, jamais en difficulté financière, jamais rejeté par une école ou une université. Ou alors, il faut une sacrée confiance en soi. Confiance que confère souvent la puissance de l’argent.

Car en effet, qui bénéficiera de toutes ces mesures ? Pour le paquet fiscal, il s’agit d’individus qui travaillent déjà, qui sont déjà propriétaires, qui possèdent déjà de l’argent à transmettre, qui sont parfois soumis à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) ou encore les salariés les mieux payés qui pensent pouvoir financer leurs périodes de chômage ou de mauvaise santé par eux-mêmes. Pour la loi sur la récidive, ce sont ceux qui n’ont jamais affaire à la justice : des gens socialement insérés, sans difficultés matérielles, éduqués, et en moyenne commettant moins de délit (vols et violences en particulier). Pour la loi sur les universités, ce sont ceux qui ont accès aux meilleures écoles et universités. Il s’agit de gens qui ont un dossier favorable et qui pourront acquitter des droits d’entrée pouvant devenir élevés ainsi que les frais annexes des études (logement, transport, matériel…) Pour les transports, il s’agit de gens qui ne pensent pas devoir avoir recours à la grève, puisque le service minimum sera progressivement étendu à d’autres secteurs, comme l’a reconnu M. Mariton et comme le prévoient déjà des amendements d’élus corses en particulier. Donc plutôt des professions libérales, des commerçants, des entrepreneurs, des indépendants : ce sont les électeurs traditionnels de la droite, en moyenne.

Qui se reconnaît parmi ces individus ? Il s’agit d’une part minoritaire de la population française, très inférieure au nombre de voix portées sur le candidat UMP aux présidentielles…

II : Affirmation de la présence d’une classe aisée : des mécanismes de concentration de la richesse

C’est principalement le fait du « paquet fiscal ». Entre le bouclier fiscal et la quasi-suppression des droits de mutations (impôt sur les successions), les mécanismes de taxation de la richesse sont clairement mis à mal en faveur des plus riches. Le bouclier fiscal économisera en effet 250 millions d’euros par an aux mille familles les plus imposées, comme le relevait récemment Le Monde (citant un rapport du Sénat) tout en annihilant l’ISF, qui ne concerne que peu de contribuables. Quant aux successions, elles sont déjà exonérées, avant cette loi, dans plus de 90% des cas, car d'un montant trop faible. Il s’agit d’exonérer un peu plus les grosses successions. Avec ce paquet fiscal ,il s’agit donc bien de permettre à la frange de la population qui possède déjà les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines d’être encore moins taxée, tout en lui permettant de transmettre à sa descendance encore plus de patrimoine. Les heureux enfants bénéficiaires de ces mannes n’en auront que moins de difficultés à débuter dans la vie ou à consolider leur patrimoine avant de le transmettre à leur tour, tout en ayant profité des conditions de vie de leur parents pour vivre une jeunesse confortable.

Ajoutons à cela que les mécanismes mis en jeu dans la suppression programmée de la carte scolaire ou l’autonomie des universités sont prévus pour permettre une meilleure reproduction de classe, les enfants des familles les plus aisées ayant suite à ces mesures encore plus de facilité à choisir les établissements les plus huppés, les mieux côtés, permettant les meilleures études avec les meilleurs résultats et l’accès aux filières les plus prestigieuses. On me rétorquera qu’il faut travailler dur pour réussir dans les meilleures filières. C’est sans doute vrai. Mais encore faut-il pouvoir y accéder avant de prétendre faire valoir sa force de travail intellectuel… L’organisation de l’éducation proposée par le gouvernement UMP va au contraire rendre encore plus difficile l’accès aux « bonnes » filières aux enfants des classes défavorisées sociologiquement et géographiquement.

Quant aux salariés qui pensent pouvoir gagner plus d’argent en travaillant plus, ils font un bien mauvais calcul, car ils raisonnent toutes choses égales par ailleurs. Ils semblent penser qu’ils continueront à bénéficier des mêmes aides sociales, de l’école gratuite, de l’université abordable, de la santé quasi gratuite, etc. Mais les réformes en cours concernant l’école (école plus lointaine ?), la santé (franchise) ou les retraites (allongement de la durée de cotisation principalement) sont de nature à coûter cher aux salariés qui devront payer la différence de leur poche. Sans aller jusqu’à émettre l’hypothèse d’une privatisation prochaine de la sécu et des retraites, les complémentaires risquent d’être de plus en plus coûteuses. Où est alors le bénéfice des heures sups imposées ?

Ajoutons encore une chose : travailler plus, c’est aussi risquer plus de maladie professionnelle. L’espérance de vie est déjà plus faible pour les travailleurs de niveau les moins élevés. Augmenter les amplitudes de travail ne va certainement pas aider à augmenter l’espérance de vie, quand la pénibilité reste constante et que les gains de productivité consécutifs aux 35 heures restent en place (cadences élevées acceptables quand on travaille 7 heures par jour, mais pas si on travaille 9 heures par jour, par exemple). Ces conséquences prévisibles sur la santé des salariés semblent mal prises en compte par ceux qui se réjouissent d’aller gagner un peu plus à travailler plus.

De même travailler plus, ce sont des coûts en plus : frais de garde des enfants quelques heures de plus, prendre sa voiture plutôt que le bus qui ne passe pas plus tard, etc. Tout cela est-il vraiment pris en compte ? Au final, si on ajoute que des aides sociales peuvent être perdues pour cause de dépassement de seuil fiscal, il n’est pas du tout évident qu’il soit très intéressant de travailler plus !

III. Mise sous pression des pauvres et des déviants : flicage et répression pour les plus précaires

Ce volet a déjà bien été engagé par les lois Sarkozy/Perben sous le quinquennat précédent : fichiers de données biométriques, télésurveillance, extension des droits de police et de douanes, conservation des données informatiques, etc. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, un arsenal législatif énorme permet aujourd’hui de réprimer un très grand nombre de situations que les français pensaient « normales » : les villes sont sous surveillance vidéo, les attroupements et manifestations sont dispersés avec encore moins de ménagement, les personnes « atypiques » sont contrôlées à vue, les squats sont évacués, les étrangers sont détenus et renvoyés dans des conditions surprenantes pour un état moderne, etc.Aujourd’hui, malgré l’arsenal existant, on nous propose de frapper plus durement encore les récidivistes et de lutter encore plus contre l’immigration.

Sans faire d’angélisme, il est évident qu’il faut apporter des réponses aux difficultés rencontrées quand les actes de délinquance surviennent ou quand les immigrés illégaux ou non se retrouvent dans des situations impossibles. Mais pourquoi uniquement réprimer ? Pourquoi ne proposer que l’emprisonnement pour les uns et l’éloignement pour les autres ? Cette volonté ne semble participer qu’à protéger le corps social de ces individus tenus pour nuisibles. Plutôt que de proposer les moyens de réinsérer et d’accueillir, on stigmatise et on exclut. Où est la logique ?

C’est la logique de gens qui ne veulent plus être dérangés par des gens différents, qui ne supportent la misère que quand elle reste dans ses ghettos, qui ne supportent les étrangers que quand ils jouent au foot pour l’équipe locale (et qu’ils font gagner la dite équipe). La remise en cause du droit de grève procède de la même logique. Il faut que les transports (et les autres secteurs bientôt) soient le moins perturbés possible. Pourquoi ? Pour que les gens puissent aller travailler, essentiellement, et ainsi rapporter à leur employeur. Il faut que l’économie, tenue par ceux-là même qui continueront d’engranger les richesses à leur principal profit, puisse continuer de faire fructifier le capital. Nul principe de liberté d’aller et venir ou de liberté de travailler là-dedans, mais bien la préoccupation de maximiser les taux d’utilisation de l’outil de production ou des services. Pour le plus grand bien des salariés, juré ! Et donc de leur employeur et de ses actionnaires, au passage.

Les salariés ne peuvent pas refuser de faire des heures sups, la loi actuelle a bien veillé à ne pas changer cela, malgré les promesses répétées du candidat UMP (« travailler plus pour gagner plus, pour ceux qui le souhaitent »). Il est donc impossible de refuser des heures sups. De même qu’il sera bientôt impossible de refuser de travailler le dimanche, si l’employeur l’impose. A l’heure du précariat (l’intérim ne s’est jamais aussi bien porté), il va faire de moins en moins bon être salarié sous pression.

IV. Conclusion

La somme de tous ces textes, les premiers de l’ère Sarkozy, démontre l’incroyable cohérence de la politique proposée : favoriser ceux qui possèdent déjà la richesse, pour leur permettre de l’accroître encore plus facilement.

Il n'est pas immoral de vouloir s'enrichir, mais pas au détriment de l'équilibre social. L’objectif affiché est certes de faire augmenter la croissance (vous lisez bien : augmenter la croissance. La France n'est pas en déclin !) en permettant à ces capitaux nouvellement acquis de faire levier dans l’économie française. L’idée de base est donc de favoriser l’offre économique. Cependant, sans aucune garantie de réussite macroéconomique, les français les plus riches continueront pourtant de s’enrichir, tout en diminuant les recettes de l’Etat, en déstructurant les solidarités et en mettant à bas le principe d’égalité des chances, en faisant passer l’individu avant la société.

Au-delà de cette accentuation de l’écart des richesses entre riches et pauvres, politiquement voulue par Sarkozy et l’UMP, la mise sous surveillance de l’ensemble de la société et la répression accrue des comportements déviants n’est pas de bonne augure pour ceux resteront sans emploi, précaire ou pauvre. Ceux-là bénéficieront moins de l’assistance publique désargentée et privée de bras (un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, nous assure t’on !) et ne pourront plus compter sur l’école républicaine pour voir leurs enfants s’en sortir. Car les meilleures écoles seront inaccessibles aux enfants des quartiers pauvres, trop mal fréquentés ou trop éloignés des « bonnes » écoles, souvent celles des centre-villes aux logements trop chers. Quant à l’université, elle risque d’accueillir encore moins d’enfants des couches dites populaires puisqu’ils réussiront encore moins dans des écoles de seconde zone et que des barrières sont mises en place lors de l’inscription (pré-choix obligatoire puis conseil d'orientation) puis lors des cursus en fac (sélection en début de Mastère ?). Les enfants des familles pauvres étant par ailleurs souvent les plus criminogènes, il y a fort à parier que ce sont eux qui iront peupler les nouvelles prisons bâties par la droite pour assurer la paix sociale des plus riches d’un côté et des pas trop pauvres de l’autre.

Belle société que nous prépare cette droite décomplexée. Mais en toute cohérence idéologique et avec l’arrogance de ceux qui pensent faire ce pour quoi on les a élus. C’est d’ailleurs le plus difficile à comprendre dans ces dernières élections : comment le candidat des déjà riches a t’il pu se faire passer pour le candidat des encore pauvres ? Comment aujourd’hui au vu des textes déjà adoptés et de ceux annoncés est-il encore possible de se faire des illusions et espérer être de ceux qui seront plus aisés dans 5 ans, si on n’est pas déjà bien doté ? Mystère.


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24.7.07

Ce qui est gratuit n'a pas de valeur

C'est le slogan proféré par Mme Pécresse, Ministre de la Recherche, ce matin au micro de France Inter.

Ce qui est gratuit n'a pas de valeur...

Peut-on imaginer meilleure synthèse des idées de l'UMP dans cette phrase ?

Visée par cette saillie, la gratuité de l'enseignement, pour justifier que l'entrée à l'université soit payante. Mais c'est plus que cela qui est résumé dans cette phrase.

C'est l'idée libérale qu'il ne saurait y avoir de repas gratuit [anglais]. Si vous ne payez pas pour quelquechose, quelqu'un le paie pour vous. Cette idée qui semble insupportable à Mme Pécresse est pourtant la base de ce que la gauche appelle la solidarité : grossièrement, certains, qui en ont les moyens, payent pour d'autres, qui n'en ont pas les moyens, de façon à permettre l'accès à tous à certains services, dits publics. Cela pour limiter la pauvreté et créer les conditions d'une société plus vivable pour tous.

En France, sont ainsi financés : la gratuité de l'école publique, la gratuité de la santé, la gratuité de l'accès à l'administration, la gratuité de l'aide juridictionnelle, la gratuité de la police, la gratuité de nombreux services publics pour les plus pauvres, etc. Tout cela est "gratuit", dans le sens où il n'est pas nécessaire de sortir sa carte bleue avant d'être pris en charge par les pompiers ou pour entrer dans une classe. Tout le monde sait que cela a un coût. Ce coût est pris en charge par la collectivité, et chacun, à sa mesure, doit contribuer au financement de cela pour que tou le monde puisse en bénéficier.

Est-ce cette "gratuité" qui n'a pas de valeur ? Probablement, puisque le gouvernement auquel appartient Mme Pécresse, dans la droite ligne des gouvernements précédents dirigés par le même parti, souhaite revenir sur la gratuité des soins, déjà mise à mal, ainsi que sur pas mal d'autres moyens de redistribution. De même, ce gouvernement s'acharne à limiter les prélèvements sociaux et les impôts, ce qui a pour conséquence de ne pas pouvoir continuer à financer de manière collective les services publics. C'est le même mouvement qui conduit à l'individualisation des prestations. Face à la redistribution et à la mise en commun de ressources, la droite souhaite que chacun finance uniquement ce qu'il souhaite : son éducation, sa santé, éventuellement son chômage et sa retraite. Dans le programme de la droite, seules la justice et l'armée restent financées par les deniers publics.


Sous le clinquant et les annonces, c'est bien ce genre de conviction qui fonde l'action politique de ces dirigeants de droite : ce qui est gratuit n'a pas de valeur... Pour sourire un peu, on peut également penser que les élections sont gratuites. Doit-on en conclure que leur résultat n'a pas de valeur ? A entendre Mme Pécresse, il semble bien que cela soit le cas.

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23.7.07

France Inter prend le pli de l'information d'Etat

Ce matin sur France Inter, trois moments qui m'auraient semblé impensables il y a quelques années. Cette station de radio, publique, financée par nos soins, semble avoir pris complètement le pli de l'information d'Etat.

Premier moment, la visite de Mme Sarkozy en Libye.

Deuxième moment, le choix du terme d' "assistance" pour parler d' "aide sociale".

Troisième moment, l'intervention d'un membre de la Commission Sarkozy chargée de réfléchir (tu parles !) aux évolutions souhaitables des institutions.

La visite de la femme du chef de l'Etat en territoire étranger est un récidive. Cette personne, qui ne possède aucune fonction officielle, aucun mandat, aucune mission, est l'envoyée de la France en Libye. Elle n'est pourtant pas ministre des affaires étrangères, elle n'est pas un diplomate, mais elle est la femme du président français. Et France Inter de rapporter le fait, comme s'il était anodin et normal. Pas un questionnement, pas une remarque. Des faits, rien que des faits. Une investigation poussée pour rapporter aux citoyens français les conditions de ce voyage : un avion présidentiel, affrêté par qui ? Par nous. Pour faire voyager qui ? La femme du président. Qui a quelle mission ? Délivrer les infirmières bulgares et le médecin palestinien et les rappatrier en Bulgarie. Très bien ! Au nom de qui ? Heu... Avec quelle légitimité ? Heu... Avec quel financement ? Houla ! Bref, un grand moment de journalisme, comme France INter sait trop bien les fabriquer depuis quelques temps.

Le choix du terme "assistance" pour parler des aides sociales est lui aussi sympomatique. Qui martèle ce terme, en lieu et place d' "aide sociale", peu connoté ou de "solidarité", certes plus connoté "de gauche" ? L'UMP, depuis des années. Le candidat Sarkozy depuis des mois. Les députés UMP depuis des semaines. Pourquoi le choix de ce mot, dans ce cas ? Pourquoi répéter que l'aide sociale, qui est un droit, pour laquelle les gens reçoivent un revenu indirect, qui permet d'éviter les situations de très grande pauvreté et de maintenir un semblant de dignité chez ceux que la vie n'a pas gâtés, pourquoi donc le nommer "assistance" en reprenant la connotation UMP de ce mot ? Seule réponse possible, qui me désole : France Inter est aux ordres d'une rédaction qui a choisi un camp. Dur à avaler, hein ?

L'intervention du membre de la Commission maintenant, grand moment d'interview. Florilège : "le pouvoir présidentiel ne saurait être renforcé, il est déjà très grand", "permettre l'intervention du Président devant l'Assemblée profitera avant tout à l'Assemblée", "la présence obligatoire des députés à l'Assemblée permettra de rendre du pouvoir aux députés face au gouvernement qui a pris l'habitude de faire passer ses textes devant une Assemblée vide", "l'obligation de siéger deux jours par semaine n'est pas trop demander aux députés. Il y aura retenue sur salaire pour les absnets". Est-il possible de laisser quelqu'un enfiler des perles sans oser le reprendre une seule fois ? Cela ne s'appelle t'il pas, en langage courant, "servir la soupe" ? Quel est l'intérêt, pour France Inter, de relayer de telles propos, sans oser une remise en perspective, sans parler même d'une remise en place. Quelques idées ?
Allez, je suis en verve :
- Le pouvoir présidentiel ne saurait être renforcé ? Ne peut on imaginer pourtant un régime ou le premier ministre disparaitrait au profit du président ?
- L'intervention du Président directement à l'Assemblée profitera à celle-ci ? Cela signifie t'il que l'Assemblée pourra poser des questions au Président ou voter une motion de défiance, voire de censure, un genre d'empêchement ou de destitution directe ?
- Comment la présence massive de députés pourrait-elle changer quoi que ce soit au résultat des votes d'une majorité godillot, puisque les députés sont majoritairement du côté du gouvernement ?
- Les députés ont un salaire ? Tiens ? Depuis quand les indemnités parlementaires font-elles office de salaire ?

Bref, un peu de journalisme de base aurait pu avantageusement remplacer la louche que tenait ce matin l'intervieweur... Mais à quoi bon poser des questions qui dérangeraient le calme feutré qui règne dans le studio d'une radio d'Etat ?

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13.7.07

Montebourg transperce le bouclier fiscal

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cra/2006-2007-extra/011.asp


M. Arnaud Montebourg - D’abord, pour éviter tout malentendu, l’opposition ne vise, par ses interventions, qu’à éclairer l’opinion. Elle souhaite que le débat avance et ne pratique pas l’obstruction. Elle veut seulement, avec conviction, dénoncer des mesures dont Mme la ministre a dit elle-même qu’elle n’en mesurait pas tout à fait l’impact. Or, ces choix engagent le pays. Nous voulons donc savoir combien cela coûte, combien il y a de bénéficiaires.

Demain, vous vous trouverez devant une équation impossible à résoudre, le Président de la République ayant annoncé qu’il voulait diminuer les recettes et augmenter les dépenses, tout en désendettant le pays. C’est irréalisable, et certains députés de l’UMP ou du Nouveau Centre ont commencé à le comprendre. En outre, il y a la contrainte européenne. Mme la ministre nous a dit qu’elle était revenue de Bruxelles sous les applaudissements des gouvernants européens. Or, M. Quatremer, qui est un journaliste émérite et prudent, nous révèle ce matin qu’il y a eu en réalité un accrochage avec M. Steinbrück, le ministre des finances allemand, mécontent de voir la France distribuer 13 milliards de cadeaux fiscaux et renvoyer l’équilibre des finances publiques à 2012.

Vous vous trouvez donc devant une contradiction insurmontable. Il vous faut justifier un bouclier fiscal qui concerne à peine 10 000 contribuables, pour un demi-milliard, et dont le but est de supprimer l’ISF. Il s’agit, paraît-il, d’améliorer l’attractivité du territoire. Mais une association des exilés fiscaux l’a dit pendant la campagne électorale : le taux de 50 % ne leur suffit pas. Et on le comprend, quand, à nos portes, des paradis fiscaux ont pratiquement réduit à rien l’imposition du patrimoine et du capital. Injuste, votre mesure est aussi inefficace. À quoi bon courir derrière des régimes qui consentent des forfaits à la tête du client ? Les grandes fortunes ne reviendront pas. Pendant ce temps, nos finances publiques accumulent les pertes sèches, et les autres catégories sociales paieront pour les cadeaux faits aux riches. Du reste, si l’ISF disparaît pour les catégories très supérieures, il subsiste pour les classes moyennes, pour ceux qui n’ont qu’un appartement en centre ville et paieront avec leur travail cette politique injuste et inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

12.7.07

Sarkozy pas si à l'aise devant l'Eurogroupe

Suite à mon message précédent, je découvre l'article de Jean Quatremer dans Libération.

Où on découvre la réalité, passée inaperçue en France : Sarkozy s'est fait remonter les bretelles, comme on pouvait s'y attendre, par les ministres des finances européens, qui ont assez mal pris l'intention du président français de s'asseoir sur les engagements du gouvernement précédent en matière de réduction des déficits...
«Nicolas Sarkozy ne s’attendait manifestement pas à cette levée de boucliers», raconte un témoin : «Cela a été un feu nourri contre la France. Tous les minPublier le message blogistres se sont exprimés pour lui dire leur inquiétude.» Un accrochage tendu a même eu lieu avec Peer Steinbruck, le grand argentier allemand, furieux de voir la France distribuer treize milliards de cadeaux fiscaux et renvoyer l’équilibre des comptes publics à 2012, à la fin du quinquennat, alors que les treize pays de la zone euro se sont engagés en avril sur la date de 2010.
Merci, M. Quatremer.

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11.7.07

Qu'a promis Nicolas Sarkozy devant l'Eurogroupe ?

Nicolas Sarkozy a pris la parole devant l'EUROGROUPE, réunissant les ministres des finances européens et, entre autres, le président de la BCE. Il a ainsi outrepassé se fonctions pour prendre la place de Christine Lagarde.

En France, dans les journaux, l'intervention de Sarkozy est présentée comme un triomphe. L'Eurogroupe aurait donné sa "bénédiction" à Sarkozy ("Sarkozy obtient la bénédiction de l'Eurogroupe sur les déficits", selon lemonde.fr le 9/7/2007)...

Mais qu'a donc dit Sarkozy ?

Il faut aller sur le site du gouvernement luxembourgeois pour trouver les mots de Juncker, le président de l'Eurogroupe :
"Nous avons retenu l'engagement du Président français et de son gouvernement de tout faire pour arriver à l'objectif de moyen terme en 2010.

[...]

Il y a trois éléments importants:

D'abord, nous disons Oui à ce programme ambitieux de réformes structurelles en France.

Deux: nous tenons beaucoup à ce qu'aucune espèce de contradiction ne soit établie entre la volonté de réformes et la volonté de consolider. Le président nous a dit que le déficit en 2008 serait inférieur au déficit prévisionnel de 2007. Nous avons dit à Berlin, le 20 avril, que de grands efforts devaient être faits pour que tous les pays devraient être à leur objectif à moyen terme en 2010. Le président nous a dit qu'il allait dépenser tous les efforts généralement quelconques pour y être.

Trois: nous voulons penser que le programme de réformes qu'il engagera se traduira par un plus de croissance - si je peux me permettre de citer le Premier ministre français "d'avoir ce point de croissance qui manque à la France" - le Premier ministre qui avait dit à l'Assemblée nationale "qu'au plus tard" en 2012 la France serait au rendez-vous.

Le président nous a beaucoup rassurés sur sa volonté d'y être en 2010. L'important est le soulagement qui est le nôtre de voir la France engagée sur une piste de réformes qui sera au plus grand bénéfice non pas seulement des Françaises et des Français, mais également de l'Europe toute entière.

Donc le message de ce soir est : oui aux réformes, oui à l'intention du président - puisque cela correspond à notre attente - d'être à l'objectif à moyen terme en 2010, ne pas donner le signal que réformes et consolidation seraient des concepts contradictoires, parce que si on donnait cette impression - que le président n'a pas donnée ce soir - il se pourrait très bien que les efforts de consolidation dans d'autres pays seraient ralentis. Le président a explicitement encouragé les autres pays de rester sur la piste qu'ils ont prise et de maintenir leur volonté à laquelle il se sont engagés."

L'Eurogroupe a donc pris note de l'engagement de la France, par la voix de son Président, de satisfaire aux critères de Maastricht en 2012, peut-être en 2010, en espérant que les réformes engagées par le Président français permettront d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, à savoir obtenir "le point de croissance qui manque".

Suis-je le seul à m'étonner que l'Eurogroupe puisse se satisfaire d'un tel effet d'annonce ?

Suis-je le seul à m'étonner que l'Eurogroupe semble oublier que la France ne respecte plus les critères de Maastricht depuis 2003, avec un dépassement des 60% du PIB par la dette française ?

Suis-je le seul à m'étonner que les promesses faites il y a moins de 6 mois par le gouvernement français, dont Nicolas Sarkozy était le n°2, à savoir retrouver un équilibre budgétaire dès 2010, soient si vite oubliées ?

C'est à croire que la seule chose qui intéresse l'Eurogroupe est que la France revienne dans les clous, même si pour cela elle se dote d'une fiscalité enrichissant encore les plus aisés, même si elle doit vendre quelques bijous de famille (EDF, AREVA...) , même si les fonctionnaires français doivent être moins nombreux...

C'est cela, l'Europe que veut l'Eurogroupe ? Pas étonnant que certains rechignent, en particulier en France, où la purge du docteur Sarkozy risque de rapidement faire des déçus et des aigris.

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10.7.07

Une proposition de loi du sénat pour la reconnaissance des bulletins blancs

Il y avait déjà eu des propositions de loi en ce sens à l'Assemblée nationale lors de la dernière législature (la XIIème).

On peut citer les propositions suivantes :
N° 0133 - Proposition de loi relative à la reconnaissance du vote blanc (M. André Gerin)
N° 211 - Proposition de loi de M. Thierry Mariani : code électoral - reconnaissance du vote blanc aux élections
N° 216 - Proposition de loi : reconnaissance du vote blanc (Georges Colombier) n°216, n°280, Proposition de loi n° 299 de M. Lionnel Luca sur le vote blanc,
N° 0486 - Proposition de loi sur la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé (M. Dominique Paillé)
N° 0501 - Proposition de loi de sur la reconnaissance du vote blanc aux élections (M Jean-Pierre Abelin)

Pas moins de 7 propositions de loi différentes ont été faites : aucune n'a été portée à l'ordre du jour...

Aujourd'hui le Sénat s'empare de ce sujet et propose une loi dont la teneur est très proche de celle présentée par Thierry Mariani le 24 septembre 2002.

Cinq ans de perdus pour une réforme dont on peut penser qu'elle permettra de redonner du tonus à la participation électorale.

En effet, beaucoup de citoyens ne se déplacent pas car ils ne se reconnaissent pas dans les candidats en lice. Plutôt que de déposer un bulletin blanc, synonyme encore aujourd'hui de bulletin nul dans les décomptes, ces citoyens préfèrent rester chez eux.

En prenant en compte le vote blanc pour ce qu'il est, c'est à dire un refus des candidats en lice, et en tenant compte de ces bulletins blancs dans les suffrages exprimés, on donne un pouvoir de rejet aux citoyens face à des candidats qui ne sauraient pas rassembler.

Ce moyen paraît nécessaire à notre démocratie dans laquelle des élus peuvent se targuer d'une légitimité avec moins de 60% de votants...

Cependant, pour aller plus loin que les sénateurs ne le font, il faudrait également prévoir un seuil de bulletins blancs au-delà duquel l'élection est annulée. 15% ? 25 % ?

Un tel mécanisme permettrait de renvoyer chez eux un lot de candidats vraiment trop peu rassembleurs en obligeant à en présenter d'autres. Bien entendu, l'annulation ne pourrait avoir lieu qu'une fois, et seulement au premier tour dans le cas de votes à deux tours.

Enfin, compter les bulletins blancs comme exprimés permettrait de mieux mesurer la légitimité des élus, qui ont tendance à compter les abstentionnistes et les votes blancs comme des sous-citoyens et à présenter leur pourcentage de voix en chiffres exprimés plutôt qu'en chiffres bruts, ce qui est plus flatteur.

Bien entendu , une telle réforme ne viendra pas faire voter blanc les anti-systèmes. Mais elle pourra faire venir aux urnes des gens qui veulent exprimer leur mécontentement d'une certaine classe politique qui s'intéresse plus à cumuler les mandats et à les renouveller ad vitam aeternam plutôt que de gouverner ou de contrôler ou de décider de l'affectation des crédits pour le bien commun.

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9.7.07

Travailler plus pour gagner plus, pour ceux qui le souhaitent ?

Tout le monde a en tête le slogan de Nicolas Sarkozy : "Travailler plus pour gagner plus".

Mais qui a encore en tête la seconde partie de ce slogan ?

Car Nicolas Sarkozy n'a pas répété son mantra sans y adjoindre régulièrement une subordonnée.

Un peu comme Rocard doit sans cesse rappeler qu'il n'a pas seulement dit que "la France ne peut accueillir toute la misère du monde", comme veulent le faire croire ses détracteurs et certains cyniques, mais qu'il a aussi rajouté "qu'elle doit savoir en prendre fidèlement sa part", Nicolas Sarkozy a dit autre chose que son seul "travailler plus pour gagner plus".

Ainsi, lors de son discours à Saint Quentin le 25 janvier 2007, il a affirmé :
"Je propose de supprimer les charges et les impôts sur les heures supplémentaires pour que ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus soient encouragés à le faire, sans que personne y soit obligé."
C'est ce qu'il disait déjà le 1er décembre 2006 devant les hotelliers :
"Mon programme, c’est de garantir à chacun la liberté du travail. Mon projet de société, c’est le libre choix. Si quelqu’un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire."
C'est ce qu'il assénait à Périgueux le 12 octobre 2006 :
"Je propose que les heures supplémentaires soient exonérées de toutes charges salariales et de tout impôt pour que ceux qui veulent travailler davantage pour gagner plus puissent le faire. C’est la liberté de travailler plus pour gagner plus ou de travailler moins pour gagner moins."
C'est ce qu'il promettait le 18 décembre 2006 aux personnels médicaux :
"Qui pourrait refuser à nos infirmières, à nos aides soignantes qui font un travail extraordinaire et tellement difficile de travailler plus pour gagner plus si elles le souhaitent ?"
On le voit, le "travailler plus pour gagner plus" est indissociable dans le programme de Sarkozy de "pour ceux qui le souhaitent".

Pourtant, certains avaient noté très tôt dans la campagne, comme Jean-Luc Mélenchon pour le PS, que le salarié n'est pas libre de choisir de travailler plus. Le code du travail prévoit en effet la subordination du salarié à son employeur et le fait de refuser des heures supplémentaires est une faute grave, susceptible de licenciement.

Cependant, dans le Projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, nulle mention de la liberté de choix des travailleurs.

Mme Billard, députée verte, s'en est émue. Bien que dans l'opposition, elle a donc proposé un amendement disposant que "le refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires à l’initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement".

Cette disposition, dans l'exact ligne de la proposition de Nicolas Sarkozy, aurait donc du être logiquement inscrite dans le nouveau texte, afin d'en préciser la portée.

Las ! M. Tian, rapporteur de la Commission de des affaires culturelles, familiales et sociales, n'a pas jugé bon de conserver cet amendement et l'a donc refusé, se mettant ainsi en contradiction avec les promesses du Président Sarkozy.

Le projet de loi qui impose donc le "travailler plus pour gagner plus" oublie volontairement la suite de la promesse : "pour ceux qui le souhaitent".

Sans cette possibilité donnée aux salariés de refuser des heures supplémentaires, voilà le "travailler plus pour gagner plus" imposé à tous les salariés, qui devront, sous peine de perdre leur emploi, se plier aux exigences de leur employeur, tant que les limites des 220 heures supplémentaires annuelles et des 48 heures de travail hebdomadaire n'auront pas été franchies.

Il est encore temps de rappeler à M. Tian et aux députés UMP l'entière promesse de leur candidat élu.

"Travailler plus pour gagner plus", oui, mais seulement "pour ceux qui le souhaitent"...

[Mise à jour]
Ci-dessous l'extrait du débat à l'Assemblée sur ce thème :

M. Roland Muzeau – Notre amendement 142 vise à protéger le salarié qui refuserait d'exécuter les heures supplémentaires proposées par son employeur.

En effet, contrairement à ce que vous vous plaisez à laisser croire, les salariés ne sont pas libres de travailler plus ou moins, ils ne négocient pas d'égal à égal avec leur employeur leur temps de travail – ni leur salaire. Le thème du code du travail qui enserre et du contrat qui libère est développé pour accréditer l’idée de l'inutilité de la législation sociale, mais la liberté dont on parle tant n’est ici que pure fiction. Comme le souligne Philippe Waquet, « le contrat de travail est la seule convention qui établisse une relation de subordination entre les parties : le salarié doit obéir au patron ».

S'agissant des heures supplémentaires, la jurisprudence a confirmé que le refus sans motif valable – telles des obligations familiales dûment justifiées – de les accomplir pour effectuer un travail urgent constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, et même dans certains cas une faute grave. Si nous sommes d’accord pour qu'un salarié volontaire puisse effectuer ponctuellement des heures supplémentaires proposées par l’employeur, nous voulons que cela relève de son choix ; il nous paraît donc indispensable de préciser que son refus ne constitue pas une faute ni un motif de licenciement. Cette garantie ne nuirait en rien à votre dispositif.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Cet amendement vise, lui aussi, à modifier le code du travail. Or le système actuel est équilibré : il faut donner à l’entreprise les moyens de faire face à des « coups de feu », d’où l’affirmation d’un principe qui est néanmoins, comme vous l’avez dit vous-même, atténué par la jurisprudence, laquelle reconnaît la validité de certains motifs de refus. On peut compter aussi sur le bon sens de la plupart des employeurs.

M. le Secrétaire d'État – Le législateur a donné aux partenaires sociaux la possibilité de négocier, par branche ou par entreprise, le contingent d’heures supplémentaires. Cela assure aux salariés une protection contre les demandes injustifiées des employeurs. Le Gouvernement est hostile à la remise en cause de ce système.

M. Alain Vidalies – Nous ne proposons pas la remise en cause d’un principe, mais l’instauration d’une protection minimale pour le salarié. Lorsqu’il s’agit de la liberté du chef d’entreprise, vous ne tolérez aucune limite, mais lorsqu’il s’agit de restreindre les droits des salariés – on le verra bientôt à propos du droit de grève –, vous êtes beaucoup plus empressés !

Nous proposons par notre amendement 271 d’appliquer aux heures supplémentaires les limitations qui existent déjà dans le code du travail pour les heures complémentaires. Qu’y a-t-il d’extravagant à demander qu’on respecte la vie privée du salarié, en l’informant suffisamment à l’avance du jour où il devra effectuer d’heures supplémentaires, et en acceptant comme motif de refus des obligations familiales impérieuses ou le suivi d’un enseignement ?

M. le Rapporteur général – Rejet, pour les raisons que je viens d’indiquer.

M. le Secrétaire d'État – Même position.

M. François de Rugy – Je voudrais apporter mon soutien à ces amendements ; Mme Billard en avait d’ailleurs déposé un dans le même sens. On parle beaucoup de liberté, mais il faut respecter celle du salarié qui ne souhaite pas faire d’heures supplémentaires ! Pensons à celui – souvent une femme – qui s’est organisé pour travailler quatre jours par semaine et qui, si on lui demande de travailler plus, sera obligé de payer quelqu’un pour garder ses enfants, et donc perdra du pouvoir d’achat au lieu d’en gagner !

M. Roland Muzeau – Je ne peux accepter la réponse de M. le secrétaire d’État : il ne s’agit pas ici de questions qui relèvent des négociations de branche, mais de la relation entre les salariés – qui ont droit à une vie personnelle – et leur employeur.

M. Francis Vercamer – Cette discussion m’étonne un peu : ceux qui aujourd’hui proposent de modifier le code du travail nous disaient il y a quelques mois qu’il ne fallait surtout pas y toucher sans passer par les partenaires sociaux…

M. Alain Vidalies – Proposez donc le retrait du projet !

M. le Rapporteur général – Quand on a réduit autoritairement le temps de travail en passant de 39 à 35 heures, on a en général provoqué une exacte compensation en heures supplémentaires, sans que celles-ci soient mieux rémunérées. A cette époque, nul n’a réclamé de modifier le code du travail. Pourquoi lancer ce débat à propos d’heures supplémentaires qui, elles, seront mieux rémunérées ? Un peu de cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Delaunay – Ces derniers jours, nous avons entendu répéter comme une antienne que le Président Sarkozy tenait ses engagements. Or durant la campagne présidentielle, il a affirmé à maintes reprises qu’il voulait que celui qui souhaite travailler plus puisse le faire. La loi contredit totalement cet objectif, puisque rien n’est laissé à la liberté du travailleur – il ne peut choisir ni de ne pas faire d’heures supplémentaires, ni d’en faire. Cela seul devrait suffire à nous convaincre de voter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).


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8.7.07

J'en avais parlé, la Commission des finances l'a fait

AMENDEMENT N° 77
présenté par
M. Carrez, Rapporteur général
au nom de la commission des finances
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ARTICLE 6
Après l’alinéa 29 de cet article, insérer l’alinéa suivant :
« L’avantage fiscal prévu au présent article ne s’applique pas aux souscriptions au capital
d’une société dans laquelle le redevable ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de
solidarité ou son concubin notoire bénéficie des dispositions des articles 885 O et 885 O bis. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement tend à éviter des risques d’optimisation fiscale consistant à souscrire au
capital de sa société ou de celle d’un membre du foyer fiscal.

-----------
Cet amendement répond à la remarque que je me faisais dans le billet précédent. S'il est voté, il permettra d'éviter que des gens investissent leur ISF dans leur propre entreprise. Ce qui est heureux, mais qui n'était pas présent dans le texte initial...

Quelle influence ce blog peut avoir, n'est-ce pas !

Mais notons tout de même que seul le "conjoint" au sens large est concerné. Pas les enfants, ou les parenst, les frères, soeurs, oncles, tantes et cousins... Les entreprises familiales n'ont pas encore trop de souci à se faire...

6.7.07

Avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi en faveur du travail, etc.

Il est toujours bon d'aller lire les écrits des parlementaires.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis circonstancié sur le projet de loi en faveur du travail commenté ici-même.


C'est à la lecture de ce genre d'écrits qu'on peut mesurer l'indépendance dont savent faire preuve les députés à l'égard du pouvoir exécutif.

Ainsi, on peut lire dans ce rapport des phrases comme celles-ci :
Il ne peut être envisagé d’examiner ces mesures sans garder à l’esprit l’ambition plus vaste – le véritable souffle, devrait-on dire – au fondement du présent projet de loi : la relance de l’économie.
Ou celle-là :

Car c’est bien à un dynamisme nouveau et à une réforme nécessaire qu’invite, en ce début de législature, le présent projet de loi.
Ou encore plus loin :
Le présent projet de loi est l’un des premiers présentés par le gouvernement en ce début de législature, ce qui montre bien l’importance essentielle attachée par le Président de la République, le Premier ministre, l’ensemble des membres du gouvernement et la majorité à la relance du pouvoir d’achat et à la lutte contre la pauvreté par la revalorisation du travail
On se demande en quoi ces considérations à peine partisanes et pour tout dire franchement obséquieuses viennent faire dans un rapport parlementaire...

Mais entrons dans le vif du sujet.


La durée du travail serait faible en France ?

J'avais montré que contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, il n'existe pas de corrélation entre durée du travail et taux de chômage.

La Commission fait encore plus fort. Elle cite des chiffres qu'il n'est pas possible de retrouver...

Ainsi, le tableau des durées hebdomadaires du travail, qui donne une durée de 38,9 h/semaine en France pour les temps pleins ne se retrouve pas dans les tableaux que j'ai pu trouver sur Eurostat, pourtant source du rapport. Cette durée est comme par hasard la plus faible de tout le tableau et date de 2002 pour la France, quand le chiffre est de 40,7 en 2004... Etrange.

Mais cela n'a que peu d'importance, puisque je répète que le temps de travail n'est rien si on ne parle pas de productivité, ce que le rapport évite de faire.



Les heures sups ne pourront être refusées

J'avais également pointé le problème qu'il y a à présenter le slogan "travailler plus pour gagner plus", en ajoutant finement "pour ceux qui le souhaitent", quand les salariés ne peuvent refuser de faire des heures sups sous peine de faute professionnelle.

Mme Billard s'en est émue et a proposé un amendement :
La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard disposant que le refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires à l’initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.
On notera que cet amendement, proposé pour mettre en application de façon stricte la promesse faite par le condidat UMP devenu président du choix de faire des heures sups a été proposé par une élue de l'opposition.


Mais la majorité ne semble pas pressée de le mettre en oeuvre, au risque de faire passer le président pour un menteur. L'amendement n'a pas été retenu. Pour quelle raison ?
M. Dominique Tian [rapporteur] a précisé que ce projet de loi est principalement un texte portant création d’exonérations fiscales et sociales, non un projet tendant à réformer l’organisation du temps de travail : de ce fait, le présent amendement n’est pas très opportun. En tout état de cause, il existe en la matière des règles jurisprudentielles, à l’image de celle rappelée dans un arrêt du 20 mai 1997 par la chambre sociale de la Cour de Cassation, selon laquelle le refus d’exécuter des heures supplémentaires ne peut être considéré comme fautif lorsqu’il est exceptionnel et motivé par le fait que le salarié n’a pas été prévenu suffisamment tôt.
De plus, il a ajouté :
Le rapporteur pour avis a rappelé que le recours aux heures supplémentaires est aujourd’hui déjà encadré : par exemple, le niveau du contingent par salarié est fixé à 220 heures par an et la durée hebdomadaire maximale du travail à quarante-huit heures.
Exit donc le droit de refuser les heures sups. Vous ne pourrez pas travailler plus pour gagner plus. Vous devrez travailler plus, et tant pis pour le reste !


Bienvenue dans la France d'après !

Mais quand comprendront-ils ?

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5.7.07

Projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat

Le texte initial du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est disponible.

Pas de surprise : Sarkozy l'a annoncé, Fillon le perroquet l'a répété, et il sera donc voté.

Mais au-delà des annonces et des slogans, comme le trop fameux "travailler plus pour gagner plus", qu'y a t'il dans ce texte ?

Lisons donc l'exposé des motifs, et commentons.

I. – Orientation générale

La relance de l’économie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage. Cet objectif suppose de lutter contre la pauvreté au travail. Il nécessite également une adaptation du système des prélèvements obligatoires, afin de le rendre plus incitatif et plus équitable et de l’adapter aux nécessités d’une économie ouverte et aux besoins des Français, qui doivent pouvoir transmettre le fruit de leur travail et souhaitent légitimement que celui-ci ait pour contrepartie une amélioration de leur pouvoir d’achat, y compris dans le domaine du logement. Telle est l’ambition de la présente loi qui vise à donner corps aux engagements clairs pris devant les Français par le Président de la République.

Le travail comme vertu cardinale. Tout le monde au travail et la France est sauvée, tel est le message porté par le gouvernement Sarkozy. Pour cela, on baisse les cotisations sociales, les impôts sur le revenu, les droits de mutation et la dette des ménages. De quoi redonner du pouvoir d'achat, toutes choses égales par ailleurs.

On glisse en passant sur le superbe "travail comme instrument de lutte contre le chômage". Raffarinien. La Fillonade a de beaux jours devant elle...

II. – Dispositions du projet de loi

L’augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l’augmentation de notre rythme de croissance. Cette corrélation est mise en évidence par les comparaisons internationales, qui montrent notamment que les pays européens qui connaissent le plein emploi sont souvent ceux dans lesquels le nombre moyen d’heures ouvrées par salarié est élevé.

Première phrase, premier écueil dans la démonstration. Il ne suffit pas d'affirmer une chose pour qu'elle soit vraie...

Sur Eurostat, on peut trouver ce tableau, qui indique le nombre moyen d'heures hebdomadaires travaillées par les différents européens titulaire d'un travail à plein temps :



1998199920002001200220032004200520062007
UE (27 pays)
:::41.7 (i) 41.6 (i) 41.7 (i) 41.8 (i) 41.941.9:
UE (25 pays)
:::41.8 (i) 41.6 (i) 41.7 (i) 41.9 (i) 42.041.9:
UE (15 pays)
42.1 (i) 41.9 (i) 41.7 (i) 41.6 (i) 41.4 (i) 41.5 (i) 41.7 (i) 41.941.9:
Zone euro
41.5 (i) 41.3 (i) 41.2 (i) 41.2 (i) 41.0 (i) 41.1 (i) 41.4 (i) 41.641.7:
Zone euro (13 pays)
41.6 (i) 41.5 (i) 41.3 (i) 41.2 (i) 41.0 (i) 41.1 (i) 41.4 (i) 41.641.7:
Zone euro (12 pays)
41.6 (i) 41.5 (i) 41.3 (i) 41.2 (i) 41.0 (i) 41.1 (i) 41.4 (i) 41.641.7:
Belgique
41.238.438.541.241.441.341.041.141.0:
Bulgarie
:::41.441.641.341.841.541.7:
République tchèque
45.044.744.742.542.743.142.942.942.7:
Danemark
40.140.040.640.340.340.340.340.440.5:
Allemagne
41.741.841.841.641.441.041.341.6 (p) 41.7 (p) :
Estonie
42.742.041.942.041.641.641.641.441.5:
Irlande
42.942.142.041.541.340.940.7:::
Grèce
44.544.844.344.244.244.344.144.344.1:
Espagne
42.342.242.142.041.841.641.742.442.2:
France
41.040.940.239.638.940.740.740.941.0:
Italie
40.640.540.640.640.540.541.441.341.3:
Chypre
:42.642.641.841.742.042.442.441.8:
Lettonie
44.144.344.044.644.143.843.342.843.0:
Lituanie
42.9:40.139.739.539.439.439.539.8:
Luxembourg
40.340.640.740.340.240.840.940.940.4:
Hongrie
41.842.041.941.541.441.441.341.041.0:
Malte
::41.940.541.441.741.541.541.2:
Pays-Bas
41.041.041.040.940.740.640.640.740.8:
Autriche
41.841.941.841.741.641.544.8 (b) 44.244.144.1
Pologne
:::43.043.443.443.443.342.9:
Portugal
43.142.442.041.941.941.641.841.741.6:
Roumanie
41.141.141.240.941.841.841.541.541.3:
Slovénie
43.943.643.143.243.142.642.942.942.5:
Slovaquie
42.642.242.242.642.241.041.241.441.6:
Finlande
40.941.040.940.740.640.640.440.540.5:
Suède
41.341.341.241.041.040.840.841.141.1:
Royaume-Uni
44.844.344.244.243.943.743.443.243.1:
Croatie
::::42.843.042.742.542.0:
Islande
49.450.050.149.548.547.246.747.1::
Norvège
39.539.539.339.239.239.439.339.439.5:
Suisse
43.143.042.842.742.942.742.642.742.7:

Sur Eurostat toujours, on trouve également ceci :

Si on s'amuse à tester la corrélation, que voit-on ?

Eh bien, on ne voit rien. Il n'existe pas de corrélation entre le taux de chômage et le temps de travail des personnes travaillant à temps plein. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de corrélation avec le temps de travail global, comptant les personnes travaillant à temps partiel, mais je n'ai pas trouvé les chiffres globaux.

Quoi qu'il en soit, quelques éléments supplémentaires pour comprendre ce que veut dire le premier ministre ne seraient pas de trop.

Pour parvenir à cet objectif, il faut jouer à la fois sur l’offre et sur la demande. Tel est l’enjeu de l’article 1er, qui vise à diminuer le coût du travail pour les entreprises qui augmentent la durée de travail de leurs salariés, tout en incitant ces derniers à travailler plus par la garantie d’une augmentation substantielle de leurs revenus.

Cet article prévoit pour les entreprises un allègement de cotisations sociales qui les incitera à accroître leur offre de travail. Cet allégement sera majoré pour les PME de 20 salariés au plus, pour tenir compte de leur besoin important en heures supplémentaires et pour leur permettre de mieux répondre aux sautes d’activité, face auxquelles leur taille réduite constitue un handicap.

Agir sur l'offre. En diminuant le coût du travail pour les employeurs. Certes.

Le raisonnement semble donc de dire que si les salariés ne travaillent pas plus longtemps, c'est parce que les heures sups sont trop chères. Soit.

Le volant d'heures sups, 220 h par an possibles, n'est actuellement pas utilisé à son maximum. Est-ce parce qu'elles sont trop chères ? Ou parce que la productivité est telle que le recours aux heures sups est inutile ? Ou parce que les carnets de commande ne sont pas extensibles ? Nulle part on ne parle de la productivité. C'est pourtant le nombre d'unités de valeur par unité de temps qui est important. Pas le nombre d'unités de valeurs seul, ni le nombre d'unités de temps seul. On peut faire travailler les gens plus longtemps, s'il sont moins productifs, cela ne sert à rien. La problématique du temps de travail est mal posée. C'est bien les gains de productivité qui permettent aux humains de moins travailler au fil de l'histoire moderne pour des salaires d'ailleurs de plus en plus élevés... Un objectif raisonnable de développement et de bien être devrait au contraire être de diminuer encore le temps de travail, mais c'est un autre débat.

A noter que le "travailler plus pour gagner plus" ne concerne que les salariés, puisqu'eux seuls sont aux 35 hgeures actuellement...

Dans les faits, l’accord du salarié facilite grandement le recours aux heures supplémentaires. Pour tenir compte de cette réalité et pour que ceux qui acceptent de travailler davantage en récoltent les fruits, les salariés bénéficieront d’une réduction de cotisations sociales et d’une exonération d’impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007.

"L'accord du salarié" ? On croit rêver ! "Ceux qui acceptent de travailler davantage" ? Le premier ministre se moquerait-il des salariés ? Ignore t'il que le salarié est subordonné à son employeur, et qu'en l'état actuel de la loi, refuser des heures sups est passible de licenciement ? Il s'agit d'une faute. A moins que le gouvernement inclue une disposition sur le volontariat, permettant aux salariés de refuser les heures sups, on ne voit pas bien ce qui est écrit dans cette motivation...

Les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel bénéficieront aussi de l’exonération fiscale et sociale salariale. En revanche, la rémunération de ces heures n’ouvrira pas droit à l’allégement des cotisations des employeurs. Il convient, en effet, de ne pas les inciter à recourir davantage au temps partiel en contradiction avec l’objectif général d’augmentation de la durée moyenne du travail, et d’éviter en outre le maintien artificiel d’une durée de travail réduite qui serait susceptible de préjudicier aux intérêts des salariés à temps partiel.

Le gouvernement semble avoir entendu l'argument consistant à expliquer qu'une mesure d'éxonération des heures complémentaires pour l'employeur aurait des effets pervers sur l'emploi en incitant à diminuer le nombre d'heures normales pour les remplacer par des heures sups... Mais dans ce cas précis, c'est un trompe l'oeil, puisque l'employeur d'un salarié à temps partiel n'est plus incité à lui faire faire des heures complémentaires. On institue donc un nouveau handicap pour les salariés à temps partiel, qui bénéficieront donc moins des heures sups que ceux qui sont à temps complet ! Déjà que les temps partiels sont souvent subis et morcelés, ils seront de fait exclus de la mesure, puisque leur employeur n'est pas incité à y recourir...

Plus généralement, des dispositions sont bien entendu prévues pour prévenir les effets d’optimisation, afin d’éviter l’artifice consistant à limiter ou à réduire la durée du travail pour faire fictivement apparaître des heures supplémentaires ou complémentaires.

Cet écueil est identifié, mais il sera impossible de le vérifier. Qu'un employeur, en accord avec son salarié, déclare des heures sups fictives au lieu d'augmenter les salaires de base, personne ne le saura. Il faudrait pour cela être capable de contrôler encore plus les déclarations. Mais le gouvernement précédent a déjà limité le nombre d'inspecteurs du travail...


Viennent ensuite des mesures en faveur des étudiants.

Afin d’améliorer la situation des étudiants qui doivent travailler pour financer leurs études, l’article 2 prévoit une exonération d’impôt sur le revenu des salaires qu’ils perçoivent, dans la limite de trois fois le SMIC mensuel.

Ainsi, l’exonération, actuellement limitée aux rémunérations perçues par les jeunes gens âgés de vingt et un ans au plus pour les emplois qu’ils occupent pendant les seules vacances scolaires ou universitaires (« jobs d’été »), est étendue aux salaires perçus par les élèves ou étudiants (« étudiants salariés ») en contrepartie d’une activité exercée durant l’année scolaire ou universitaire.

La limite d’âge, appréciée au 1er janvier, est relevée de vingt et un ans à vingt-cinq ans au plus.

Enfin, en vue de préserver le cas échéant les droits à la prime pour l’emploi (PPE) calculés sur les seuls revenus imposés, cette exonération est applicable sur option des intéressés.

L'objectif est de permettre aux étudiants de travailler sans être imposés sur un montant de l'ordre de 3 mois de SMIC. Bonne idée.

Mais elle signifie qu'on souhaite que les étudiants travaillent. Et pas qu'ils se contentent d'étudier, ce qui prend déjà du temps. Cette mesure semble indiquer que les efforts en matière de statut étudiant, d'aides aux étudiants, de bourses diverses, d'aides au logement et tutti quanti ne seront sans doute pas revalorisés. Charge aux étudiants de trouver le temps, en plus de leur temps d'études, d'aller travailler. Est-ce ainsi qu'on pense amener 50 % d'une classe d'âge à la fin de la licence ?


Autre train de mesure, l'aide aux propriétaires, qui pourront déduire leurs intérêts d'emprunt. On ne voit pas bien ce que cela a à voir avec le travail, puisque les propriétaires ne sont pas tous des salariés, public visé par le "travailler plus pour gagner plus"...

Afin d’aider les personnes qui acquièrent leur résidence principale à financer cet investissement, l’article 3 institue un avantage fiscal à raison des intérêts d’emprunt supportés pour l’acquisition ou la construction d’un logement à usage d’habitation principale.

Ouvert à tous les accédants et aux emprunts en cours aussi bien qu’aux nouveaux emprunts, cet avantage prend la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d’emprunt payés à compter du 1er jour du mois suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, au titre des intérêts afférents aux cinq premières années de remboursement, dans la limite d’un montant annuel d’intérêts ne pouvant pas excéder 3 750 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 7 500 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 500 € par personne à charge.

Rappelons une chose, qui pourrait être utilisée pour attaquer cet article. Quand on rembourse un prêt, on commence toujours par rembourser plus d'intérêts que de capital.

Dans la plupart des échéanciers de remboursement de prêt immobilier, on voit la part du capital remboursé augmenter doucement de presque rien à presque la totalité de la mensualité remboursée.

Ainsi, il est plus intéressant pour cette mesure d'être en début de prêt qu'à la fin... L'égalité devant l'impôt est alors dépendante de la date d'achat et de la durée de remboursement, ainsi que de la capacité de négociation des emprunteurs face à leur banquier...

A noter que là encore, ce ne sont pas les seuls salariés qui sont concernés. Même ceux qui n'ont jamais travaillé de leur vie bénéficieront de cette mesure !


Viennent ensuite les droits de mutation.

Il a été rappelé que seules 10% des successions sont actuellement imposables. En effet, la loi actuelle prévoit un abattement global de 50000 € puis encore 50000 € à diviser par le nombre d'enfants. Deux enfants peuvent donc toucher 75000 € sans payer un centime d'impôt ! Au-delà, le barême est progressif et il faut dépasser 1 700 000 € pour être imposé à 40%. On est loin de la confiscation prétendue !

Mais comme personne n'hérite plus d'une ou deux fois dans sa vie, cette loi est très mal connue d'un public qui croit à tort que l'Etat spolie les héritiers...

A noter que là encore, ce ne sont pas les seuls salariés qui sont concernés. Même ceux qui n'ont jamais travaillé de leur vie bénéficieront de cette mesure !

Afin de faciliter la transmission des patrimoines représentant le fruit d’une vie de travail, l’article 4 prévoit un allègement des droits de mutation à titre gratuit.

Ainsi, les droits de succession sont supprimés au profit du conjoint survivant et du partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité.

L’abattement personnel de 50 000 € applicable pour les donations et successions sur la part de chacun des ascendants et de chacun des enfants vivants ou représentés est porté à 150 000 €. Corrélativement, l’abattement global de 50 000 € applicable sur l’actif net successoral est supprimé. Un abattement spécifique de 5 000 € est également institué pour les successions dévolues aux neveux et nièces.

Les transmissions entre vifs sont facilitées par la création d’une exonération de droits de mutation applicable aux dons en numéraire dans la limite de 20 000 € au profit d’un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce. Le donateur ne pourra en bénéficier qu’une fois au titre de chaque donataire.


Enfin, le "bouclier fiscal". Là encore, une mesure qui ne concerne pas les seuls salariés. Même ceux qui n'ont jamais travaillé de leur vie et qui vivent de rentes bénéficieront de cette mesure !

Depuis le 1er janvier 2007, les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus, hors contributions sociales.

Afin d’améliorer encore la compétitivité fiscale de la France, l’article 5 ramène ce seuil de 60 % à 50 %.

En outre, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS,…) sont ajoutés aux impôts plafonnés, afin d’assurer au dispositif une effectivité réelle.

Si l'objectif de cette mesure est de faire revenir de l'étranger des français mauvais citoyens qui refusent de payer l'impôt qu'ils doivent, c'est raté. En effet, la France, même en limitant à 50% des revenus l'impôt, ne pourra jamais rivaliser avec des pays où il n'y a pas d'impôt !

Si l'objectif est celui-là, il faut supprimer l'impôt sur le revenu !


Une mesure enfin qui mérite qu'on s'y arrête, car c'est peut-être la seule qui vaille le coup dans cet amas de fausseté. L'aide aux PME.

Les petites et moyennes entreprises françaises et européennes font face à des difficultés de financement.

Or, ces entreprises constituent un segment essentiel du tissu économique, notamment en termes de créations d’emplois et d’innovation.

Le besoin de mobiliser un volume croissant de capitaux en faveur des PME amène le Gouvernement à proposer un dispositif fiscal d’incitation à la souscription au capital de ces entreprises.

De même, dans le but de soutenir l’effort en faveur de la recherche et de l’insertion des personnes, ce dispositif serait étendu aux entreprises d’insertion ou aux œuvres d’intérêt général comme la recherche ou les universités.

L’article 6 permet ainsi aux contribuables qui le souhaitent d’affecter tout ou partie de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au financement de PME ou d’organismes d’intérêt général.

Il prévoit une réduction d’ISF égale à 75 % des versements effectués soit au titre de souscriptions directes ou indirectes au capital des PME, quelle que soit leur forme sociale (société anonyme, société à responsabilité limitée, société coopérative de production…), soit au titre de dons au profit des fondations reconnues d’utilité publique, des établissements publics de recherche, des établissements publics d’enseignement supérieur et des entreprises ou des associations d’insertion. Chacun de ces avantages fiscaux peut atteindre jusqu’à 50 000 €.

On le voit, seuls sont concernés ceux qui payent l'ISF. Cela limite considérablement la portée de la mesure.

Pour rappel, il faut un patrimoine supérieur à 760 000 € pour être assujeti à l'ISF. Et encore, cet impôt est TRES progressif, son taux passant de 0,55% à 1,80% entre 760 000 € et 15 800 000 € (quinze millions huit !)

De plus, investir dans une PME, c'estprendre le risque de gagner de l'argent. Donc au lieu que l'Etat prenne l'ISF pour financer des PM, on va aider des gens aisés à prendre des participations dans des entreprises. IL n'y a plus qu'à permettre que ce soient des entreprises familiales et les augmentations de capital suivront la courbe des bénéfices de la PME... Ou comment devenir riche grâce à ses impôts !


Suivent enfin des considérations sur les stocks-options. Je ne traite pas ce passage, qui n'a que peu d'intérêt, à part de se faire mousser sur un sujet qui ne regarde que les conseils d'administrations des entreprises. Il est tordant de voir un gouvernement de droite se proclamant libéral venir réglementer les bonus que des dirigeants négocient avec les représentants des actionnaires.

Instiller de la morale dans les affaires ? Alors il faut s'attaquer à bien des choses, mais pas forcément au parachute plus ou moins doré de tel ou tel. L'opinion manipulée s'est émue de ce point particulier, sarkozy s'en est saisi. Mais ce n'est pas cela qui moralisera le monde des affaires et de l'argent, qui ne connaît que la loi du plus riche.


Conclusion

Beaucoup de coupes budgétaires pour un effet incertain sur l'offre et la demande de travail.

Des mesures qui ont séduit les salariés mais qui bénéficieront avant tout à ceux qui disposent de revenus et de patrimoine conséquent, c'est à dire une infime minorité de salariés ! Les professions libérales, les entrepreneurs et le bataillon des rentiers continuera à s'enrichir de plus en plus tout en pouvant transmettre plus d'argent et de patrimoine à leur progéniture.

Quand comprendront-ils enfin ?

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